Le bras de fer actuel entre le pouvoir et le parti Pastef est symptomatique d’une crise plus profonde dans le landerneau politique sénégalais.
Il rend compte en effet du fait que Macky ne s’est jamais comporté en Chef d’Etat avec son opposition. Quel que soit le moment considéré, il s’est comporté en opposant de l’opposition, c’est-à-dire celui qui est chargé de lui barrer la route, de la réduire à sa plus simple expression.
Durant tout son magistère, il s’est fait le devoir de tenir en respect son opposition, sans répit avec une fréquence des attaques et des tentatives de déstabilisation.
Une situation qui a fait que deux de ses leaders, Khalifa Sall et Karim Wade ont perdu leurs droits civiques et politiques après une éprouvante période d’emprisonnement et que celui qui est arrivé second à la dernière présidentielle a dû se résoudre à rejoindre la majorité après avoir pourtant dénoncé des fraudes.
Le Chef de l’Etat, leader d’une vaste coalition qu’il se fait le devoir d’élargir à chaque instant, utilise ainsi la veille méthode du bâton et de la carotte.
Et les résultats ne cessent de suivre : certains sont ‘’recrutés’’ dans la majorité et d’autres sont menacées de procès, de dissolution de leur parti, de retourner en prison. Et un de ses leaders est même en ‘’exil’’.
Tous les moyens y compris non-conventionnels sont bons pour poursuivre l’adversaire jusqu’à ses derniers retranchements. Et même le dialogue national organisé et qui s’est terminé en queue de poisson n’a été, en réalité, qu’une méthode d’embrigadement de ses adversaires.
Pis, le référendum de 2016 qui donnait de larges possibilités à l’opposition n’a pas du tout été appliqué surtout sur les points liés au statut de l’opposition et à la nomination du chef de l’opposition.
Macky ne lâche rien. Et ceux qui résistent devront, chaque instant, surveiller leurs arrières, avec des pressions de toutes sortes pour qu’ils atterrissent dans les rangs de la majorité.
C’est ainsi que les plus grands partis de l’opposition, le Pds et Rewmi ont été vidés de leurs cadres, systématiquement. Certains ayant eu peur être poursuivis parce que sachant que leurs dossiers sont au niveau de la Crei.
Une situation difficile pour les adversaires et qui rend notre expérience démocratique moins rayonnante malgré de multiples bonds en avant.
En effet, une démocratie a besoin d’une majorité et d’une opposition. C’est une lapalissade que de le dire. Et le Président de la République, clef de voûte des institutions doit justement travailler à promouvoir son opposition.
Comme pour la presse privée qui est souvent très critique, le Chef de l’Etat a une responsabilité dans le fait que son opposition ne doit souffrir d’aucune entrave à l’exercice de sa mission.
C’est à lui de lui trouver un statut, de lui nommer un chef, de permettre à ce qu’elle soit dignement représentée à l’Assemblée nationale par des groupes parlementaires, à mener convenablement ses activités, à les financement, etc.
Eh oui, cela semble paradoxal, mais c’est comme ça. C’est à Macky, Président de la République a, aussi bien veiller sur sa coalition que sur l’opposition. Car, si elle s’effondre, c’est un des piliers de la démocratie qui le sera. Et ce serait inacceptable.
Donc, il faudra éviter de créer les conditions d’une bataille asymétrique avec l’opposition en utilisant les moyens de l’Etat, les institutions de la République, en instrumentalisant la Justice et en interprétant d’une façon tendance les lois et règlements.
Il est temps pour le Président Sall, de se ressaisir et de savoir qu’il est d’abord et avant tout le Chef de l’Etat, celui dont la bonne foi est nécessaire à la marche toutes les institutions.
S’il se comporte toujours en chef de parti, de coalition et dans une perspective de compétition électorale, il va créer, à la longue, les conditions d’un forcing politique qui aurait les allures d’un coup d’Etat constitutionnel.
Il doit savoir qu’une démocratie végète sa propre opposition sans laquelle elle n’en est pas une.
Assane Samb