L’ancien directeur de Cabinet du président Macky Sall continue d’analyser le dernier remaniement du président Macky Sall avec la nomination d’Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Moustapha Diakhaté, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi FM, il a longuement abordé l’évolution de l’actualité politique ces derniers temps. Morceaux choisis.
On note ces derniers temps l’entrée d’opposants dans le gouvernement. On annonce aussi d’autres décrets allant dans ce sens. Quelle lecture avez-vous fait de l’ouverture la majorité ?
On ne peut pas parler proprement de rentrée d’opposants dans le gouvernement. C’est quand un opposant dit que depuis 15 mois il dialogue avec le président de la République et que depuis 15 mois on constate son absence sur le terrain politique, on ne peut pas l’appeler l’entrée d’opposant dans le gouvernement. Pour moi, il s’agit véritablement d’une capitulation achetée par Macky Sall. Ce qui s’est passé le jour du remaniement, c’est deux choses essentiellement. Macky Sall s’est débarrassé comme des malpropres dans ses compagnons et a obtenu la capitulation de certains de ses anciens pourfendeurs.
Est-ce que cela vous a surpris ?
Pour ce qui concerne Idrissa Seck je ne m’attendais pas à ce qu’il intègre la majorité présidentielle. Parce que le schéma sur lequel il travaille lui Idrissa et le président de la République et dans une moindre mesure Oumar Sarr et qui était le deal en quelque sorte sur lequel ils travaillaient c’est de proposer à Idrissa Seck le chef de l’opposition et de permettre à des partis alliés d’Idy ou venant du Pds d’intégrer la majorité. Je ne sais pas ce qui s’est passé au dernier moment avec ce remaniement. Mais pour moi, je pense que c’est une honte pour notre pays. Les acteurs politiques ont encore joué des sénégalais. Mais en fait, ça ne doit pas nous étonner dans la mesure où au Sénégal quand on fait de la politique on ne le fait pas pour un idéal encore moins pour un projet de société. Tout ce qu’on cherche c’est d’accéder au pouvoir. Pour être plus précis accéder aux ressources du pouvoir. C’est tous les reniements sont possibles avec la classe politique sénégalaise.
Vous avez évoqué le fait que Macky Sall s’est débarrassé de certains de ses compagnons. Aujourd’hui est-ce qu’on peut s’attendre à un regroupement de ces « frustrés » de l’Apr autour de votre personne et du courant que vous incarnez ?
Vous savez que moi je crois que le regroupement de frustrés ce n’est pas un projet de société. Pour moi, comme je l’ai dit tantôt, la politique c’est un idéal et un projet de société. C’est autour de ça que les gens doivent se regrouper et non autour de frustration. Depuis 1960 ou depuis 2000 les sénégalais ont fait des alternances. Mais en réalité, ce sont des alternances qui ont débouché sur le maintien du système de gestion du pays. Et je crois que pour 2024 ce que le pays mérite ce n’est pas un regroupement de frustrés, ce n’est pas un regroupement de mécontents mais c’est une majorité d’adhésion, une majorité d’idéal, une majorité de projet de société. Je crois que c’est sur ça qu’il faut travailler. Personnellement, je ne suis pas dans une logique d’être dans un regroupement de frustrés. Parce que ce n’est pas avec ça qu’on va sortir le pays des difficultés. Par contre, je travaille qu’il y ait un rassemblement politique qui va au-delà de l’Apr. Tout au moins un rassemblement qui parte de la deuxième alternance notamment qui parte des assises nationales et de leurs mises en œuvre.
Est-ce qu’il y’a des discussions entre vous, Mimi Touré et Me Moussa Diop ?
Le journal qui a mis ce truc-là vraiment il a menti. On ne sait pas vu et on ne s’est pas parlé depuis plus de 2 ans. Que ça soit Mimi ou Moussa Diop. Je ne suis ni de près ni de loin dans une alliance avec ces deux. Moi je travaille sur quelque chose de plus grand, de plus utile pour notre pays. Autrement dit, je pense que le Sénégal perdrait beaucoup en confiant encore le pays à des mécontents. Le regroupement utile pour notre pays c’est un regroupement qui part des assises nationales et dont l’objectif et dont le projet c’est la mise en œuvre des sociétés nationales.
On peut avoir une idée des personnalités qui constitueront ce regroupement dont vous parlez ?
Vous les connaissez hein. Ce sont les acteurs de l’alternance qui étaient dans le pouvoir. C’est les Abdoul Mbaye, Thierno Alassane, Thierno Bocoum, Dr Babacar Diop etc. Je crois qu’aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir un grand rassemblement. De mon point de vue ce rassemblement ne doit pas être un rassemblement d’anti Macky Sall. Ça doit être un rassemblement pour la mise en œuvre des assises nationales. Je crois que c’est sur ça qu’il faut travailler. Parce que les rassemblements d’anti n’ont pas d’espérance de vie longue. Il faut dire que notre ambition c’est d’aller ensemble aux élections locales et pour aller aux législatives et à la prochaine présidentielle. En réalité, le calendrier électoral est favorable pour de grands rassemblements. Il est rare de voir deux leaders de l’opposition qui sont dans une même localité. Ce qui fait que rien n’interdit que les gens s’appuient les uns les autres, qu’on mutualise nos forces pour avoir une large victoire que celle de l’opposition en 2009 face à Wade. Par ailleurs, il faut qu’on ait une charte de la présidentielle. Autrement dit ceux qui veulent aller ensemble organisent en leur sein des primaires pour choisir le meilleur candidat et que tout le monde se mette derrière lui. Il faut vraiment qu’on modernise nos alliances. Malheureusement au Sénégal, on reconduit les mêmes pratiques, on est ensemble pour s’opposer et non être ensemble pour construire quelque chose. En ce qui me concerne, je vais lancer un mouvement au mois de décembre prochain.
Pensez-vous qu’avec cette recomposition du paysage politique Macky Sall penserait à mettre en orbite Idrissa Seck en 2024 ?
Si Macky Sall voyait en rêve transmettre le pouvoir à Idy, il considérait ça comme un cauchemar. Ça ne lui traverse même pas l’idée. Ce qui s’est passé c’est qu’Idrissa Seck traversait des difficultés d’ordre financier, le président l’a appuyé et en contrepartie il s’est rendu à la majorité présidentielle. Véritablement ce n’est pas une affaire de recomposition mais une capitulation achetée. Vous savez Idy souhaiterait être le chef de l’opposition mais après que Macky l’a aidé pour lui sortir suffisamment des difficultés. Au lieu de le laisser être chef de l’opposition, il le met dans la majorité en lui donnant une institution. En plus même de la capitulation, Idy est pris en otage par Macky Sall. Il suffit qu’il dise un mot critique contre la gouvernance de Macky pour qu’il soit limogé.
On a tendance que les populations se sont découragées par rapport à la classe politique. Est-ce le cas ?
Il y’a une rupture de confiance entre les populations et la classe politique. Depuis plus de 100 ans nous passons nous acteurs politiques à mentir et à détruire les deniers publics et à acheter l’adhésion des populations. Ça crée une rupture psychologique en termes de confiance. Maintenant, c’est à nous de proposer autre chose que ce que les sénégalais connaissaient. C’est à nous de propos non pas des personnes mais des idées et des programmes. C’est vraiment une rupture qu’il doit y avoir sinon, on risque d’avoir les même travers.
Que peut-on attendre de ce nouveau gouvernement ?
Rien du tout. C’est un gouvernement de politiciens et de politique politicienne. Ce qui a été actrice c’est qu’on a attendu 5 jours. Et les sénégalais pensait que le président Sall allait les proposer une équipe pour conduire de nouvelles politiques. Il y’a rien de tout ça et la montagne a accouché d’une petite souris. C’est la raison pour laquelle la déception est grande. Parce qu’en général quand on fait un remaniement après deux ans de mandat, c’est pour restituer l’espoir, remobiliser les populations. Mais, Macky Sall a donné un poignard à la population et la déception n’a jamais été aussi grande. C’est un grand ratage de sa part. Peut-être qu’il était beaucoup plus perturbé à prendre en otage ces nouveaux convertis que de travailler véritablement. Parce que ceux qui ont rejoint le gouvernement si vous les comparez aux partants vous vous rendez compte que le président n’a pas fait ce remaniement pour travailler. Le problème c’est que Macky Sall ne veut qu’aucune tête ne pousse à l’Apr. Lui, il veut écraser tout le monde et être le seul maître à bord.
Cheikh Moussa SARR