Dame justice a été au centre de tous les débats en 2020.
L’année 2020 a été particulièrement marquée par la pandémie de Covid-19 qui a entraîné la suspension des audiences publiques dans les Cours et Tribunaux. Il faut dire en outre que le temple de Thémis a été également au centre de toutes les controverses et polémiques laissant apparaître de nombreuses problématiques liées notamment à l’indépendance des magistrats. En attestent l’affaire Souleymane Téliko et l’affectation du juge Ngor Diop.
Dame justice a été au centre de tous les débats en 2020. Si ce ne n’est pas la violation des libertés comme le soutiennent certaines organisations des droits de l’Homme qui ont remis en cause le bien-fondé du couvre-feu et de l’état d’urgence pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, ce sont les droits des prévenus qui sont bafoués avec l’interdiction de recevoir des visites pendant plusieurs mois. Déjà, l’année a débuté dans un climat tendu avec la détention «arbitraire» de Guy Marius Sagna, suite à un rassemblement interdit devant les grilles du Palais de la République dans le cadre de la lutte contre la hausse des prix de l’électricité. C’est au bout de trois mois de détention que l’activiste a été élargi de prison. C’était le 3 mars 2020, au lendemain de l’apparition du premier cas de Coronavirus au Sénégal, et à la suite d’une manifestation de protestation devant la prison de Liberté VI où il purgeait sa peine.
En effet, l‘emprisonnement du leader du mouvement Frapp France-Dégage avait soulevé l’ire des organisations de la société civile. A côté de ce dossier figure l’affaire Assane Diouf. Ce dernier est placé sous mandat de dépôt le 2 juin dernier, pour provocation à un attroupement armé et outrage à agent, entre autres chefs d’accusation, suite à une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Il devait être jugé en appel, le 10 novembre dernier. Finalement, la Cour d’appel a renvoyé son procès jusqu’au 12 janvier prochain au motif que celui surnommé insulteur public n°1 n’a pas terminé son audition dans le cadre de l’enquête préliminaire devant le doyen des juges. D’ailleurs, il faut signaler qu’Assane Diouf a entamé une grève de la faim depuis la semaine dernière pour protester contre le traitement qu’il dit subir et dénoncer par la même occasion l’attitude des autorités judiciaires qui ont tenu à le maintenir en prison.
BAVURE POLICIÈRE TOUJOURS D’ACTUALITÉ
Face à des sénégalais qui n’ont pas encore intégré les règles du couvre-feu décrété le 23 mars avec l’état d’urgence en riposte contre le Coronavirus, les forces de défense et de sécurité se sont montrées sans pitié. Puisqu’elles n’ont pas hésité à mater les populations qui bravaient le couvre-feu. Condamnant les humiliations subies par les populations, des organisations de défense des droits de l’Homme avaient appelé les hommes de tenue à cesser leur brutalité. Toujours est-il que ces actes «jugés» inacceptables n’ont connu aucune suite judiciaire. Malgré les multiples revendications de la société civile, il n’y a pas eu d’enquête approfondie. A cela s’ajoutent les arrestations tous azimuts de manifestants, notamment des activistes qui avaient décidé de poursuivre la lutte contre la hausse des prix de l’électricité en pleine pandémie par la distribution de flyers en lieu et place des sit-in et des rassemblements afin de limiter la propagation de la pandémie de Covid-19.
Pis, lors d’affrontements survenus en août dernier à Tobène entre des manifestants et des forces de l’ordre, près d’une trentaine de jeunes dont l’activiste Ardo Gningue ont été arrêtés. Ils ont révélé qu’au cours de leur interrogatoire, ils ont fait l’objet de tortures de la part des gendarmes en charge de l’affaire. D’ailleurs, le leader du mouvement « Sénégal Va Mal» avait porté plainte contre le Colonel Cheikh Sarr, l’accusant de tortures. Après l’annonce d’une enquête administrative en interne par la gendarmerie, l’affaire n’a pas connu de suite.
UNE MAGISTRATURE AU BORD DE L’IMPLOSION
S’il y a un secteur de la justice qui a connu de forts remous, c’est bien la magistrature. D’ailleurs, l’instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) et l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj) ont été activées à plusieurs reprises pour des cas qui concernent des juges.
Accusé d’avoir commenté une décision de justice dans les médias (notamment le procès de l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall), le président de l’Union des Magistrats du Sénégal (Ums), Souleymane Téliko, a été traduit devant l’organe disciplinaire du Csm suite à une saisine de l’Igaj. Ainsi, après des mois de procédure, le juge Téliko a écopé d’un blâme. Une sanction jugée légère, mais qui n’honore pas la justice, selon ses avocats et autres observateurs.
Dans la même veine, l’affectation du Juge Ngor Diop, ancien président du Tribunal de Podor, a suscité un immense tollé rendant plus perceptible le malaise qui prévaut dans la magistrature. Ses avocats parmi lesquels Me Ousmane Sèye ont accusé le ministre de la Justice, Me Malick Sall, pour excès de pouvoir. Ils estiment que l’affectation de leur client à Thiès, le 17 juillet, découle du fait que ce dernier avait placé sous mandat de dépôt Mamadou Loum, déféré pour des faits de dévastation de récoltes et de menaces simples, de voies de fait ou de violence. Cette affaire a mis le feu aux poudres puisqu’elle a provoqué la démission fracassante du juge Ousmane Kane de l’Ums. Dans un communiqué incendiaire, le premier président de la Cour d’appel de Kaolack avait accusé les jeunes magistrats de manquer de discipline à l’endroit de leurs aînés.
Saisissant de la balle au rebond, le juge Yaya Amadou Dia est monté au créneau pour accuser son collègue Ousmane Kane d’avoir libéré un détenu condamné à la perpétuité. Le Conseil de discipline qui s’est saisi de ce dossier a rétrogradé le juge Dia pour manquement grave aux devoirs de sa charge. Et il a prononcé un blâme contre l’ancien premier président de la Cour d’appel de Kaolack.
Alors que la magistrature venait à peine de respirer après plusieurs mois sous le feu des projecteurs, une autre affaire est venue apporter un autre lot de consternation par rapport à son fonctionnement. Il s’agit cette fois-ci de la décision prise par le Conseil de discipline d’envoyer le magistrat Habib Samba Laobé Aw, avocat près la Cour d’appel de Saint-Louis, à la retraite d’office. Il lui est reproché d’avoir détourné 50 millions Fcfa dans une affaire d’héritage.