Etat de siège et l’Etat d’urgence : Alioune Tine sonne l’alerte

par pierre Dieme

Le projet de loi devant modifier celle n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et l’état de siège, qui serait dans le circuit de l’Assemblée nationale, après son adoption en Conseil des ministres, inquiète plus d’un. Ou du moins, le fondateur d’Africa Jom Center qui relève que ladite information trouble la quiétude au niveau de la société civile et au sein de l’opinion. Joint par la rédaction de Sud quotidien, Alioune Tine trouve que le chef de l’Etat dispose déjà d’un pouvoir «hypertrophié, sans limite» qui constitue déjà un dysfonctionnement de l’Etat de droit. Pour lui, Macky Sall n’a pas à s’inquiéter au point de changer une loi qui va, à coup sûr, défigurer le statut de notre démocratie et de notre État de droit.

Un projet de loi portant modification de la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’Etat de siège et l’Etat d’urgence, serait dans le circuit. Pensez-vous que l’actuelle loi est désuète au point de devoir la modifier?

Ce projet de loi adopté par le Conseil des ministres et portant modification de la loi 69-29 du 29 avril 69 suscite aujourd’hui la plus grave inquiétude au sein de la société civile sénégalaise et au sein de l’opinion qui m‘interpellent depuis que la presse sénégalaise en parle. L’adoption d’une législation d’exception dans le contexte de la pandémie, considérée comme une urgence sanitaire, a été relevée comme non pertinente et attentatoire aux normes de l’Etat de droit, des droits humains et des libertés fondamentales. Je renvoie au rapport intéressant de la Raddho sur «la gestion de la Covid-19 et la protection des droits humains au Sénégal». Alors que tout le monde s’accorde à reconnaître que la pandémie Covid-19 n’a pas été la catastrophe annoncée et que le Sénégal s’est bien comporté, on se demande que vient faire encore la loi 69-29 sur l’Etat d’urgence et l’Etat de siège qui fait suite aux événements de 1968 qui ont été d’une grande ampleur nationale au plan politique, économique et sociale. Qui plus est, il se situait dans un contexte de parti unique. Senghor tentait néanmoins de conserver les standards de l’Etat de droit en faisant de cette loi une compétence partagée du Président de la République et de l’Assemblée nationale.

Le chef de l’Etat n’a-t-il pas assez de pouvoir qu’il n’en faille lui en rajouter, quel que soit le prétexte?
Le pouvoir présidentiel, tel que ça fonctionne actuellement, est un pouvoir hypertrophié, sans limite, c’est un sur-pouvoir. Cela en soi est déjà un dysfonctionnement de l’Etat de droit qui a des effets dramatiques dans les pays où les autorités veulent s’éterniser au pouvoir ou veulent un 3ème mandat. Le Président dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale qui ne lui refuse rien. Il n’y a pas à s’inquiéter pour changer une loi qui peut défigurer le statut de notre démocratie et de notre État de droit. Il faut absolument laisser le soin à l’Assemblée nationale d’avoir un pouvoir de contrôle et de censure quand il s’agit de toutes les activités de l’Etat, à fortiori sur les aspects qui couvrent les libertés et droits fondamentaux consacrés par la Constitution.

Cela ne risque-t-il pas, si bien évidemment on retirait certaines prérogatives à l’Assemblée nationale pour les lui confier, de creuser le déséquilibre des pouvoirs constaté au Sénégal ?

Sans équilibre des pouvoirs, il n’y a pas d’Etat de droit. L’Etat de droit est un État où le droit peut arrêter le pouvoir avec une institution judiciaire indépendante et une Assemblée nationale capable de jouer son rôle dans les moments décisifs de la Nation. Il ne faut jamais oublier l’état lamentable de l’Assemblée nationale le 23 juin. N’eut été l’intervention de Moustapha Niasse et d’autres, les jeunes allaient l’incendier, comme cela a été le cas à Ouaga en 2014. La paix civile et la stabilité du Sénégal n’ont pas de prix, les leaders du passé ont tenté de rester dans les limites du raisonnable. Chaque fois qu’ils ont tenté d’aller au-delà, les peuples ont toujours montré leurs capacités de résistance face aux oppressions.

Que faut-il pour garder un certain équilibre des pouvoirs, pour avoir une stabilité constitutionnelle dans le pays?

Il faut louer les efforts du président de tenter les dialogues avec tous, en dépit des limites, il faut l’encourager. Nous avons un Président jeune, qui tente de dialoguer, nous lui disons : «vous ne pouvez pas faire moins que les autres présidents en matière de démocratie et de droits humains». Le Sénégal, son rôle historique a toujours été d’avant-garde en matière de démocratie et de droits humains. Aujourd’hui avec les régressions démocratiques, les impasses politiques, les violences et instabilités partout, le Sénégal doit servir d’exemple, de référence.

RECUEILLIS Par Jean Michel DIATTA

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