Serigne Modou Kara s’est prononcé, pour la première fois, hier, sur la polémique née de la découverte par l’opinion et les gendarmes, des maisons de redressement mis en place sous sa tutelle.
Il a promis de revenir largement sur ces centres mais s’est fondu en excuses. Un mea culpa adressé au Chef de l’Etat mais surtout aux chefs religieux de sa confrérie et d’autres mais également au peuple sénégalais.
Kara a fait savoir qu’il a bénéficié des orientations et guidances de Serigne Touba qui ne lui permettent pas de s’inscrire dans une quelconque action de nature à créer des troubles à l’ordre public.
Mieux, il a adjoint tous ses talibés, s’ils veulent mettre en place une quelconque entité qui relève de la sécurité, de s’en référer à la puissance publique qui détient la force régalienne à ce propos.
D’ailleurs, il a donné un ndigeül (mot d’ordre) à ses disciples, pour l’abandon de toute forme de tenue et autres distinctions qui pourraient prêter à confusion dans ce sens.
Quant à son accoutrement et aux agitations dont il est l’auteur, il s’en est expliqué pour mettre tout cela sur le compte d’une dévotion à son guide qui est Serigne Touba. Et il reconnait qu’il ne peut pas ne pas s’y atteler.
Toutefois il dit n’avoir pas besoin de sécurité pour sa propre personne et semble avoir tourné le dos à tout ce qui, aujourd’hui, fait qu’il est sous le feu des projecteurs.
Une situation sans doute embarrassante pour le guide religieux qui a fait des révélations notamment sur les messages de compassion reçus de hautes autorités religieuses dont le Khalife général des Mourides mais aussi du Président de la République.
Un mea culpa qui ne va pas sans doute pas éclipser l’action judiciaire en cours surtout dans sa dimension publique. Le Procureur est entré en action, une instruction pourrait également être ouverte pour élucider toutes les actes posés dans ces centres et qui n’étaient pas sous le contrôle de l’Etat seul détenteur de la force publique de coercition encore moins de professionnels.
Des abus ont été manifestement commis contre des personnes qui, généralement jeunes, en ont subi des séquelles s’ils n’en sont pas morts.
En conséquence, les responsabilités seront situées car ces centres existent apparemment depuis une quinzaine d’années.
Et des parents, si les témoignages sont exacts, ont été aussi auteurs de complicité en y envoyant leurs enfants pour soi-disant les remettre sur le droit chemin.
Est-ce que ce centre a fait des résultats ? Tout ce qui s’y passait était-il légal ? Dans quelles conditions ces individus étaient internés ? Tous les parents étaient-ils consentants et même mis au courant ? L’Etat avait-il laissé faire ?
Autant de questions sur lesquelles les Sénégalais ont besoin d’être édifiés suite à l’enquête judiciaire en cours.
Et là-dessus, malheureusement, la sortie du marabout Serigne Modou Kara n’a apporté aucun éclaircissement sur le dossier. C’est peut-être dû au secret de l’instruction mais il aurait pu revenir sur ses motivations et les actions posées si jamais il maitrisait tout ce qui s’y passait.
Malheureusement pour lui, il sera forcément entendu par les enquêteurs et sa responsabilité pourrait être engagée.
En clair, ses excuses ne vont rien changer dans le cours normal de la Justice. Car, l’autorité judiciaire aura la tâche de dire si des fautes pénales ont été commises, situer les responsabilités et punir les coupables.
Or, à l’état actuel de l’affaire, s’excuser, c’est s’accuser. Sauf que Kara nous a habitués à parler avec des sous-entendus, des paraboles et des quiproquos qui rendent son discours souvent ambigu.
S’il a voulu bien faire et qu’il a bénéficié de la complicité de différents gouvernements qui se sont succédé, il y a manifestement faute de l’Etat à un plus haut niveau.
Comme quoi, l’affaire n’en est qu’à ses débuts.
Assane Samb