Coronavirus obligeant, Macky Sall est parti pour se donner, disent ses détracteurs, les pleins pouvoirs en matière d’Etat d’urgence et d’Etat de siège. Et pour cause, c’est ce jour que l’Assemblée nationale est convoquée en séance plénière pour modifier la loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’Etat d’urgence et à l’Etat de siège, et octroyer, au-delà du chef de l’Etat, à ses ministres, aux gouverneurs et préfets, la prérogative institutionnelle de prendre un certain nombre de mesures exceptionnelles dans les secteurs d’activités relevant de leurs domaines et autres instances territoriales, nonobstant les 12 jours consacrés par la Constitution.
Le projet de loi numéro 46/2020 modifiant la loi numéro 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’Etat d’urgence et à l’Etat de siège sera voté ce jour, lundi 11 janvier, au niveau de l’Assemblée nationale. Sauf revirement de dernière minute et véto de la majorité, ce qui serait à coup sûr une première dans le vécu de la treizième législature. Les membres de la représentation parlementaire sont ainsi convoqués en séance plénière pour valider, en procédure d’urgence, un projet de loi fortement critiqué par pas mal d’acteurs de la société civile comme du landerneau politique qui subodorent une menace de restriction des libertés individuelles et collectives. Le projet de modification sera défendu devant les députés par le nouveau ministre de l’Intérieur, en l’occurrence Antoine Félix Abdoulaye Diome qui a pris le relais d’Aly Ngouille Ndiaye comme patron des flics du Sénégal.
Dans le projet de loi modifiant la loi 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’Etat d’urgence et à l’Etat de siège, l’exécutif a inséré deux articles portant sur la « gestion des catastrophes naturelles ou sanitaires ». Le nouvel article 24 dispose qu’en cas de survenance de situations de catastrophes naturelles ou sanitaires, il est donné, à l’autorité administrative compétente, sans que soit proclamé l’Etat d’urgence ou l’Etat de siège, de pouvoir prendre des mesures visant à assurer le fonctionnement normal des services publics et la protection des populations. Ces mesures peuvent notamment consister en l’instauration d’un couvre-feu et en la limitation des déplacements sur tout ou partie du territoire national pour une durée d’un mois renouvelable une fois». Quant au nouvel article 25, il dispose que «les pouvoirs énoncés dans l’article 24 de la présente loi sont exercés par le président de la République. Ces pouvoirs peuvent, sur délégation du président de la République, être exercés par le ministre de l’Intérieur, tout ministre dont l’intervention est nécessaire, les gouverneurs et les préfets».
UNE LOI… PROBLEMATIQUE
Il faut dire que la modification envisagée, ce lundi, de la loi relative à l’Etat d’urgence et à l’Etat de siège ne fait l’unanimité chez tous les acteurs. A l’instar d’Alioune Tine d’Africa Jom Center, et ex Secrétaire Général de la Raddho, qui tire la sonnette d’alarme à propos de cette modification de la loi qui risque de cristalliser davantage le « pouvoir hypertrophié, sans limite» du chef de l’Etat, ce qui constitue déjà un « dysfonctionnement de l’Etat de droit ». Ou même de Seybani Sougou qui relève, après toute une série de réserves sur le projet de loi en question que : « Tout ce qui ne relève pas de l’Etat d’urgence ne peut y être inséré pour quelque motif que ce soit. Par conséquent, si le projet de loi est adopté, la loi sera inconstitutionnelle». Seulement, du côté du pouvoir en place, l’on dégage en touche. Pour Macky Sall et son camp, la loi de 1969 sur l’Etat d’urgence et l’Etat de siège qui sera modifiée ne connaitra aucun changement dans ses dispositions relatives aux deux régimes (Etat d’urgence et Etat de siège). Pour eux, il y aurait juste un rajout d’un troisième régime, concernant la gestion des catastrophes naturelles et sanitaires. Un ajout que le gouvernement explique par les limites de la loi actuelle pour la gestion des cas particuliers de catastrophes naturelles et sanitaires, comme c’est le cas avec la pandémie de Covid-19. Et surtout par la nécessité de gérer ces types de catastrophes sans pour autant y mettre la rigueur et les contraintes requises dans le cas de la gestion d’une situation d’atteinte à la sécurité intérieure et à l’ordre public, qui était visée par la loi sur l’Etat d’urgence et l’Etat de siège.
M DIENG