Alioune Mbaye Nder a donné un nouveau souffle au « Mbalax. » Nder a marqué sans conteste d’une empreinte indélébile l’évolution de la musique sénégalaise. Sa carrière musicale, l’audit de la Sodav, son nouvel album, l’amour dans ses chansons, «Nder Boy» se livre sans détours. Entretien !
On vous appelle toujours Nder Boy. Peut-on savoir pourquoi ?
Les choses ont changé, je ne suis plus le Boy Nder. D’ailleurs, je change d’appellation, que les gens m’appellent maintenant Grand Boy Nder !
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre nouvel album ?
L’album est sorti récemment et il est intitulé « Nder Live Performance ». C’était une façon de revisiter mon répertoire et choisir les hits. Ce n’était pas facile, car nous ne pouvions pas tout choisir. C’était le choix des animateurs, des mélomanes et de certains de mes amis mais aussi de Sénégalais lambda. L’album est disponible sur le net. Je rends grâce à Dieu, car c’est apprécié des gens, je ne suis pas déçu. J’étais aussi dans un projet où je ne pouvais pas sortir cet album en pleine pandémie. Et l’idée, c’est de retracer ma carrière et sortir les chansons phares à la demande générale pour que le public le consomme le temps qu’on en finisse avec la Covid-19. Ça leur permettra de se remémorer le bon vieux temps, d’évacuer le stress, de se faire plaisir. Je dis souvent que j’ai eu la chance de vivre avec les trois générations et rien que pour cela, je rends grâce à Dieu. Je travaillais mes nouvelles chansons et c’est la raison pour laquelle je me suis fait un peu rare. Le travail d’un artiste professionnel est très difficile et ça fait plaisir d’entendre dire qu’on se fait rare. Cela veut tout simplement dire que nous avons laissé notre empreinte et que les gens veulent à nouveau nous entendre.
Vous comptez revenir en force, ne pensez-vous pas que c’est une façon de bousculer les jeunes talents ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que la musique n’est pas une compétition mais plutôt un métier très noble et tout le monde y a sa place. Il faut juste le faire dans les règles de l’art et cela ne me dérange nullement. Je fais ma musique comme je le sens et les gens auront du respect pour cela. D’ailleurs, je ne sors pas n’importe quoi comme musique encore moins n’importe quand. Je suis un produit de Lemzo Diamono et les gens s’inspirent même de cette musique. Je fais de la musique de qualité. La musique, c’est le comportement, pas l’âge, la fougue, le buzz. Je suis allé parfaire ma musique, et ce n’est pas une mauvaise chose.
« Maintenant, il faut m’appeler Grand Boy Nder ! »
Peut-on s’attendre à un album groupé avec les anciens membres de Lemzo Diamono ?
Dix ans après que j’ai quitté le Lemzo Diamono, j’ai été voir Lamine Faye par l’intermédiaire de son jeune frère (Habib Faye). Nous-nous sommes retrouvés pour faire un album. Nous avons sorti un autre album, mais malheureusement il n’y a pas eu la promotion que l’on attendait. Mais je dirai que nous nous sommes à nouveau retrouvés parce que dernièrement, nous avions animé une soirée (collecte) et cette dernière avait regroupée tous les membres du groupe. C’est vrai que nous ne pouvons plus reformer l’ancien Lemzo Diamono parce que nous avons tous nos projets personnels, mais je pense qu’on pourrait bien faire un truc tous ensemble comme sortir un album afin d’égayer le peuple sénégalais.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez eu à faire face dans votre carrière musicale?
Ce sont des choses sur lesquelles je n’aime pas trop revenir parce que quoi qu’on dise, il y a quand même eu des points positifs et rien que pour ça, je dois rendre grâce à Dieu qui m’a donné beaucoup de bienfaits avec la musique. Il m’arrivait de recevoir des appels d’inconnus qui me faisaient savoir qu’ils avaient donné mon nom à leurs fils, j’ai pas mal d’homonymes que je ne connais pas. Aussi, plus d’une fois, j’ai reçu des appels où la personne me demandait de lui envoyer la copie de ma pièce d’identité. La raison ? M’offrir un ou des terrains. Ce sont des choses auxquelles tu ne t’attends même pas. Il se passe des choses que l’on ne peut pas dire et tous ces « Téranga », je les ai eues grâce à la musique. Il y en a même qui formulent des prières à mon égard.
Vous avez fait plus de 20 ans de carrière, quels sont les moments qui vous ont le plus marqués ?
Il y en a beaucoup (rire) ! Mais je vais en donner quelques exemples. J’ai vécu de bons moments sur scène pendant que je jouais à Bercy, à l’Olympia, au stade Demba Diop, au Bataclan et bien d’autres salles de spectacles. J’ai eu à faire beaucoup de choses et ce que je veux maintenant, c’est « réattaquer ».
La Covid-19 a-t-elle impacté sur votre travail ?
J’avoue que les artistes ont vécu difficilement cette période mais quoi qu’il se passe, nous ne devons pas oublier qu’il y a des gens qui ne sont plus là à cause de cette pandémie. Or, nous ne valons pas mieux que ces personnes. Nous nous plaignons quand c’est difficile pour nous mais il y en a qui souffrent plus que nous. C’est la volonté divine et nous, nous devons de la respecter et nous dire que c’est une mauvaise passe et que ça passera. Pour nous les artistes, rester plusieurs mois sans travailler est difficile. Tout était ouvert sauf les salles de spectacle et le président a eu à faire un très beau geste à notre égard en nous apportant son soutien. Le partage a un peu fait défaut parce que les artistes sont nombreux et sur les 3 milliards nous n’avons eu que 126.000.000 Franc CFA. Nous avons tous eu la même somme, il n’y a pas eu de discrimination. Nous avons repris nos activités et je ferai ma première sortie le 14 Novembre au Pullman à Dakar et ce sera un dîner de Gala. Après cette sortie, je ferais une tournée nationale au niveau des régions afin d’égayer mes fans car je leur manque beaucoup (rire).
Que pensez-vous de l’audit de la Sodav ?
Je ne pense pas que cela soit quelque chose de grave parce que dans tout métier, c’est normal qu’il y ait des vérifications, entre autres. On audite la Sodav comme on audite les autres structures, c’est une chose tout à fait normale. Je n’étais pas au courant du fait que certains responsables n’étaient pas pour et à vrai dire, j’étais occupé à faire autre chose.
D’ailleurs, on ne m’a pas mis au courant. Je trouve qu’il n’y a rien d’extraordinaire à auditer la Sodav, c’est plutôt une logique. Gérer la Sodav est un métier comme les autres.
Vous parlez souvent d’amour dans vos chansons. La raison ?
On me colle toujours cette étiquette et je rends grâce à Dieu encore ! Je lance un défi : qui n’a jamais chanté l’amour ici ? Partout dans le monde, les gens en parlent. Je suis très fier de porter cette étiquette parce que je me dis que ma façon de le chanter (l’amour) est tellement attrayante que les gens l’ont remarquée. Je fais des chansons sur le social, l’actualité, l’éducation mais je pense que c’est ma façon de chanter l’amour qui fait dire aux gens que c’est le seul thème que j’aborde dans mes chansons. La raison pour laquelle j’aborde souvent ce sujet c’est que ma maman m’a appris à valoriser la femme, à connaitre la valeur de l’amour surtout. Tout ça fait que je respecte la femme. Il y a un chanteur du nom d’Alioune Mbaye Nder (faisant allusion à lui) qui dit : ‘’Si tu veux connaître la valeur de la femme, regardes ce que ta mère a subi dans son foyer’’. Dans tout ce qu’on fait, il faut y mettre de l’amour, du cœur, sinon après ça ne passe pas ! L’amour doit être la base de tout.
Pensez-vous que le Sénégal dispose d’une bonne politique culturelle ?
Je pense qu’il y a bel et bien une politique culturelle ici mais elle n’est pas vraiment ressentie à mon goût. Quand on parle de Senghor, on parle du Sénégal, le Sénégal est un pays de culture, le pays de Senghor. La culture sénégalaise a beaucoup fait avancer le pays, et elle ne se limite pas seulement au chant et à la danse, elle est vaste. L’Etat doit aussi faire en sorte que cela avance plus, on doit lui remonter les bonnes informations pour qu’il puisse faire quelque chose. Il doit aussi soutenir ceux qui portent le flambeau car ce sont des exemples, des porteurs de voix, personne ne doit les voir dépravés. Un pays se doit d’avoir une équipe, supporter ses éléments, les mettre en avant.
ANNA THIAW