Soudain, le jeu politique s’emballe parce que tout le pays subodore une candidature controversée, aussi prématurée que problématique, de Macky Sall à un troisième mandat, et le sujet, qui justifie que quiconque l’aborde dans son entourage voit sa tête coupée, promet de secouer les fondements socio-politiques nationaux.
Le risque réel est qu’il ne dégénère très vite tant le sentiment d’une polarisation explosive s’installe alors que les échéances électorales qui sont concernées restent encore lointain.
La question dès lors est celle de savoir si nous ne nous acheminons pas vers une montée des tensions aux conséquences imprévisibles voire incalculables.
Qui, alors, peut freiner l’embrasement ? Comment ne pas penser, en tentant d’y répondre, que la principale responsabilité de ce qui adviendra incombe au premier chef à celui qui, voici un peu plus d’un an, le 24 février 2019, s’était imposé en vainqueur, dès le premier tour, de la dernière présidentielle, tout en sachant que les résultats sortis des urnes ne permettaient pas une telle perspective.
Les frustrations qui en sont nées, l’atonie subséquente de la vie politique, le rejet des politiciens, surtout après la découverte qu’un «deal» avait été concocté entre deux des principaux candidats, à savoir Macky et Idrissa Seck, pour couvrir le crime électoral, n’ont pas peu pesé sur le climat délétère qui prévaut dans le pays depuis ce rendez-vous de la transparence transformé en combine du plus mauvais effet.
Parce que l’élection fut faussée, la suite fut calamiteuse. Depuis, on a le sentiment que le Sénégal s’est retrouvé plongé dans une interminable nuit de malheurs. En moins de deux ans, tout est à l’arrêt, de l’économie à la vie sociale.
Calamité sur calamité, sur fond d’angoisses, de souffrances, d’incertitudes, de faim et soif, d’une inlassable inquiétude sur un présent assassiné, sans espoir pour un avenir bloqué, tel va le Sénégal, comme un navire ivre, depuis que ce processus électoral a été publiquement braconné lors de l’élection présidentielle la plus frauduleuse des nombreux scrutins volés en Afrique.
Au lieu de mesurer la gravité de la crise systémique qu’il a créée dans le pays, le vainqueur illégitime d’un vote décidé par effraction ne cesse de montrer muscles et dents, de faire monter les forces de sécurité, de diviser les acteurs politiques, par la peur et la corruption, de tenir sous son genou les segments les plus réfractaires à sa gestion de plus en plus despotique.
Pendant ce temps, agissant en prédateur, il use et abuse des fonds publics pour acheter autant de consciences qu’il peut à seule fin de contraindre le pays à s’aligner à sa boulimie pouvoiriste sans fin ni raison.
Tous ceux qui le connaissent savaient que Macky Sall ne pouvait agir qu’ainsi, en autocrate, incapable de se poser en démocrate dans un pays qui a toujours transpiré à la sueur du débat et de la compétition pluriels.
On peut, dans ces conditions, se demander, qui, de lui, ou des citoyens opposés à ses méthodes cavalières, dont l’auteur de ces lignes, est le plus responsable du climat malsain, germinateur de violences que l’on voit aisément poindre à l’horizon, dans un ciel passablement agité, assombri par la volonté de Sall de n’en faire qu’à sa tête.
L’heure est grave. Trop grave. En jouant des muscles et se montrant déterminé à appliquer la stratégie du «One Man, one Vote, Once », « un homme, une voix, une fois », qui ne donne plus de chance à la réalisation de l’alternance par laquelle les portes du pouvoir lui furent ouvertes, Macky Sall devient le seul responsable du blocage que nous vivons.
Il est aussi la cause des conséquences qui peuvent en découler. A force de vouloir gouverner par la terreur, il a mis en place un écosystème toxique dont le fonctionnement se fera par le déploiement de tensions déstabilisatrices pour le pays.
Qu’on s’entende bien : si les normes de droit permettent qu’il se représente et que le peuple sénégalais porte son choix sur lui, même si sa candidature serait le symbole d’une immoralité sans bornes, d’un cynisme aux antipodes de ses propres engagements à ne pas chercher un autre mandat électoral à la tête du pays, ce serait le choix souverain des Sénégalais.
Seulement, tout le monde sait qu’à trop tirer sur une corde, elle finit par casser.
Nous sommes au bord de la rupture fatale, avec un pouvoir dépassé par les défis qu’il ne sait plus comment affronter, noyé dans son incompétence et traqué par la magnitude de ses crimes économiques, financiers et politiques.
Si près du précipice, même s’il n’est pas question de cautionner quelque nouveau «deal», dans le sens d’une immunité des fautes commises, ni de s’aplatir devant l’adoption d’une nouvelle loi d’habilitation ou d’urgence, derniers clous sur le cercueil de la démocratie Sénégalaise, seul un sursaut d’honneur (s’il lui en reste) de Macky Sall éviterait au pays que les menaces qui s’accumulent ne se transforment en réalités dont il ne se relèverait pas.
Qu’on ne nous dise surtout pas que nous sommes les boute-feux, les militants d’un recours à la violence. Il fait minuit, Macky Sall, cesse de provoquer le peuple. Sa patience à des limites et sa retenue n’est pas un signe de faiblesse. Trop, c’est trop, ce mandat extravagant que tu veux décrocher à travers ta technique recuite du «Jaay Dolé», par la force, pourrait être la mère de toutes les confrontations. Sais-tu ce qui te guette ?
Il est grand temps que tu te ressaisisses et que tu nous rendes notre démocratie….Ta volonté d’obtenir, sur ses ruines, un troisième mandat immoral, illégitime et, probablement, illégal est l’incitation à tous les périls.
La nation en est déjà enceinte: il suffit d’une étincelle, et ça tu le sais. L’ignorer, c’est déclencher le pire.
Adama Gaye*, opposant au régime de Macky Sall, vit au Caire.
Le mandat excessif : la balle dans le camp de Macky Sall
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