L’ombre de la mort Par Adama Gaye*

par pierre Dieme

Successivement, après la disparition, hier, du Général Mamadou Niang, concomitante avec celle du Maire de Dalifort, Idrissa Diallo, et précédée de celles de Zeyda Mariam Niass, la fille du guide religieux Baye Niass, et de Pierre Ndiaye, l’un des ténors de nos finances publiques, ce sont des piliers fondamentaux de notre pays qui s’écroulent, et qui ne sont pas sans signaler l’avènement ou la fin d’une ère.
En s’éclipsant, sans crier gare, le Général Niang prive notre pays d’un talentueux militaire dont le nom restera associé à la promotion de la promotion de la démocratie. Il s’inscrivît sur les pas du Général Lamine CISSE, qui a organisé, en 2000, la plus belle élection, transparente, de l’histoire de notre pays. Après Cisse, maître des cérémonies d’un processus démocratique ayant conduit à la première grande alternance politique, saluée de tous, au Sénégal, le Général Niang a été l’architecte des législatives de 2002, non contestées, venant renforcer son engagement militaire, y compris sur les champs de bataille.
L’homme que j’ai connu à Londres, alors qu’il y servait comme ambassadeur de notre pays et que j’y dirigeais le Magazine Pan-africain, West Africa, était un stratège de premier ordre, ayant blanchi sous le harnais et dont l’expertise militaire se renforçait de sa maîtrise des sujets de renseignements du fait de son rôle antérieur dans ce domaine au sein de nos forces de défense et sécurité. C’est donc une évidence que de constater que sa mort laisse un immense vide institutionnel. Surtout dans un contexte où il était l’ultime figure censée sauver un dialogue politique flou, dans une impasse, et au milieu des cris de contestations contre la perspective d’une troisième candidature pour un autre mandat de Macky Sall, à la tête du pays.
Il y a de quoi ajouter à l’inquiétude déjà palpable sur le Sénégal puisque sa brutale disparition vient confirmer le sentiment qu’une ombre menaçante plane au-dessus de la nation, illustrée par des occurrences qui sème l’émoi dans tous ses segments. Avec lui, d’autres piliers se sont effondrés, dans une litanie qui ne cesse d’alourdir l’atmosphère ambiante pourtant suffisamment chargée. Qui n’a pas ainsi noté que la perte de Zeyda Mariam Niass rabote son flanc religieux ; celle de Pierre Ndiaye, son socle financier ; tandis que les territoires sont affligés par une série de décès de maires dont les visages étaient devenus familiers à force d’apparaître sur le petit –écran ?
En réalité, c’est l’apothéose d’une…sinistrose.

Depuis le début de cette année horrible 2020, les jours et mois se sont succédé au rythme d’une avalanche de mauvaises nouvelles : aucun secteur de la société nationale n’a été épargné, tout le pays vit en apnée, dans l’attente, fiévreuse, tremblotante, de ce qu’elle nous réserve encore en ces dernières 48 heures.
Il y a cependant une lecture fondamentale à retenir de ces bouleversements provoqués par la grande faucheuse, sous le sceau imprévisible et incontrôlable de l’Ange Gabriel : les plans humains sont fétus de paille face à cette déferlante suprême, supérieure, venue comme pour nous rappeler que notre pays ne se fera pas seulement selon les projets, nobles ou vicieux, que certains, frappés d’un syndrome d’hubris, tentent de lui assigner.
Volonté d’y instaurer une dictature, honteuse sous tous les rapports pour ce qui a toujours été, et reste son destin primordial ; dealogue politique, associant dans une combine collective les pires politiciens du pays, afin d’imposer un consensus mou, anti-démocratique ; tentative de brider les libertés publiques et individuelles au moyen d’un détournement de l’Etat de droit et des moyens de la puissance publique ; caporalisation des corps constitués à des fins politiciens, notamment d’une justice travestie ; tentative, après une dernière élection présidentielle frauduleuse, en 2019, subséquente d’un «deal» souterrain l’ayant porté au pouvoir en 2O12, de la part de Macky Sall de briguer un troisième mandat présidentiel illégal, immoral et illégitime ; manœuvres pour passer une loi scélérate dans le but, officieusement proclamé, d’amnistier des acteurs politiques convaincus d’avoir pillé les caisses du pays mais davantage pour blanchir d’autres crimes, plus graves, commis par l’actuel pouvoir au bord d’une banqueroute ; et même cette loufoque initiative locale, à St-Louis, au Nord du pays, proposée par son maire, Mansour Faye, beau-frère de Macky, de lui donner le nom de la plus grande avenue de la cité, à la colère générale de ses habitants…
Le vase est plein. Les morts en boucle ne font donc rien pour réduire le climat de peur, accentué par les difficultés de la vie quotidienne. Il faut, dans ces conditions, être d’une myopie sans limites pour s’imaginer que les projets d’un régime en débandade ont quelque chance de réussir. En particulier, cette risible, résistible, stratégie qu’il déploie, en désespoir de cause, pour installer le pays dans un culte de la peur et d’une dictature qui a fini de le mettre au bord du précipice.
Quelle inconscience de ne pas saisir le sens des morts, célèbres et nombreux, marqueurs incontestablement, avec le coronavirus, d’une année 2020 charnière. Il est minuit, et Dieu, les cieux, sont fâchés.

Adama Gaye*, opposant au régime de Macky Sall, vit au Caire.

Ps: Les Generaux Lamine CISSE et Mamadou Niang restent les symboles de la transparence électorale.

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