Ousmane Sonko, le phenix

par pierre Dieme

De la radiation de la fonction publique à une campagne de diabolisation en passant par le parrainage destiné à freiner l’ancien inspecteur des Impôts et Domaines, le régime n’a pas lésiné sur les moyens pour stopper sa progression

Les menaces de dissolution que le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diom a faites contre Pastef montrent des velléités de museler un Ousmane Sonko qui, depuis son entrée en politique, donne le tournis au pouvoir. De la radiation de la fonction publique à une campagne de diabolisation en passant par le parrainage destiné à freiner l’ancien inspecteur des Impôts et Domaines, le régime n’a pas lésiné sur les moyens pour stopper sa progression. Mais tel un Phénix, Ousmane Sonko renait toujours de ses cendres.

2014. C’est la date de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE). C’est aussi l’année où le parti Pastef et son président Ousmane Sonko ont fait un saut en politique. Et depuis lors, le gouvernement n’a ménagé aucun effort pour mettre en pratique le PSE.

Paradoxalement, la même volonté est notée chez le régime de Macky Sall pour freiner les velléités politiques du leader de Pastef. Se positionnant dans le paysage politique sénégalais avec un discours de rupture fait de révélations sur la gouvernance du Macky, accusant notamment certaines personnalités politiques d’avoir bénéficié illégalement d’avantages fiscaux, Ousmane Sonko a commencé à accrocher une partie de la jeunesse et la diaspora. Il avait révélé dans la foulée que l’impôt sur les salaires des députés n’a pas été prélevé pendant plusieurs années.

Formé à l’Ena et riche d’une expérience de 15 ans à la DGID comme inspecteur des Impôts et Domaines, le ‘’phénomène ‘’ Sonko commence à inquiéter au plus haut sommet. Le 29 aout 2016, la sentence tombe : «Monsieur Ousmane Sonko, inspecteur des impôts et domaines (…) est révoqué sans suspension des droits à la pension pour manquement à l’obligation de discrétion professionnelle», lit-on dans le communiqué qui sonne le glas de la carrière de cet homme politique de type nouveau. Les Sénégalais ayant manifestement un faible pour les victimes, sa trajectoire politique prend ainsi le sens inverse de sa carrière professionnelle. Loin de le museler, cette décision va davantage revigorer le leader des ‘’patriotes‘’.

 Ousmane Sonko ne désarme pas et continue les sorties au vitriol contre les tenants du régime. De plus en plus, Pastef a le vent en poupe. Sur l’ensemble du pays et de la Diaspora, les adhésions se multiplient. Le «Phénix» Ousmane Sonko renait de ses cendres. Presque une année après sa radiation, il est élu à l’Assemblée nationale.

Décrit comme une personne radicale et cohérente dans ses discours, le député Ousmane Sonko donne le tournis à la majorité et aux ministres à chacune de ses interventions à l’hémicycle de la Place Soweto. Dans la foulée, il oriente le débat économique sur la transparence dans la gestion du pétrole, du zircon et des autres ressources du pays. Il accuse aussi de hauts dignitaires du régime comme le frère du Président Aliou Sall et l’ancien directeur des Domaines Mamour Diallo de détournements.

Ainsi, des chercheurs en sciences politiques aussi avertis que Maurice Soudiek Dione et Moussa Diaw trouvent que le «patriote» est une bonne nouvelle pour la démocratie sénégalaise. En face, le régime ne se laisse pas faire et abat ses cartes. Aventurier, intégriste, rebelle, opposé aux confréries, novice, immature…, les termes ne manqueront pas pour ‘’diaboliser’’ M .Sonko. d’ailleurs, le parrainage devait entre autres régler le problème des opposants politiques sans représentativité et créés de «toutes pièces par les medias».

Avec ce nouveau mécanisme, le phénomène Sonko ne devait sortir des «réseaux sociaux». Et cette «bande de dissidents» de l’administration serait vite une page tournée. Mais l’énarque passe haut la main cette étape des parrainages et prend le cap pour l’élection présidentielle de 2019. Auparavant, il a déjà sorti un livre pour mettre en exergue les goulots qui, selon, qui étranglent le développement du Sénégal tout en ébauchant sa vision.

Avant l’élection de 2019, il est la cible de nombreuses attaques si bien que le chroniqueur Babacar Justin Ndiaye dira à ce sujet : «Si Sonko est attaqué, il tient le haut du pavée. S’il attaque, il tient le haut du pavée. Ses adversaires n’ont qu’à faire attention». Le Président Macky Sall est réélu à l’issue de l’élection de 2019 mais désormais avec la certitude que «Sonko n’est plus un phénomène, mais une réalité politique». Depuis cette date, le président du parti Paest, loin de s’essouffler, continue d’étendre ses tentacules.

Avec l’entrée de Rewmi (Ndlr : arrivé deuxième lors de la dernière élection présidentielle) dans le gouvernement et la dislocation de la coalition Jotna, le Président Macky Sall semblait reprendre la mainmise sur ses adversaires. Mais avec ce dernier communiqué du ministre de l’Intérieur mettant en garde le Pastef après son «Nemeku Tour» à succès, commerce à perdre encore le contrôle du paysage politique.

Ousmane Sonko a visiblement repris la main eu égard à la salve de soutiens et d’indignations qui a suivi la sortie de Antoine Féix Diome. Jusqu’où ira le régime de Macky Sall pour adoucir les ardeurs du flinguant politicien ? Dans tous les cas, la bataille sera âprement disputée d’ici 2024.Et les munitions sont loin de finir des deux côtés.

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