Les Djinns s’en mêlent. Le Sénégal est un pays tellement atypique que les djinns sont convoqués dans les relations entre le Président de la République et certains de ses administrés.
L’Imam de Léona Niassène a en effet menacé le Président Sall de lui envoyer les djinns si jamais il y avait l’ombre d’une interdiction sur le ziarra qui se prépare. Une information largement rapportée par la presse hier.
En même temps, l’Imam Ratib de la grande mosquée de Dakar, en bon lébou, n’a pas hésité à menacer les autorités si jamais on touchait au statut de Dakar.
Il a été tellement ferme qu’il n’exclut pas, en des termes à peine voilés, une rébellion exactement comme ce qui s’était passé en Algérie avec le Fis.
Des menaces contre le Président qui viennent de hautes personnalités de la société civile, lato sensu.
Bien sûr, il y a une forte dose d’exagération par rapport aux craintes de ses hommes de Dieu. Le Président de la République n’a pas jusqu’ici interdit les manifestations religieuses d’une façon unilatérales sans s’en référer aux guides religieux.
Et s’agissant de Dakar, l’idée n’a été qu’émise par un Ministre même c’est celui qui s’occupe de la décentralisation et des collectivités territoriales.
Aucun projet de loi dans ce sens n’a été proposé aux députés.
Même s’il n’est pas exclu que ses craintes se vérifient dans les prochains jours ou prochaines semaines, il est fort possible que les autorités n’agissent pas contre les cérémonies religieuses et ne touchent pas à la ville de Dakar et aux autres qui ont un statut particulier.
Qu’à cela ne tienne, cette situation rend compte d’une réalité qui, jusqu’ici, est passée inaperçue. C’est qu’en dehors de l’opposition classique qui s’est largement affaiblie ces derniers temps et de la société civile qui ne se porte pas mieux, la société sénégalaise végète une forme d’opposition latente qui n’attend que ses intérêts soient touchés pour réagir.
Les mécanismes de contre-pouvoir officieux existent et sont très dynamiques.
En clair, le moindre geste des autorités étatiques est scruté avec soin par ces structures non-formalisées par très vigilantes.
C’est dire que les autorités ne peuvent pas faire ce qu’elles veulent. Elles sont tenues au respect des exigences et desiderata de puissantes personnalités et parfois de lobbys qui sont prêts à défendre leurs droits et ceux de leurs affidés.
Ces mécanismes de contre-pouvoir, loin d’être complices du régime de Macky, sont souvent préoccupés par la paix et la sécurité publique et ne préfèrent pas toujours entrer dans le débat public.
Mais, dès que la question est sérieuse, on les entend directement ou indirectement par des positionnements clairs et parfois même par des actes défiance envers l’autorité centrale.
A Ouakam par exemple, le Jaraaf (chef traditionnel) a fait récemment une sortie publique pour s’insurger contre l’arrestation de certains de leurs proches dans un dossier du port de Dakar alors que certains étrangers impliqués sont libérés.
A Saint-Louis, le projet de rebaptiser certaines rues a créé une vive polémique qui pourrait s’amplifier dans les prochains jours.
Comme on a pu ainsi le constater, la société n’est ni passive ni complaisante. Elle est seulement respectable des règles et exige de la part des autorités le même type d’attitude envers les administrés.
Une façon de dire que les autorités sont ainsi averties sur le fait que tous les projets ne vont pas passer et qu’il faut beaucoup de mesure et de tact avant de matérialiser une idée qui bouleverse la vie des citoyens et le fonctionnement des institutions.
Les chefs religieux, les Imams, les chefs traditionnels, les citoyens à travers leurs associations et autres mouvements veillent au grain.
Le jour qu’ils sentiront qu’il y a péril et qu’une ligne rouge a été franchie, ils vont se dresser comme un seul homme pour faire face. Comme quoi, les mécanismes de contre-pouvoirs sont bel et bien fonctionnels au Sénégal au-delà même de ceux qui sont traditionnellement connus.
Il s’agit des mécanismes informels de contre-pouvoirs.
Assane Samb