En se montrant cash avec les Américains sur le troisième mandat au Sénégal, Mimi Touré a lancé à Macky Sall une première salve. Elle lui prouve que le Sénégal est à un niveau de grandeur sur cette question et son Président ne devrait le rabaisser pour boxer dans la même catégorie qu’un Alpha Condé.
L’ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a fait le buzz hier sur les troisièmes mandats en Afrique. Sans même aborder le projet qu’on prête à son ex-patron, Macky Sall, Mme Aminata Touré a touché là où ça fait mal. Jusqu’ici membre du parti présidentiel au sein duquel ce sujet est tabou, Mimi a, avec beaucoup de finesse, enfermé Macky Sall dans un carcan très compliqué. En effet, lors de cette conférence avec les Américains, elle a grandi le Sénégal qui a «dépassé cette question démocratique». Une manière très subtile d’inviter son Président à être à la hauteur de ce pays qui est le phare de la démocratie en Afrique de l’ouest. Par cette démarche, elle invite Macky Sall à se conformer à ses engagements plusieurs fois réitérés de faire son second et dernier mandat. Elle semble ainsi lui demander de se hisser au niveau du pays qui est un exemple sur le continent marqué par l’inamovibilité, l’inconstance et la variabilité de la parole de ses plus hauts dirigeants. Et elle a lancé cette première salve.
En vraie trotskyste, on peut dire qu’elle a bien préparé son coup. Car, elle s’est prononcée au lendemain et le jour de la prestation de sermon de deux présidents ouest africains, respectivement Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire et Alpha Condé de la République de Guinée, dont les troisièmes mandats ont été fortement décriés dans leurs pays respectifs au point d’entraîner des pertes en vies humaines. Ainsi, elle semble demander au Président du Sénégal de ne pas se rabaisser au niveau de ces derniers.
Lycaons neutralisés
De même, dans son coup de canif, Mimi a bien choisi son canal, une conférence virtuelle du «National Democratic Institute – Ndi», un think tank américain très influent. Ce qui aura forcément l’effet recherché sur nos dirigeants. Lesquels accordent souvent plus d’importance à l’opinion internationale que leur opinion nationale. Ainsi, dans son coup politique, l’ancien Premier ministre du Sénégal, qui est assez crédible sur la scène internationale au point de partager des panels avec l’ancien chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, a demandé aux Américains d’avoir un œil sur le Sénégal, pays qui a une grande tradition démocratique. Cela, afin que Cesar ne prenne ce qui ne lui appartient pas.
Le caractère perfide de cette attaque politique repose aussi dans l’anesthésie qu’elle provoque dans le camp présidentiel. En effet, si le système s’aventure à lâcher sa meute sur Mimi, il confirmerait maladroitement tous les soupçons sur Macky Sall de vouloir briguer un troisième mandat. Et vont ainsi tomber dans son piège. Car, insultée par les répondeurs automatiques de l’Etat-Apr, Mimi créera un désastre au niveau national puisque l’opinion donnera du crédit aux ambitions prêtées à l’actuel chef de l’Etat. A contrario, s’il n’y a pas d’attaques de ces lycaons, pour paraphraser l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma dans son roman En attendant le vote des bêtes sauvages
Envergure politique
Quoi qu’il en soit, Mimi Touré vient de réveiller l’animal politique qui sommeille en elle. Elle démontre ainsi que l’intelligence n’est pas dans la violence, mais dans la stratégie. Puisqu’elle met Macky en mal avec le monde sans même y paraître. Parce qu’elle sait que, pour Macky, l’opinion internationale est importante, puisque ne voulant pas être comparé à Alpha Condé. Car, l’opinion internationale a mis le Sénégal dans des standards internationaux de pays d’exception où certaines choses sont impossibles.
De plus, Mimi, qui vient d’étaler son envergure politique, se présente comme un redoutable adversaire en perspective des prochaines échéances électorales. Et même dépourvue de base politique, elle pourra faire très mal à l’animal Mackyalévique qui a fini de réduire l’opposition à sa plus simple expression. Parce que, politiquement, les trotskystes ne pèsent presque rien. Mais en terme de stratégie, il n’y a pas mieux. L’exemple de Mahmouth Saleh, Directeur de cabinet du président de la République, qui a jeté son «Nouveau parti» et s’est hissé au niveau d’homme fort du château qui fait et défait, au point de cristalliser les rancœurs des caciques du pouvoir, est très parlant. Comme illustré par le passé, les trotskystes sont connus pour être très forts dans les luttes d’appareil. Ce qui en ferait une candidate sérieuse à l’élection présidentielle de 2024 si elle continue sur cette lancée. Surtout qu’elle a toujours clamé haut et fort que lorsqu’on fait de la politique il faut avoir des ambitions.
Seyni DIOP