La 2e vague, les sous et une pluie de questions

par pierre Dieme

Pendant que les questions se multiplient sur la manière dont les 64 milliards, voire plus -alloués au secteur de la santé dans le plan de résilience – ont été dépensés, la stratégie de lutte et la communication du gouvernement déchainent encore les passions.

Où sont donc passés les 64 à 90 milliards F CFA alloués à la gestion de la Covid-19 ? La question a été évoquée dans la toute dernière question d’actualité posée, hier, par le député Mamadou Lamine Diallo. Dans un contexte où l’opinion est de plus en plus troublée par une deuxième vague de coronavirus des plus inquiétantes, la question du budget préoccupe au plus haut point. Le parlementaire interpelle directement le ministre de la Santé et de l’Action sociale. ‘’Manifestement, souligne-t-il, le secteur de la santé aura besoin de ressources supplémentaires pour faire face à la nouvelle vague de la Covid-19. Le ministre Abdoulaye Diouf Sarr ne veut toujours pas rendre compte des 64 à 90 milliards de francs CFA qui lui ont été confiés pour lutter contre la Covid-19’’.

Sorti fraichement de l’hospitalisation pour Covid, le député, qui avait salué le travail remarquable des acteurs de la prise en charge, s’érige en avocat des centres de traitement épidémiologique qui ne seraient pas, à l’en croire, dans les meilleures conditions de performance. Il s’indigne : ‘’Le sieur Diouf Sarr est incapable de construire des centres de traitement Covid après 9 mois, là où la Chine peut construire un hôpital équipé de 9 000 lits en 10 jours.’’ A l’hôpital Fann, constate le parlementaire, le ministre de la Santé a été incapable de construire un bâtiment préfabriqué d’une trentaine de lits, après 9 mois. ‘’C’est proprement scandaleux. Obnubilé par son ambition de maire de Dakar, Diouf Sarr se moque de la santé du peuple. Manifestement, il n’a plus l’autorité morale pour diriger la lutte contre la Covid-19, avec l’arrivée de la prochaine vague’’, a-t-il déclaré, non sans annoncer une question écrite à son encontre prochainement.

Pendant que ça parle de milliards au sommet, à la base, on demande le minimum pour parer à toute éventualité. Interpellé sur la question des moyens financiers et matériels, le président de l’Association nationale des infirmiers et infirmières d’Etat du Sénégal (Aniides) invoque le discours des officiels pour prévenir que l’enjeu, c’est surtout la sensibilisation, pour espérer gagner le combat. ‘’Certes, les agents bénéficient de moyens d’équipements, mais cela n’a jamais été suffisant. Surtout dans ce contexte de raréfaction des ressources financières. Vous avez certainement suivi la sortie des autorités… Le combat, c’est de tout faire pour limiter les cas, sinon ça va devenir ingérable’’, a-t-il expliqué.

Et d’ajouter à l’endroit de ses collègues : ‘’Il faut tout faire pour que les agents de santé ne soient ni vecteurs ni victimes du coronavirus. A cet effet, ils se doivent de respecter les mesures édictées en matière de prise en charge, d’orientation, mais aussi de sensibilisation et de conscientisation des populations.’’

‘’Il faut financer les communautés‘’

Pendant ce temps, au niveau communautaire, c’est encore le grand désordre. Pas de masque, pas de gel, aucune distanciation physique. Pire, la grande mobilisation communautaire et volontariste qui avait permis de faire face à la première vague, a beaucoup faibli. En fait, souligne un spécialiste de la santé publique sous le couvert de l’anonymat, il faut dégager des moyens pour une implication plus efficace des acteurs de la communauté, en vue de faire face à la pandémie. ‘’Le Sénégal, fait-il remarquer, a le plus grand réseau de relais au monde. Mais pour que ces réseaux puissent jouer pleinement leur rôle, il faut leur donner des moyens. Il faut financer les communautés : les ‘bajenu gokh’ et autres. C’est ce qui nous a valu beaucoup de satisfaction dans la prise en charge de certaines maladies comme le sida et le paludisme. Si tu ne les appuies pas, comment ils vont travailler ? Or, leur communication sur le terrain est beaucoup plus efficace que cette communication qu’on est en train de faire au niveau central’’.

A en croire l’expert, il ne sert à rien d’effrayer les populations à travers des discours incendiaires. Bien au contraire. ‘’Il faut rassurer les gens. Leur prouver que cette maladie n’est pas aussi létale et que s’ils arrivent à l’hôpital très tôt, on va les soigner. Regardez ce que font les acteurs au niveau de la prise en charge ! C’est remarquable, mais on en parle à peine. Or, Seydi et son équipe sont en train d’abattre un excellent travail’’.

Selon lui, il existe des protocoles bien maitrisés pour la prise en charge de tous les malades. ‘’De ce point de vue, il n’y a rien à dire. Il faut juste mettre en place, comme ils sont en train de le faire, les CTE. Nous avons un très bon protocole qui marche dans 90 % des cas… Ceux qui meurent, ce sont ceux qui arrivent tardivement. Ça, il faut le faire comprendre aux gens. Nous ne gagnons rien à faire peur aux Sénégalais. Il faut mettre le maximum sur la sensibilisation. On ne peut vouloir sensibiliser les gens et les insulter, en les traitant d’irresponsables. Ils ne vont même pas être réceptifs par rapport à ton message’’.

Notre interlocuteur de s’interroger sur la pertinence du bulletin d’information journalier. ‘’Cela ne fait que susciter des questions auxquelles les Sénégalais n’ont pas de réponse. Les chiffres, c’est extrêmement difficile à interpréter. A quoi ça sert alors de les distiller comme ça aux populations ?’’.

Recrudescence de la maladie, l’hypothèse du climat

Par rapport à la recrudescence de la maladie, il signale que l’hypothèse la plus probable, c’est le climat. D’après le médecin, il est connu que les coronavirus aiment le froid, mais pas la chaleur. ‘’Quand la température se rafraichit, le virus reprend du poil de la bête. C’est connu. C’est comme les virus saisonniers de la grippe. C’est une maladie qui sera encore là pour longtemps. Et de temps en temps, il y aura des recrudescences comme on l’a connu avec le palu, par exemple. Mais il ne faut pas l’oublier, dans l’ensemble, notre organisme a bien réagi. Sinon, on n’en serait pas encore là à discuter de coronavirus’’.

A propos du nombre de morts par jour qui fait couler beaucoup d’encre, notre interlocuteur rappelle qu’au Sénégal, selon les chiffres de l’Agence nationale de statistique et de la démographie, le taux brut de mortalité est de 6,8/1000. ‘’Si on fait le calcul, cela donne 120 000 qui décèdent par an, soit 300 personnes qui meurent tous les jours au Sénégal. Pourquoi on prend 6 morts du corona pour faire croire que c’est la fin du monde ? Cela n’a pas de sens’’.

Encore que, explique le médecin, la manière même de définir le décès dû au coronavirus pose problème. ‘’Un ami m’a dit qu’il avait un malade qui souffrait d’un cancer du sang, une leucémie, avec des complications terribles. Puisqu’on l’a testé positif au coronavirus, on l’a comptabilisé parmi les morts de Covid… Alors qu’il avait un cancer en phase terminale. C’est un non-sens orchestré par l’OMS’’, a-t-il renchéri.

Selon la définition retenue par l’Organisation mondiale de la santé, signale-t-il, dès que la personne meurt et qu’elle a été testée positive, on la classe corona. ‘’Ce, quel que soit le bout par lequel on le prend’’, insiste le spécialiste.

MOR AMAR

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