«Travailler c’est trop dur
Et voler c’est pas beau
D’mander la charité
C’est ce que je ne veux plus faire.» Alpha Blondy
Assurément, nous sommes en proie à une nouvelle vague, tant redoutée, de la pandémie du Covid-19. Cette situation est due à notre relâchement collectif. Chacun d’entre nous a pu observer avoir personnellement fait montre de moins de vigilance, de moins de précaution, de moins d’attention. Les personnels de santé ne peuvent pas eux se relâcher, ils subissent stoïquement l’épreuve de devoir faire avec notre irresponsabilité ou notre insouciance. La désinvolture a eu pour conséquence que de plus en plus de personnes ont fini par choper le virus. Les services hospitaliers commencent à être débordés, les personnels épuisés et les moyens financiers commencent à faire défaut. Les statistiques sur les nouvelles contaminations montent de jour en jour, alors que nous nous félicitions déjà de la prouesse des pays africains d’avoir réussi à contenir le Covid-19. Pourvu que cette nouvelle vague, décrite comme étant plus virulente, ne dure pas aussi longtemps que la première ! On peut bien augurer que le tissu économique en Afrique ne saurait supporter une année de plus de pandémie. Mais au rythme où vont les choses, il est à parier que les autres parties du monde, qui pourtant restent les plus frappées par la pandémie, pourront s’en sortir bien avant l’Afrique. En effet, tout le monde se rue vers les commandes de vaccins pour endiguer la propagation de la maladie. Malheureusement, l’Afrique continue d’attendre d’être servie après tout le monde. Les premières commandes de vaccins lancées par de nombreux pays sont destinées à leurs propres populations. «Charité bien ordonnée commence par soi-même.» Des calendriers de vaccination sont établis de manière précise. Les prévisions les plus optimistes prévoient des campagnes de vaccination de masse en Afrique à l’horizon de la fin de l’année 2021. Il n’y a pratiquement aucune commande provenant d’Afrique auprès des fournisseurs des vaccins mis au point par les firmes pharmaceutiques Pfizer-BioNtech ou Moderna, qui ont déjà bénéficié des certifications et agréments des autorités de santé publique. Au meilleur des cas, l’Afrique va compter sur la diplomatie du vaccin que la Chine notamment, tente de développer. Seulement, il n’y a aucune garantie sur la qualité et l’efficacité des vaccins qui seront ainsi offerts, non sans contrepartie, par la Chine ou par la Russie. Il s’y ajoute que les Africains vont encore laisser l’image d’éternels assistés, avec des cargos chinois faisant le tour du continent pour déposer des lots de vaccins et autres médicaments. Avec un renfort de propagande et de publicité, l’opération, menée à travers l’Afrique par la Fondation de l’homme d’affaires chinois, Jack Ma, au début de la pandémie du Covid-19, avec un avion-cargo chargé de masques et de produits détergents, parcourant les aéroports africains pour déposer des kits ridicules, reste encore dans les esprits. De hautes autorités gouvernementales étaient abonnées à l’accueil de ces dons. Lors d’un sommet Afrique-Chine, la Chine a promis de donner la priorité aux pays africains, une fois qu’un vaccin chinois sera prêt. Parmi les pays que la Chine a promis de soutenir figurent en tête de liste la Zambie et le Burkina Faso.
Refus de passer pour des cobayes
Il faut dire que les Africains semblaient s’interdire de participer aux efforts de recherche et de mise au point d’un vaccin. De nombreux gouvernements avaient été tétanisés à l’idée d’apparaître comme donnant leurs populations pour servir de cobayes pour les industries pharmaceutiques. Les gouvernements ont été frileux à l’idée de s’associer à des entreprises de mise au point de vaccins. Un pays comme le Maroc avait décidé d’autorité d’y participer et aurait cherché en vain à embarquer le Sénégal dans l’opération. Le Maroc fera, pour ce geste, partie des premiers pays au monde à bénéficier d’un important lot de vaccins. On annonce plus de 10 millions de vaccins qui seront disponibles pour le Maroc dès le début de l’année prochaine. D’autres pays comme l’Egypte, le Kenya et l’Afrique du Sud, avaient accepté de travailler avec des laboratoires internationaux, en testant certains des vaccins. Le Kenya et l’Afrique du Sud testent le vaccin Oxford – Astrazeneca, l’Afrique du Sud celui de Johnson and Johnson. L’Egypte teste son propre vaccin local appelé «Covied Vacc 1».
Le refus des pays africains de participer aux travaux scientifiques de mise au point de vaccins contre le Covid-19 ne manque pas de constituer un certain péril pour le reste du monde. Les scientifiques affirment qu’il est vital que les Africains participent à ces essais, expliquant que ne pas le faire pourrait compromettre les efforts pour trouver un vaccin qui fonctionne dans le monde entier. Le Cdc Africa (Asgence de l’Union africaine pour le contrôle et la prévention des maladies) affirme que les vaccinations pourraient ne pas commencer avant le deuxième trimestre 2021, sans doute entre avril et juin, et qu’il faudra entre deux et trois ans pour vacciner au moins 60% de la population. Le Cdc Afrique souhaite que l’Onu organise un sommet spécial qui examinera comment le monde peut assurer une répartition plus équitable des vaccins Covid-19. Il s’inquiète du rythme auquel les pays ont conclu des accords avec les sociétés pharmaceutiques pour obtenir davantage de vaccins pour leurs propres populations. Les recherches menées par une alliance d’organismes d’aide montrent que les pays les plus pauvres ne pourront vacciner qu’une personne sur dix, si la question n’est pas réglée assez tôt. La plupart des pays africains comptent sur l’initiative mondiale Covax, menée par l’Oms et d’autres organismes, qui vise à fournir des vaccins aux pays à faible revenu. Il est annoncé que grâce à cette initiative, l’Afrique pourra obtenir au moins 220 millions de doses initiales de vaccin une fois qu’il aura été homologué et approuvé. Cependant, il ne manque pas de se poser un problème d’approche pour ne pas dire de définition de priorités. En effet, les importantes sommes d’argent consacrées à assister les populations ou les activités économiques ne seraient-elles pas plus opportunes si elles étaient consacrées à acheter des vaccins et assurer plus ou moins immédiatement une protection des populations, plutôt que de continuer à traîner la pandémie et de subir ses effets néfastes dans tous les secteurs d’activités économiques et sociales ?
Le Sénégal espère se faire vacciner en juin 2021
Le Sénégal s’est inscrit, à l’instar de quelque 56 pays à revenus intermédiaires, à l’initiative Covax. Le Sénégal compte donc sur l’alliance de vaccination Gavi, organisation co-financée par l’Oms, l’Unicef, la Banque mondiale et la Fondation Bill & Melinda Gates, pour se doter en vaccins anti-covid. Déjà l’initiative Gavi est partenaire du Sénégal dans le cadre du Programme élargi de vaccination (Pev), dans lequel Gavi prend en charge 80% des financements. La même collaboration sera donc poursuivie dans le cadre de la prochaine campagne de vaccination contre le Covid-19. Le Sénégal devra se préparer à prendre en charge les 20% de contrepartie et déjà, un partenaire comme la Banque mondiale a approché le Sénégal pour l’aider à couvrir sa contrepartie. Il reste que le déploiement de l’opération Covax ne pourrait être effectif avant la fin du premier trimestre de l’année 2021. Il y a à souligner que Gavi n’a pas encore homologué un candidat vaccin particulier, d’autant que des pays comme les nôtres ne disposent pas des conditions logistiques adéquates pour assurer la bonne conservation à (température à -70 degrés) des vaccins produits par Pfizer-BioNtech ou Moderna. C’est dire que «le processus n’a pas encore abouti», pour reprendre le mot du ministre de la Santé et de l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr.
La théorie du complot continue de prospérer
Des vaccins ont commencé à être inoculés aux populations à travers de nombreux pays. Toutes les autorités compétentes en matière de santé publique en Europe, en Amérique du Nord et en Asie ont déjà passé au crible les vaccins pour donner des certifications. Mieux, des chefs d’Etat et autres têtes couronnées ont tenu à donner l’exemple pour donner leur caution aux vaccins contre le Covid-19, en se faisant vacciner en premier. Mais d’aucuns voudraient encore croire que les vaccins sont nocifs et qu’il serait préférable de ne pas se faire vacciner ! Le débat sur la dangerosité des vaccins a plus libre cours dans des pays qui n’ont même pas passé de commande de vaccins ! Les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie sur les malédictions du vaccin qui serait l’instrument d’on ne sait quel complot contre l’Afrique et l’homme noir ! Dans une telle ambiance, l’Afrique restera encore au bord de la route si les gouvernements restent frileux pour prendre leurs responsabilités. Pour remédier à la désinformation, des organisations de vérification des faits ont commencé à démasquer ces messages et à les partager avec des organismes spécialisés de santé tels que l’Unicef et l’Oms, afin qu’ils puissent trouver de meilleurs moyens d’y répondre. Jusqu’à présent, Le scepticisme à l’égard des vaccins est “lié à la désinformation”. Près de huit Africains sur dix seraient prêts à se faire vacciner contre le coronavirus lorsque le vaccin sera disponible, selon une enquête menée par le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa Cdc) et la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Les chercheurs ont interrogé 15 000 personnes dans 15 pays du continent. Ils ont constaté une variation des résultats allant de 94% d’acceptation du vaccin en Ethiopie à 59% en République démocratique du Congo. Ceux qui ne voulaient pas se faire vacciner, s’inquiétaient surtout de l’innocuité du vaccin, tandis que d’autres se demandaient s’il était justifié de se faire vacciner en général. Selon le Cdc Afrique, une grande partie de la méfiance était fondée sur «la désinformation, car la plupart de ceux qui ont dit qu’ils ne se feraient pas vacciner croient que la maladie est d’origine humaine, n’existe pas ou est exagérée et ne constitue pas une menace sérieuse«. Les chercheurs ont constaté que les personnes âgées, les habitants des zones rurales et ceux qui connaissaient une personne dont le test de dépistage du coronavirus était positif acceptaient mieux le vaccin. Au demeurant, qui pourrait garantir un vaccin qui ne produirait aucun effet de contre-indications pour l’ensemble de personnes auxquelles il est administré? Il est de coutume de voir retirer du marché des medicaments ou des vaccins en cas de découverte de contre-indications ou d’effets négatifs après plusieurs années d’administration. Du reste, quel gouvernement en Europe ou en Amérique du Nord, prendrait le risque d’inoculer à sa population un vaccin sans s’être préalablement entouré de toutes les guaranties?