Incendie du puits de gaz de Gadiaga : comment l’incompétence du gouvernement nous met en danger.

par pierre Dieme

Au moment où le Sénégal se prépare à faire sa rentrée dans l’ère de l’économie pétrolière et gazière, l’explosion du puits de gaz naturel SA2, l’un des 16 puits exploités depuis le milieu des années 2000 par la Société Forteza et Petrosen, vient nous rappeler que l’incompétence et le manque de rigueur de notre gouvernement pourrait nous valoir les plus grandes désillusions et, pire, nous mettre en danger.
Arrivés sur les lieux de l’accident, le Ministre de l’environnement comme celui du pétrole, ont montré, si non leur manque de maitrise de ces sujets complexes, au moins leur manque de transparence puisqu’ils ont cherché à détourner notre attention du vrai problème. En effet, l’un et l’autre ont évoqué le fait que « le plan de gestion environnemental devrait être passé en revue afin de mieux accompagner la gestion de ces sites qui peuvent être considérés comme dangereux »
Il ne s’agit pas ici de plan de gestion environnemental ni d’étude d’impact. La vraie question, la seule, est celle de savoir si la Société Forteza, qui exploite ce site, a mis en place un Plan d’Opération Interne (POI) conformément aux dispositions de l’Arrêté Interministériel N 4862 du 14 Juillet 1999 « rendant obligatoire l’établissement d’un Plan d’Opération Interne dans certains établissements classés et d’un Plan Particulier d’Intervention (PPI) dans les Collectivités Locales présentant à l’intérieur de leur périmètre territorial des installations classés soumis à l’élaboration d’un POI ».
Aucune société intervenant dans ces domaines dits à haut risque ne peut intervenir au Sénégal sans avoir un POI. Ce Plan est géré par le Ministère de l’environnement, de la même manière qu’il gère et valide l’étude d’impact environnementale. Le POI évalue les risques majeurs de la société et prévoit des contre-mesures pour chaque risque. Pour une société qui exploite du gaz, on ne peut pas ne prévoir un risque incendie et se préparer en conséquence, notamment en identifiant les moyens techniques et humains à mobiliser pour résoudre les problèmes dans les délais les plus courts possibles.
Les pompiers qui ont été appelés à intervenir ont déployé le peu de moyens qu’ils ont pour sécuriser le périmètre. Mais leur compétence s’arrête là. Ils n’ont aucun équipement pour traiter le feu, encore moins l’éteindre. La preuve ils sont arrivés avec de la mousse alors que la mousse est en générale utilisée avec des feux humides selon les experts.
Plutôt que de répondre à des questions qui ne se posent pas, j’invite les deux ministres à nous apporter des réponses claires sur celles qui suivent :

  1. La Société Forteza dispose-t-elle d’un Plan d’Opération Interne validé par les services du Ministère?
  2. A-t-on effectué des exercices d’application du POI, au moins deux fois par an, pour vérifier sa fiabilité, afin de combler, au besoin, ses lacunes éventuelles et également pour former le personnel et l’établissement et permettre sa mise à jour de manière continue et régulière?
  3. Si tout ce travail a été fait, pourquoi a-t-on évoqué la possibilité de recourir à une expertise étrangère qui prendrait forcément du temps, alors que l’urgence et la menace sont évidentes?
  4. Par-delà Forteza, quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement pour s’assurer que toutes les compagnies qui interviennent au Sénégal dans ces secteurs à haut risque disposent de procédures éprouvées, pour non seulement prévenir les accidents, mais aussi intervenir avec efficacité et diligence lorsqu’ils surviennent, sans être obligés de faire appel à l’armée française ou à des experts étrangers.
    N’ayant manifestement pas les moyens de gérer ces situations complexes, le Gouvernement devrait, sans retard, corriger ces déficiences avant d’entamer l’exploitation du pétrole du gaz. Il est absolument nécessaire, pour protéger les personnels travaillant sur les sites d’exploitation pétrolières et gazières ainsi que les populations environnantes, de s’entourer de toutes les garanties de sécurité nécessaires.
    Tous les pays africains qui se sont lancés dans cette activité en ayant en tête que les hypothétiques milliards à gagner, sans égard pour la santé et la sécurité de leur population, se sont souvent retrouvés floués, exploités et délaissés. C’est ce qui conduit à la malédiction des ressources naturelles. Nous pouvons encore l’éviter.

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