En cette période d’état d’urgence assorti de couvre-feu partiel décrété sur l’étendue des régions de Dakar et Thiès, de 21h à 5h du matin, pour freiner la propagation de la deuxième vague de Covid-19, les déplacements pour aller au travail, en revenir ou pour un tout autre besoin constituent un véritable casse-tête pour nombre de Dakarois. Entre hausse illégale des prix des transports, «saucissonnement» des trajets et manque de véhicules, les usagers des transports en commun notamment privés vivent un énorme calvaire pour vaquer à leurs occupations, surtout aux heures de pointe et particulièrement le soir, à partir de16h. Un tour au niveau de différents arrêts-cars permet d’apprécier la souffrance de milliers de passagers des cars rapides, «Ndiaga-Ndiaye», Tata, taxis et autres «clandos» dont le seul souhait est de regagner leurs domiciles ou destinations finales avant l’entrée en vigueur du couvre-feu à 21 heures.
16h au rond-point Case-bi des Parcelles Assainies. Ici, des embouteillages rendent presque infranchissable ce rondpoint. De longues files de voitures sont visibles sur les différentes voies qui convergent vers ce «carrefour». Entre grondement de moteurs, klaxons, fumée se dégageant de certains pots d’échappement, l’atmosphère est invivable ou presque. Mais, comme à l’accoutumée, au niveau de ce lieu de la banlieue Dakaroise, de nombreuses personnes attendent des bus ou cars devant les conduire à destination, sous le vent frais et la poussière. Parmi la foule, Ahmad Ndiaye, un passager en attente de la ligne 34 se confie à nous. «C’est vraiment compliqué, surtout en cette zone où il y a les travaux de BRT (Bus rapid transit, ndlr). A certaines heures, c’est hyper compliqué. Je donne un exemple : si tu quittes Sacré-Cœur pour aller à Guédiawaye, tu es obligé de payer trois (3) tarifs. Le transport est un vrai casse-tête pour les Sénégalais ; vraiment on souffre. Il faut avoir les poches pleines pour pouvoir se déplacer. Là où on payait 500 F CFA aller-retour, maintenant, il faut 1000 F CFA ou même plus pour le faire. Les chauffeurs devraient être plus indigent vis-à-vis du peuple, surtout en cette période de pandémie où il est excessivement difficile de joindre les deux bouts», a fait savoir Ahmad Ndiaye. En effet, force est de constater que même si la pratique a précédé l’état d’urgence doublé de couvre-feu, elle a empiré ces derniers temps. Des chauffeurs et transporteurs revoient à la hausse les prix des transports publics aux heures de pointe, surtout le soir. Parfois, des chauffeurs des cars de transport en commun privé sectionnent les distances, poussant les usagers à payer le double, voire le triple du tarif normal pour arriver à destination, avant l’entrée en vigueur du couvre-feu à 21h. Et ces coups bas qui exposent ces derniers expliquent souvent les foules immenses constatées au niveau des arrêts-cars ou sur les trottoirs, avec certains optant pour la marche, à partir de16h, 18h ou 19h.
SORITE DU MINISTRE DES TRANSPORTS : LE MEDECIN APRES LA MORT
Mansour Faye, le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement (MITTD), à travers un communiqué qu’il a signé le 09 janvier 2021, reçu à Sud Quotidien, a rappelé que les tarifs des transports sont fixés par le décret n°2009-20 du 22 janvier 2009. Le décret précité étant toujours en vigueur, lesdits tarifs doivent alors être strictement respectés. Au demeurant, ni l’entrée en vigueur de l’arrêté n°0099 du 07 janvier 2021 relatif aux mesures de restriction dans le secteur des transports routiers pour la lutte contre la Covid-19, pris dans le contexte de l’état d’urgence instauré, encore moins le décret n°2021-0001 du 05 Janvier 2021 proclamant l’état d’urgence sur toute l’étendue des régions de Dakar et Thiès, ne sauraient constituer un prétexte à une quelconque hausse des tarifs des transports routiers publics en commun de personnes, a-t-il insisté. Non sans rappeler les sanctions encourues par les contrevenants. Pour Astou Sylla, étudiante en formation, l’augmentation des tarifs ne date pas d’aujourd’hui L’État devrait y veiller depuis la première vague de la Covid-19. «L’augmentation des tarifs a commencé avec l’ancien communiqué du gouvernement indiquant la limitation du nombre de places dans les transports en commun. Le ministre des Transports terrestres devrait veiller à cela, au lendemain de la levée des restrictions. Il ne fallait pas attendre jusqu’à maintenant pour le faire. La demande est supérieure à l’offre, concernant les moins de transports. Mieux vaut faire avec le sectionnement du trajet que d’être arrêté par la Police à 21h, dormir en prison et payer 12000 F CFA. C’est très difficile ; mais aussi il faut comprendre les chauffeurs. Ils travaillaient jusqu’à 2h du matin ; maintenant on les interdit de le faire avec le couvre-feu. Ce sont des pères de familles aussi ; donc il faut les comprendre, même s’ils ne sont pas en règles. Je pense qu’il faut une compréhension réciproque entre les chauffeurs et les clients», a conseillé Astou Sylla.
DES CHAUFFEURS FONT FI DE LA MENACE DE L’AUTORITE
Lui emboitant le pas, Ousmane Thiam, chauffeur de car-rapide trouvé à une station d’essence de Grand-Yoff a fait savoir que le ministre des Transports terrestres est en mesure de leur interdire le sectionnement et l’augmentation des tarifs. Mais cela demande de la volonté (politique) et des moyens mais aussi des mesures sont d’accompagnement nécessaires ; sinon, elles ne seront pas respectées. «Le ministre parle du décret juste pour apaiser la population ; mais les mesures nécessaires pour les faire appliquer ne seront pas respectées. Nos voitures nous appartiennent, l’Etat ne nous les a pas offertes. Donc nous utilisons ‘’notre loi’’ pour faire marcher notre entreprise. Oui ! C’est une entreprise, la nôtre. Eux, tout ce qui les intéresse, c’est leurs familles. Nous aussi, quand nos familles mourront de faims, eux ils seront dans leurs châteaux, avec leurs enfants.» Plus loin, M. Thiam a estimé n’avoir pas reçue de l’argent des subventions que l’Etat a octroyé, dans le cadre du Fonds «Force Covid-19» pour dédommager les transporteurs. «Pendant le couvre-feu passé, j’avais accepté toutes les mesures édictées par le gouvernement. Mais, je n’ai toujours pas reçu ma part du fonds. Cette fois-ci, je ne vais pas répéter les mêmes erreurs ; je ferais tout pour subvenir aux besoins de ma famille. Et ça, quoi qu’il en soit», a-t-il confié.
SEYNABOU BA (STAGIAIRE)