Demain, le nouveau président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sera officiellement installé. Mais entre Idrissa Seck et son prédécesseur Aminata Touré, une guerre ouverte s’est installée et pourrait devenir bien plus préoccupante, dans les jours à venir.
Un train peut en cacher un autre. Cette expression, l’ex-présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) doit bien la garder dans un coin de sa tête. A peine sa mission ‘’finie’’ par le chef de l’Etat, Aminata Touré dite ‘’Mimi’’ voit une chasse aux sorcières lancée contre elle par son successeur à la position de troisième personnalité de l’Etat. Si ce qui devait être une cérémonie de passation de service, le 6 novembre dernier, a laissé place à une formalité administrative de la présidente sortante du Cese, l’arrivée d’Idrissa Seck aux côtés du président de la République s’annonce sous de mauvais auspices pour l’ancienne ministre de la Justice qui essuie les coups venant de son successeur. Une vendetta qui s’annonce sans merci. Et vu le tempérament de la concernée, cela risque d’aboutir sur un véritable pugilat.
En effet, c’est un secret de polichinelle qu’une inimitié profonde préside aux relations entre Mimi Touré et Idrissa Seck. Depuis le départ de l’ancien maire de Thiès, en septembre 2013, de la coalition Benno Bokk Yaakaar, qui avait porté, un an plus tôt, le président Macky Sall au pouvoir, une certaine animosité s’est installée entre les deux ex-Premiers ministres. Un an après l’installation du nouveau président, le patron de Rewmi disait déjà que ‘’Deuk bi doxoul’’ (le pays n’avance pas).
Ces critiques d’un allié de l’époque s’étaient accompagnées de rappels à Macky Sall de respecter sa promesse de baisser le prix des denrées ou encore de confirmer l’information selon laquelle 417 milliards francs CFA avaient été laissés par le président sortant Abdoulaye Wade dans les caisses de l’Etat, alors que le ministre des Finances ne cessait de crier que ‘’les caisses de l’Etat étaient vides’’.
Mimi Touré ne s’était pas fait pas prier pour remettre Idrissa Seck à sa place. Elle s’est alors érigée en alter ego du nouveau président du Cese, répondant du tac-au-tac à toutes ses saillies contre le régime. Ce fut le cas, lorsque qu’il s’en est pris aux forces de l’ordre, après la mort de l’étudiant Fallou Sène, en les traitant de ‘’peureuses’’. L’envoyée spéciale auprès du chef de l’Etat avait souligné l’indécence de leader de Rewmi de chercher à exploiter politiquement cet évènement malheureux. ‘’C’est irresponsable, pour un ancien Premier ministre qui s’asseyait à la table du Conseil national de sécurité. Il est exigé de sa part les plus plates excuses envers tous ces hommes et femmes qui sont prêts à sacrifier leur vie pour la sécurité des citoyens’’, disait-elle.
Après l’appel d’Idrissa Seck au boycott des manifestations de Macky Sall en direction de la Présidentielle du 24 février 2019, Mimi Touré était montée au créneau pour recadrer le candidat du parti Rewmi. Sur les réseaux sociaux, elle avait réagi en ces termes : ‘’L’appel désespéré d’Idrissa Seck est à la hauteur du sentiment de défaite cuisante qui l’habite déjà. Les populations sénégalaises reconnaissent les avancées concrètes réalisées en sept ans et manifestent leur adhésion au président Macky Sall dont le bilan a impacté leur vie de tous les jours. Idrissa Seck, dont les discours n’ont épargné personne, ni nos concitoyens chrétiens, encore moins la Oumma musulmane qui est encore choquée par son hérésie ‘bakkanique’, saura dans exactement quatre semaines ce que les électeurs pensent de sa démarche politique.’’
Idrissa Seck, désormais en position de force
Mais aujourd’hui, le vent a tourné. C’est bien le nouveau président du Cese qui est en position de force. Adoubé en plus par son nouvel allié tout-puissant. D’ailleurs, même si le chef de l’Etat n’a pas remplacé Mimi Touré par Idrissa Seck dans le dessein de l’humilier – mais on ne sait jamais – en tout cas, cela est analysé comme tel.
Et les premiers actes posés par le leader de Rewmi n’augurent rien de bon et montrent qu’il est loin d’avoir oublié ce passé récent. Après avoir refusé d’assister à la cérémonie de passation de service avec son prédécesseur, Idrissa Seck fait le grand ménage derrière l’ancienne ministre de la Justice. Les conseillers spéciaux, conseillers techniques, chargés de mission, chef et attaché de cabinet ont tous, sans exception, reçu des attestations de cessation de service au Cese. Cette démarche peut être compréhensible, puisque les hommes politiques aiment travailler avec leurs hommes de confiance.
Mais, crime de lèse-majesté, Idrissa Seck aurait déjà commandité un audit de la gestion de Mimi Touré. Sous nos cieux, il est rare, pour ne pas dire plus, de voir un responsable fouiller la gestion d’un allié. Dans ce cas de figure, le néo-président aurait pu avoir un rapport détaillé de la situation du Conseil économique, social et environnemental, s’il avait voulu s’asseoir avec son prédécesseur.
Dans une réaction parue dans la presse, hier, Mimi Touré a, d’ailleurs, précisé que ‘’tous les documents sont sur place’’. ‘’Il est dommage, a-t-elle ajouté, que le nouveau président du Cese (Idrissa Seck) ne soit pas venu à la passation de service pour qu’on lui fasse directement et en détail le point. Il a fait interdire l’accès aux locaux du Cese au directeur administratif financier (Mandiaye Diop) et au directeur des ressources humaines (Dame Camara) qui devraient faire le point détaillé à ses collaborateurs’’.
Avec 25 ans d’expérience dans la Fonction publique internationale, ce n’est pas à l’ancienne Premier ministre que l’on apprend les rouages de la gestion administrative et politique.
Par contre, ce qui est sûr, c’est que Mimi Touré ne va pas se laisser faire et a déjà montré les crocs. Après qu’elle a été débarquée du Cese, des accusations de ‘’malversations’’ ont été soulevées dans la presse comme le motif de son limogeage. D’autres indiscrétions soutenaient même que le président a des ‘’bombes’’ sur sa gestion.
Ce à quoi elle a répondu : ‘’Je voudrais informer l’opinion nationale et internationale que j’ai eu à diriger le Conseil économique, social et environnemental pendant 16 mois en stricte conformité avec les règles et standards de bonne gestion. Les documents de vérification sont en ordre et disponibles au niveau de l’institution, ainsi que ma déclaration de patrimoine déposée à l’Ofnac.’’
Elle a ensuite monté d’un ton pour prévenir : ‘’Nul ne saurait, à cette étape de ma vie administrative et politique, ternir ma réputation et mon intégrité. Je me réserve le droit d’ester en justice contre toute tentative de diffamation ou d’intimidation.’’
A ce stade, tous les signes d’un règlement de comptes entre le leader du Rewmi et l’ex-présidente de Cese sont déjà présents. La seule équation à résoudre, c’est jusqu’où ira cette ‘’vendetta’’.
Lamine Diouf