Les paysans piétinés, la pauvreté pérennisée

par pierre Dieme

Suivant les manœuvres politiciennes du leader de l’APR, on en arrive à perdre de vue le misérable sort que son régime réserve aux paysans. La présente campagne arachidière suffit, en effet,  à démontrer la volonté des gouvernants de maintenir le monde rural dans la misère.  Avec le contexte actuel, marqué à la fois par la pandémie du coronavirus et par une hausse sensible de la pluviométrie, les agriculteurs sénégalais tenaient l’occasion en or de se faire une santé financière après de très bonnes récoltes. Mais, c’était sans compter sur la politique de Macky SALL qui a des bourses de sécurité familiale à distribuer.

« Une dizaine de jours après le début de la campagne de commercialisation des graines d’arachide, nous avons constaté que l’industrie locale est en train de souffrir le martyre, faute de graines. Tous les collecteurs se tournent vers les étrangers. Nous avons constaté que les usines n’ont pas de camions, alors qu’au port de Dakar, il y a des containers et des camions remplis de graines d’arachide ». Après avoir pleuré sur leur sort pendant de long moment et sur presque tous les plateaux de télévision, les travailleurs des industries des corps gras haussent le ton. Montant au créneau, une nouvelle fois, ils ne demandent plus aux paysans de « faire preuve de patriotisme » en vendant leur récolte à la SONACOS. Désormais, ils exigent l’arrêt des exportations pour forcer les agriculteurs à bazarder leur arachide. « Les étrangers ont été introduits sur le marché sénégalais pour pouvoir écouler le surplus et non pour prendre ce dont nous avons besoin pour vivre », a déclaré Samuel NDOUR Secrétaire général national du Syndicat des travailleurs des industries des corps gras.

Seulement, ce serait ne pas comprendre les enjeux que d’en vouloir au sieur NDOUR et à son syndicat, affilié comme le sont devenues la plupart des organisations de défense des droits des travailleurs. Tapi dans l’ombre pour ne pas mécontenter « l’électorat paysan », Modou DIAGNE Fada tire les ficelles et incite la clameur. Nommé à la tête de la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (SONACOS), (le prix de sa transhumance ?), l’ancien ministre de la Santé cherche à maintenir en vie une industrie, jadis fleuron de l’économie nationale, aujourd’hui moribonde après que l’Etat l’a louée à Abbas Jaber. Toutefois, maintenir en vie cette société qui n’est nationale que de nom est le prétexte tout trouvé pour conduire les paysans à l’échafaud. D’autant que les tonnes d’arachide (entre 200 000 et 400 000)  que réclame la SONACOS, un tout petit pourcentage pour du vinaigre et de la javel reste au Sénégal qui importe de l’huile de piètre qualité après avoir vendu celle faite avec de l’arachide. « Nous avons produit du vinaigre et de la javel et nous avons repris les IMPORTATIONS D’HUILE brute pour la raffiner dans nos usines et la distribuer aux consommateurs » a déclaré Modou DIAGNE Fada dans Le Monde.

Traite des paysans !

« Le prix officiel du kilogramme d’arachide pour la campagne à venir est fixé à 250 f Cfa. Je suis très fier d’être le ministre de l’Agriculture qui annonce ça. Parce qu’il y a quelques années, on ne pouvait pas imaginer ça. Le président de la République a trouvé le prix du kilogramme d’arachide autour de 150 F Cfa. Aujourd’hui, il l’amène à 250 F Cfa, cela montre son attachement pour le monde rural ».  C’est le ministre Moussa BALDE, dans les habits du père Noël, qui s’extasie ainsi croyant que ce qu’il rabâche plairait aux principaux concernés que sont les paysans qui n’ont eu l’aide de personne pendant les moments de dures labeurs qui ont précédé les récoltes.

Nul besoin de revenir sur ce que les organisations paysannes en ont dit. La communication du gouvernement suffit pour relever le caractère impopulaire de cette annonce. En effet, un mois après cette fausse publicité de Moussa BALDE, le communiqué rendant compte de la réunion du Conseil des ministres du mercredi 9 décembre 2020 renseignait : « (…) Le chef de l’Etat demande, à cet effet, au ministre des Finances et du Budget, de veiller à l’application effective de la surtaxe à l’exportation de l’arachide dans le but de maintenir les objectifs de collecte et de trituration de SONACOS et des autres huiliers». Pourquoi surtaxer l’exportation pour tenter de dissuader les étrangers si le prix proposé aux paysans est attractif ?  

« La situation sur le marché international est toujours en faveur d’une tendance haussière. Les stocks en Chine sont bas et les acheteurs chinois cherchent à s’approvisionner sur le marché international. La demande domestique en arachide est en hausse aux États-Unis, tout comme les exportations à l’international. Les récoltes sont en cours au Brésil et en Argentine mais le coronavirus provoquera très certainement des délais dans les envois vers les marchés consommateurs, notamment les pays européens où l’offre US reste limitée. Avec une bonne demande et une offre limitée, la tendance haussière sur le marché international devrait perdurer dans les semaines à venir »,  analyse le consultant François GRIFFON. Une tendance observée dans tous les pays voisins du Sénégal à l’exception de la Gambie. En effet, au Bénin, le kilogramme est vendu entre 700 et 750FCFA/Kg. En Côte d’Ivoire, en gros il se situe entre 500 et 950 FCFA/kg au détail entre 600 et 1000 FCFA/kg. En Guinée, le kilogramme est vendu entre 8000 et 8 500 GNF/kg (515 et 547FCFA/kg).

Ainsi, les paysans qui semblent plus au fait des cours mondiaux de l’arachide que les gouvernants  n’ont d’autre choix que de se tourner vers les étrangers. L’Etat qui pourrait gagner jusqu’à 12 milliards de francs CFA avec la surtaxe à l’importation pousse les acheteurs à répercuter celle-ci sur le prix au producteur maintenu en dessous des 500 F CFA qu’il aurait dû dépasser.

Le président Macky SALL, qui par l’intermédiaire de son beau-frère, a mobilisé des milliards pour venir en aide aux populations impactées par le Coronavirus, aurait pu, à travers cette campagne agricole permettre aux paysans de participer de manière active à la relance de l’économie en lambeaux. Seulement, ces derniers n’auraient alors plus besoin de vivres de soudure ou de bourses de sécurité familiale.

Mame Birame WATHIE

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