Il y a quelques mois, Saad Hariri, Premier ministre du Liban, un Etat souverain, a été convoqué à Ryad par le Prince héritier Mohammed Ben Salman, qui lui ordonna de démissionner. Le Premier ministre Saad Hariri obtempéra et lut sa lettre de démission à la télé saoudienne. Entre Mohammed Ben Salman, le donneur d’ordre et la souveraineté du Liban, il choisit de satisfaire les désirs de MBS, suivant l’adage qui paie commande.
L’allégeance à Mohammed Ben Salman a été plus forte que celle due au Liban.
De l’autre côté de l’échiquier libanais, nous avons aussi la même chose, parce qu’il est évident que la première allégeance du Cheikh Hassan Nasrallah n’est pas le Liban, mais l’Iran qui finance le Hezbollah et l’utilise comme son instrument au Liban et dans la région ; d’où l’intervention du Hezbollah en Syrie pour sauver le régime de Assad. Le Hezbollah n’avait d’autre choix que d’aller en Syrie à la demande de l’Iran en vertu de l’adage qui paie commande. Le Hezbollah savait que contrairement à la résistance face à Israël, l’intervention en Syrie ne serait pas populaire, mais il fallait le faire parce que le donneur d’ordre et de financement le voulait pour ses propres intérêts stratégiques.
Les chrétiens maronites ne sont pas non plus mieux lotis, parce qu’ils sont eux aussi inféodés à la France de façon permanente et à Israël de façon conjoncturelle. De la même manière que les sunnites le sont à l’Arabie Saoudite et les chiites à l’Iran. C’est cette «servitude volontaire», pour parler comme Etienne de la Boétie, des factions libanaises à des parrains extérieurs qui fait que les guerres au Liban sont toujours les «guerres des autres».
Le financement extérieur de la politique est non seulement une menace pour la souveraineté d’un pays, mais il mène tout droit vers la libanisation d’un Etat, car octroyant un droit d’ingérence aux parrains dont les intérêts priment sur l’intérêt national et la volonté des électeurs. C’est ainsi qu’on peut comprendre pourquoi Trump n’a pas été à la hauteur morale du rang des Etats-Unis d’Amérique après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans un consulat saoudien en Turquie. Sa volonté personnelle de ne pas froisser ses amis saoudiens a été plus forte que tous les idéaux américains qui ont été sacrifiés à l’autel non pas d’une quelconque raison d’Etat, mais plutôt d’un intérêt politicien personnel. C’est ce même intérêt personnel qui l’a poussé à accepter le parrainage et l’ingérence de la Russie de Poutine lors des élections de 2016.
Chez nous, c’est un secret de Polichinelle que de dire que pendant longtemps certains partis de gauche ont été des instruments de la Chine ou de l’Union soviétique ; d’où la tropicalisation chez nous du conflit Staline-Mao. Le pétrole que nous aurons bientôt et la lutte contre le terrorisme, dont le nerf de la guerre est le financement occulte, devraient nous pousser à être plus prudents devant tout financement extérieur de la politique ou des Ong.
L’exemple des deux Congo doit nous ouvrir les yeux sur les dangers et l’inféodation des politiques et des factions à des parrains extérieurs. Au Congo démocratique, la guerre permanente dans ce pays est le résultat de l’inféodation à chaque parti politique ou de chaque milice à des parrains extérieurs. C’est un exemple de libanisation d’un pays. Au Liban, les déchirures sont religieuses (sunnites, chiites, chrétiens…), alors qu’au Congo, elles sont surtout minières.