Mouhamadou Ngouda Mboup : «Le consensus politique ne doit pas prévaloir sur le consensus démocratique»

par pierre Dieme

Invité de l’émission Objection sur la radio Sud Fm hier, dimanche 13 décembre, l’enseignant hercheur en droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Mouhamadou Ngouda Mboup, a soutenu que le « consensus politique ne doit pas prévaloir sur le consensus démocratique » en ce qui concerne le ralliement du président de Rewmi, Idrissa Seck, au régime en place. A l’en croire, les intérêts des Sénégalais doivent être privilégiés.

«L e consensus politique ne doit pas prévaloir sur le consensus démocratique». C’est l’avis de l’enseignant-chercheur en droit à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, à propos du ralliement du président de Rewmi Idrissa Seck au camp présidentiel. Il était l’invité de l’émission de la radio Sud Fm hier, dimanche 13 décembre. Selon lui, même si le Président de la République, Macky Sall, a rejeté le mot « deal » sous son aspect négatif, ça sous-entend un accord scellé entre eux. « On ne sait pas si le Président de la République Macky Sall et le Président Idrissa Seck se sont entendus pour sceller quelque chose qui pourrait amener à faire un transfert du pouvoir comme nous l’avons eu dans le passé ou bien même qu’Idrissa Seck et Macky Sall puissent avoir un agenda caché que nous ne savons pas.

En réalité, le Président Macky Sall nous a habitués à des réformes ou à des surprises. Je pense que la démocratie ne fonctionne pas comme ça. Je partage l’avis de Macky Sall sur le fait que gouverner aussi, c’est être sérieux mais le public a besoin de savoir ce qui est en train de se tramer », a déclaré Mouhamadou Ngouda Mboup. Non sans rappeler que c’est « Idrissa Seck lui-même qui est sorti pour dire qu’il y avait un deal pour faire sortir Karim Wade de prison ». « Nous sommes habitués à des protocoles. Quand Macky Sall nous dit que, c’est positif, ça veut dire qu’il nous parle de protocole, d’accord, de gentlemen agreement mais tout ça, c’est le consensus politique et ça ne doit pas prévaloir sur le consensus démocratique », a tenu à préciser l’enseignantchercheur. Mieux, dit-il, « dans ce pays, il y a un certain nombre de règles qui encadrent, canalisent et limitent l’action de ces personnes-là. Ils ne peuvent pas discuter sur des intérêts crypto personnels et sur des intérêts en nette contradiction avec la volonté des Sénégalais».

Pour Mouhamadou Ngouda Mboup, le Président de la République ne doit pas justifier le ralliement d’Idrissa Seck par le dialogue politique. « Si on réussit à faire renier à des leaders leur parole alors que la parole politique se désacralise, nous risquons quand même d’aller vers une désaffection de la politique vis-à-vis des citoyens parce qu’en réalité, le citoyen sénégalais ne sait plus à quel saint se vouer », a-t-il fait savoir. L’enseignant-chercheur n’est pas non plus d’accord avec la justification avancée par le Président de Rewmi. « Macky Sall et Idrissa Seck, là où je ne peux pas les suivre et je me pose des questions, c’est lorsque le Président Idrissa Seck essaie de justifier cela par la Covid-19 ou bien par d’autres éléments et au-delà de ça, il dit que depuis 15 mois, nous étions en discussion. Ils doivent se parler parce que la démocratie est une affaire de gentlemen et de grandes dames mais ils doivent se parler en toute franchise pour l’intérêt du pays », a-t-il laissé entendre.

IMPRECISION SUR DELA DATE DETENUE DESLOCALES : une violation de la constitution, selon Ngouda Mboup

Le ministre de l’Intérieur a violé la constitution en disant que les locales se dérouleront en 2021. On avait dit au plus tard le 24 mars. Actuellement, on ne donne plus de date précise. Ça viole un principe constitutionnel qu’on appel un principe d’intelligibilité de la loi. Ce n’est pas intelligible dans nos têtes ». C’est le point de vue de l’enseignant-chercheur en droit à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup. Selon lui, « il faudrait quand même qu’il respecte le calendrier électoral ». Allant plus loin, la précision de la date de la tenue des élections locales est une « question démocratique et une question de consensus démocratique et non pas de question politique».

AUDIT DU FICHIER ELECTORAL : Réserves sur la procédure

« Je pense que la démocratie est un processus de tous les jours. Il faut tout le temps auditer le fichier électoral pour essayer de le rendre meilleur. Mais, sur le comment, j’ai des réserves. La plupart du temps, on le donne à des cabinets étrangers et il y va de notre sécurité. Si on le donne à un cabinet étranger et que tous les acteurs sont présents, il y a toujours eu des contestations parce qu’à la fin, en réalité l’opposition ne dispose pas du fichier. Ça pose toujours problème. D’ailleurs, les opposants ne font pas leur travail parce que je leur dit tout le temps que s’ils n’ont pas le fichier, ils peuvent avoir les listes électorales dans les 45 départements. Ce qu’il faudrait dire, c’est qu’en réalité, c’est des questions au Sénégal à travers des cabinets sénégalais parce que c’est une question de sécurité nationale. L’autre chose, c’est que l’audit du fichier doit être quelque chose de consensuel. Ça veut dire qu’en réalité, le dialogue doit permettre d’avoir un existant. C’est ce que j’appelle un dialogue productif ».

PROJET DE LOI D’AMNISTIE POUR KHALIFA SALL ET KARIM WADE : Ngouda Mboup tranche dans le vif

Mouhamadou Ngouda Mboup n’a pas manqué de donner son avis sur le projet de loi d’amnistie en faveur de l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et de l’ancien ministre libéral, Karim Wade, agité dans le landerneau politique depuis quelques semaines. « Oui pour l’amnistie si ça sert à réparer un tort ou un préjudice qui avait été fait à des gens qui, à mon avis, ne devaient pas perdre les droits qu’on leur a retirés. Non pour l’amnistie si c’est pour essayer de s’absoudre », a dit l’enseignant-chercheur. Par ailleurs, il est d’avis que Khalifa Sall et Karim Wade n’auraient dû jamais perdre leur droit de suffrages. « Textuellement et juridiquement, rien ne s’opposait à leurs candidatures. Il a fallu qu’il y ait des réformes du Code électoral et de la Constitution pour essayer de les écarter du jeu. Et ce n’est pas en soi bon pour la qualité démocratique du Sénégal. On a dit qu’ils n’étaient pas électeurs et on sait tous qu’en termes de démocratie, de stade d’appart et de principe, on peut ne pas être électeur et être candidat. Le Conseil constitutionnel n’a pas joué le jeu qu’il devait jouer mais il a accepté alors que l’on lui donnât des dossiers en dehors de la clôture des candidatures alors que la loi l’interdit. Ce que je veux dire par là, c’est que Khalifa Sall et Karim Wade, je ne dis pas qu’ils ont fait ou qu’ils n’ont pas fait, mais je sais ce que la Cour de la Justice de la Cedeao a dit est très clair. Pour les deux, on a violé leurs droits fondamentaux et là où les droits fondamentaux sont violés notamment les droits fondamentaux de procédure, il n’y a quasiment pas de procès », a déclaré Mouhamadou Ngouda Mboup.

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : Ngouda Mboup indique la voie à suivre

A propos de la lutte contre la corruption, l’enseignant-chercheur en droit à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup est d’avis qu’on ne doit pas admettre ou laisser passer une corruption dans un Etat de droit. « On doit combattre la corruption avec tous les moyens et ça ne doit pas être un combat sectoriel. Ça doit être un combat général et collectif. Aujourd’hui, en termes de gouvernance et en termes de pratique, il y’a des anomalies qui, parfois, ne donnent pas un titre de responsabilité au Sénégal. Les rapports sont tellement nombreux et les rapports continuent de tomber et à chaque fois sue l’Etat n’a pas su réagir, sanctionner ou bien même prévoir », a soutenu Mouhamadou Ngouda Mboup. Il indique ainsi la voie à suivre. « Il nous faut aller vers cette gouvernance avec deux grands principes que sont le principe de transparence et le principe de publicité qui permettent demain que la redevabilité redevienne un principe sacrosaint pour que toute personne qui a eu à gérer les deniers publics soit traduite devant les juridictions mais aussi qu’elle puisse rendre compte aux Sénégalais de sa gestion », a-t-il déclaré. Selon lui, il revient à l’Etat de prendre de nouvelles mesures par rapport à la corruption. « La corruption, on n’en parle pas seulement mais il faut agir, c’est essayer de prendre des stratégies. Avec l’Uemoa, on des directives et des règlements qui sont importants mais ce n’est pas suffisant. C’est bien beau de signer des conventions mais il faut les traduire en acte à l’interne », dit-il. Pour l’enseignant-chercheur en droit à l’Ucad, le Parlement et l’Exécutif devraient initier des « projets et des propositions de loi pour essayer de donner un nouveau souffle aux règles qui encadrent, canalisent et limitent l’espace corruptogène ». Non sans demander à ce que « la justice joue sa partition dans tout ça pour qu’on ait un Etat exemplaire ».

LUTTE CONTRE LA COVID-19 : Ngouda Mboup propose une charte du vivre ensemble

« Le droit à la santé est un droit constitutionnel mais aujourd’hui, on a l’impression qu’on est à bout de souffle parce qu’on ne fait que reprendre les mêmes mesures alors qu’on devrait être imaginatifs, inventifs et à ce niveau. Comme on n’a pas un code de santé publique, il nous faut aller vers une charte du vivre ensemble sanitaire ». C’est l’avis de l’enseignant-chercheur en droit à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, dans ce contexte de seconde vague de Covid-19 au Sénégal. « Cette charte devrait permettre de rapatrier toutes les mesures que nous avons déjà prises mais aussi d’avoir cette nouvelle touche pour impulser une nouvelle dynamique citoyenne sanitaire qui permettrait de mettre en œuvre ce vivre ensemble sanitaire et qui permettrait de laisser les citoyens décider de leurs responsabilités tout en leur montrant que l’Etat du Sénégal est en train de les accompagner, de viser l’immunité collective, personnelle, individuelle mais aussi le respect de la santé d’autrui », a-t-il dit.

Par Mariame DJIGO

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