Quand le gouvernement réduit les paysans au servage !

par pierre Dieme

Il faut d’abord douter des chiffes invraisemblables avancés par le gouvernement : la production arachidière de cette année est faible selon les organisations paysannes du fait de l’inadaptation de la qualité des semences à l’abondance des pluies. Les paysans ne cessent de démentir le gouvernement, mais comme leur voix est inaudible dans ce vacarme orchestré par des propagandistes payés à la tâche, personne ne comprend ce qui se passe réellement.

Comme à son habitude, le gouvernement pris à son propre piège de mensonge adopte la politique de l’autruche et crée un problème pour occulter son impuissance à régler le problème. Une taxe supplémentaire à l’exportation d’une production agricole d’un monde rural où on prétend soi-même intervenir par des bourses de sécurité familiale est une absurdité. Des paysans si éprouvés au point de nécessiter de prétendues bourses familiales ne devraient pas pâtir de l’incapacité de la Sonacos à faire face à la concurrence des commerçants chinois.

La solution n’est pas, à mon avis de surtaxer l’arachide pour prétendument décourager les Chinois. Cette mesure a été déjà prise il y a quelques années ; et à cause de ses effets pervers (mévente) le gouvernement avait été amené à surseoir à cette mesure. La solution c’est de rendre compétitives la Sonacos et les autres huileries pour leur permettre d’acheter la production à des prix compétitifs et de vendre l’huile et les produits dérivés à des prix compétitifs sur le marché mondial. On ne peut continuer à traiter l’arachide comme on le faisait il y a 75 ans ! Notre histoire ne peut pas être cyclique.

Le problème de la Sonacos, est celui de toutes les entreprises sénégalaises : absence d’innovation. Qu’est-ce qui empêche la Sonacos de produire de la patte (tigadege), du beurre d’arachide, du chocolat, etc. ? La réponse est à chercher dans l’absence de vision : les entreprises doivent s’ouvrir à l’Université et faire de la recherche le premier investissement. Mais ce n’est pas avec des DG qui n’ont jamais travaillé avec succès dans un secteur quelconque et qui n’ont jamais relevé le plus petit défi en dehors de la politique qu’on fera de telles prospectives.

Il faut miser sur l’école, l’Université, les écoles polytechniques, les écoles de formation professionnelle pour prolonger les industries. L’industrie doit être le prolongement de l’école et inversement l’école le prolongement de l’industrie. L’industrie et l’Ecole doivent être des vases communicants. Couper l’industrie de l’école, c’est opter pour une société extravertie et fortement dépendante de l’étranger.

Le grand problème dans ce pays est qu’on fait de la science littéraire à la place d’une science du développement. Il nous faut rompre avec cette attitude de contemplation scientifique pour prendre en charge nos problèmes. La science doit être domestiquée pour régler des problèmes endogènes. Il faut partir de nos besoins pour bâtir un système éducatif performant. La filière arachidière renferme énormément de niches d’emploi. Les femmes des paysans pourraient devenir des entrepreneuses (PMI, PME) rien que par la transformation des graines d’arachide.

Lorsque nous parlons de révolution culturelle, on nous traitre de rêveur, or cette expression signifie simplement qu’il faut partir de nos réalités naturelles pour leur trouver des solutions endogènes, culturelles, afin d’amorcer le développement. Ce n’est pas possible qu’on n’ait rien découvert sur l’arachide depuis plusieurs décennies : la conquête de la nature n’a pas de limite. Comment se fait-il que nos ancêtres aient découvert les vertus curatives des plantes et que nous soyons dans l’incapacité de poursuivre et de perfectionner leur science ?

Nous avons des potentialités naturelles, des ressources naturelles qui n’existent pas forcément ailleurs, mais nous faisons une science théorique inadaptée à nos besoins. Les sénégalais cultivent le mil mais laissent pourrir les tiges et les feuilles : pourquoi aucune source d’énergie ou de nourriture animale n’a été découverte là-dessus ? La coque d’arachide : qu’est-ce qu’on en fait au moment où l’humanité fait une économie de recyclage ? Pourquoi aucune université dédiée au solaire depuis l’indépendance ? Pourquoi aucune université d’exploration maritime et d’exploitation de ressources halieutiques alors que nous avons 700 km de côtes ?

La révolution culture, c’est l’ancrage de nos politiques, de nos pensées et de notre économie dans nos réalités qui sont d’abord naturelles et culturelles ensuite.

Alassane K. KITANE

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