La Compagnie sucrière sénégalaise risque bientôt de se retrouver en cessation de paiement et de s’acheminer vers l’arrêt de ses activités de production et le licenciement de milliers de travailleurs. C’est l’avertissement donné samedi dernier par les travailleurs de la structure, mobilisés derrière les secrétaires généraux des différents syndicats et centrales syndicales de la boîte. Ces derniers, appuyés par l’Amicale des cadres, ont voulu sensibiliser l’opinion nationale et internationale et en ont appelé au chef de l’Etat lui-même.
Ce sont des travailleurs déterminés et fortement mobilisés qui ont, le samedi dernier, manifesté leur courroux face à la situation désastreuse que vit en ce moment la Css, premier employeur privé du Sénégal avec plus de 8 500 emplois directs et plusieurs centaines indirects. Des emplois qui, selon les responsables syndicaux, sont aujourd’hui plus que jamais menacés au même titre que la boîte elle-même qui, si rien n’est fait pour la sauver, risque tout simplement de déposer bilan dans quelques semaines. Pour éviter d’en arriver à cette situation qui serait une véritable catastrophe économique pour tout le pays, les travailleurs de la boîte et leurs centrales syndicales ont tenu à sensibiliser les autorités étatiques et les populations sur les risques d’une mort programmée de leur outil de travail. Au cours d’une conférence de presse à laquelle ont participé tous les acteurs, ils sont revenus en détails sur cette affaire.
Les Dipa, le ministre du Commerce et les commerçants au banc des accusés
Selon Cheikhna Cissokho, porte-parole du collège des délégués, il ne s’agit pas de chercher loin pour comprendre les origines de ces agressions contre la Compagnie sucrière sénégalaise. Comme depuis quelques années, ce sont les Déclarations d’importation de produits alimentaires (Dipa), les commerçants et le ministère du Commerce qui sont mis en cause.
Le président de l’Amicale des cadres, Arphan Fayinké, déclare que de nombreuses Dipa frauduleuses circulent et ont permis aux commerçants d’inonder le marché de sucre, empêchant ainsi à la Css, qui produit chaque jour 1 000 tonnes de sucre, qui viennent s’ajouter aux 30 mille tonnes stockées, de vendre. Les syndicalistes demandent que ces faussaires soient identifiés et sanctionnés, car la boîte ne parvient plus à vendre son sucre depuis juillet ; ce qui a provoqué une situation financière catastrophique, dans la mesure où la compagnie a recouru à des prêts bancaires pour payer les salaires d’octobre et reste devoir de l’argent à ses fournisseurs qui risquent de ne pas recevoir leur dû, car les banques ne peuvent pas accepter de cumuler des crédits pour la Css.
Macky invité à se saisir de la question
Selon le porte-parole des cadres, toutes les composantes de la Css sont en ordre de bataille et ne se laisseront pas faire. «Les travailleurs, les populations, les organisations paysannes et autres acteurs apporteront la riposte appropriée à travers un plan d’action qui va nous amener à organiser une marche le samedi 20 novembre avec ou sans autorisation», affirme-t-il.
Les femmes n’étaient pas en reste dans cette mobilisation. Aminata Diallo, chargée de la communication de l’Amicale des femmes, rappelle que la Css a eu le courage de procéder à des recrutements au moment où, à cause de la pandémie, d’autres entreprises licenciaient leurs employés. «Les travailleurs ne peuvent pas accepter que des commerçants véreux inondent le marché de sucre et menacent des milliers d’emplois», martèle-t-elle. Pour éviter cette situation, souligne-t-elle, «les femmes sont prêtes à sacrifier leurs vies à l’image de celles de Nder».
Dans une déclaration finale résumant l’ensemble des préoccupations des travailleurs de la Compagnie sucrière sénégalaise, lue par Amari Diouf qui s’exprimait au nom des 11 organisations syndicales présentes dans la boîte, révèle que «le marché est inondé de sucre par des commerçants, de connivence avec des fonctionnaires véreux du ministère». Selon le porte-parole des responsables syndicaux, «certaines autorités ont aussi profité du Covid-19 pour amener dans le pays une grosse quantité de sucre, bien supérieure aux 10 mille tonnes annoncées». Ce sucre finira d’ailleurs, selon ses déclarations, dans les entrepôts des commerçants pour être vendu. Si rien n’est fait, avertit-il, la Css risque de sombrer à cause de ces difficultés qui ne font que s’accentuer. Pour y remédier, ils ont invité le président de la République à se saisir de la question. «Nous en appelons à la diligence du chef de l’Etat pour se saisir de ce problème qui dure depuis 8 ans et y trouver une solution, car trop c’est trop», indique Amari Diouf.