Réunis en session plénière hier, lundi 11 janvier, les députés ont adopté le controversé projet de Loi n°46/2020 modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. Avec ce vote, la représentation nationale donne ainsi pleins pouvoirs à l’Exécutif de proclamer l’état d’urgence et de le proroger pour un délai d’un mois ou encore de prendre des mesures de restriction des libertés en dehors de la proclamation de l’état d’urgence sans passer par elle, en cas de besoin.
L ’Assemblée nationale clôt le débat en cours depuis plusieurs jours sur la modification de la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. Réunis en séance plénière hier, lundi 11 janvier, les députés qui étaient en nombre restreint par respect du protocole sanitaire dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ont approuvé le projet de loi n°46/2020 modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège qui est désormais élargie aux catastrophes naturelles ou sanitaires.
Avec ce vote, la représentation nationale donne ainsi pleins pouvoirs à l’Exécutif de proclamer l’état d’urgence et de le proroger pour un délai d’un mois ou encore de prendre des mesures de restriction des libertés sans passer par elle, en cas de besoin. Autrement dit, le président de la République, le gouvernement, les gouverneurs ou les préfets pourront, en dehors de la proclamation de l’état d’urgence, prendre chacun en ce qui le concerne des mesures de restriction de la liberté de circulation des personnes ou imposer les couvres feux dans la limite de leur territoire géographique, notamment en cas de situation d’exception ou de catastrophes naturelles ou sanitaires.
Dans le rapport de l’inter commission constituée par la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains et la Commission de la santé, de la population, des affaires sociales et de la solidarité nationale, le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique a évoqué trois raisons pour justifier cette modification. Il s’agit entre autres, de la lourdeur de la procédure de la mise en œuvre de l’état d’urgence, qui requiert, selon lui, « pour sa prorogation, l’intervention de l’Assemblée nationale au terme d’une période de 12 jours ».
L’inadaptation des mesures prévues dans la loi n°69-29 du 29 avril 1969 pour une prise en charge efficace de certaines catastrophes naturelles ou sanitaires qui, par « leur nature, ne constituent pas à proprement parler des atteintes à la sécurité intérieure ou à l’ordre public ». Et la mise en œuvre itérative de l’état d’urgence pour faire face, non pas à des atteintes graves à l’ordre public, mais à des catastrophes naturelles, à des épidémies ou à des pandémies peut être mal comprise dans le contexte d’un pays réputé pour sa stabilité politique et sa paix sociale. Toutefois, il faut dire que cette explication ne semble pas satisfaire tout le monde.
En effet, alors que la presse n’avait pas accès à cette plénière du fait des mesures de restrictions prises dans le cadre du protocole sanitaire mise en œuvre par le bureau de l’Assemblée nationale depuis le mois de novembre dernier, Toussaint Manga, député membre de l’unique groupe parlementaire de l’opposition « Liberté et démocratie » a partagé une vidéo de son intervention dans laquelle, il récuse cet argumentaire du ministre Antoine Felix Abdoulaye Diome. «Je ne voterai pas cette loi. L’argument du gouvernement sur la lourdeur de l’application de la loi 69 du 29 janvier 1969 est un argument léger sans fondement et pas convaincant. Beaucoup de pays à travers le monde sont plus enclins dans la pandémie que le Sénégal. Vous n’avez entendu nulle part des modifications, des tripatouillages de la Constitution pour donner au chef de l’Etat, des pouvoirs qui ne relèvent pas de ses prérogatives. Le Sénégal n’est pas à sa première épidémie. Nous avons connu des pandémies beaucoup plus meurtrières que la pandémie du coronavirus. Alors il ne faut pas profiter de cette pandémie pour étrangler… »
Poursuivant son propos, le responsable du Parti démocratique sénégalais (Pds) appelle ainsi à la dissolution de l’Assemblée nationale qui, selon lui, « n’a aucune utilité puisqu’elle ne joue pas pleinement son rôle ». « Le gouvernement a une volonté manifeste d’affaiblir l’Assemblée nationale. La preuve est que le gouvernement, au lieu de faire face à l’Assemblée nationale, préfère faire face à la presse tous les 15 jours. Nous estimons que c’est à l’Assemblée nationale que le gouvernement devrait parler au peuple sénégalais», martèle l’ancien Secrétaire général du mouvement des élèves et étudiants libéraux (Meel). « On constate que l’Assemblée nationale actuelle n’a aucune utilité puisqu’elle ne joue pas pleinement son rôle » ajoute encore le député Toussaint Manga.
Avant de poursuivre : « Ce qui est inédit et grave dans ce processus de dépouillement des prérogatives de l’Assemblée nationale, c’est que ce sont les députés eux-mêmes qui votent les lois qui fragilisent l’institution. C’est seulement au Sénégal où l’on trouve des députés qui acceptent de voter des lois qui réduisent les prérogatives de l’Assemblée nationale pour les attribuer au gouvernement. Ce parlement mérite simplement la dissolution car elle n’a plus d’importance. Le peuple sénégalais a besoin d’un parlement fort au service des populations et non au service du chef de l’Etat et du gouvernement ».
Par Nando Cabral GOMIS