Macky balise sa voie pour un troisième mandat

par pierre Dieme

Quel gâchis ! Plombé par les rencontres de midi avec Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2007, le président du Conseil départemental de Thiès vient à nouveau de se tirer une balle, en acceptant le poste du président du CESE

La part belle à Idy. Amadou Bâ, Mimi Touré, Aly Ngouille Ndiaye et Mouhamadou Makhtar Cissé victimes de délit d’ambitions. Le président de la République, Macky Sall balise ainsi sa voie pour un troisième mandat via un gouvernement dit de «combat» et de «résultats».

Le président de la République, Macky Sall, avait administré un véritable coup de Jarnac à ses ministres en leur annonçant en plein conseil des ministres, qu’il allait dissoudre le gouvernement mercredi dernier. Depuis ce 28 octobre, le pays était suspendu à la formation d’un nouveau gouvernement devant propulser l’économie du pays impactée par la covid-19 et/ou autres scandales non encore élucidés. La reprise de l’émigration clandestine et son lot de morts en est une parfaite illustration. Reste désormais à savoir si après le Yonnu Yokkutte, le PSE I et II, le PAP 2 Ajusté et Accéléré (PAP 2A) pour la Relance de l’Economie, permettront au Sénégal de voir enfin le bout du tunnel ? En tout cas, c’est l’argument avancé pour procéder au remaniement ministériel. Sauf qu’à voir de plus près, le nouveau gouvernement et les différents changements intervenus, on peut en déduire que Macky Sall fait encore dans la ruse pour atteindre son ultime objectif : celui de briguer un troisième mandat en 2024.

Victimes de leurs ambitions

Le premier enseignement à tirer de ce grand chamboulement, c’est d’abord le limogeage de Aminata Touré. Le départ de l’égérie du régime de Macky Sall a été une grosse surprise. Mimi, comme on la surnomme, a été directrice de campagne du candidat Macky Sall en 2012, puis, Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement de Abdoul Mbaye qu’elle remplacera d’ailleurs à la station primatoriale. Tombée ensuite en disgrâce, elle rebondit au poste d’Envoyée spéciale, avant d’atterrir au Conseil économique, social et environnemental. Connue pour son franc parler, elle aurait fait savoir au président de la République qu’elle ne cautionnerait pas le 3ème mandat.

Suffisant pour qu’elle subisse les foudres du chef. Quid de Amadou Bâ ? De la direction des impôts et domaines au département des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur en passant par le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, l’enfant des Parcelles assainies s’est vu tailler un costume de présidentiable. Très avare en paroles, il était aussi dans la ligne de mire même s’il n’a pourtant eu de cesse de renouveler son allégeance au chef de l’Etat. Sauf que ses détracteurs voyaient en lui un «homme qui avance masqué».

Selon certaines indiscrétions, Amadou Bâ ne devait même pas figurer sur la liste du gouvernement du 7 avril 2019. C’est après plusieurs conciliabules qu’il a accepté d’être le chef de la diplomatie sénégalaise. Et dans ses calculs politiques, Macky Sall a toujours refusé d’en faire un «martyr» afin qu’il ne puisse pas tirer profit de son limogeage. Ne soyons d’ailleurs pas étonné que le chef de l’Etat lui propose un poste qui l’éloignerait davantage de la scène politique sénégalaise.

Considéré comme l’un des animateurs de la victoire du président de la République en 2019, Aly Ngouille Ndiaye a été aussi renvoyé de l’attelage gouvernemental. Comme Mimi Touré et Amadou Bâ, le maire de Linguère aurait lui aussi des velléités présidentielles en 2024. Ce même délit d’ambitions n’a pas épargné Mouhamadou Moctar Cissé. L’ancien enfant de troupes n’en finissait pas de tisser sa toile. Du département du budget au ministère du Pétrole, en passant par le poste de directeur de cabinet du président de la République et celui de la Senelec, Cissé a été peint comme un «messie», avant d’être éléctrocuter par l’affaire Akilee. Macky Sall ne prend-t-il pas alors un énorme risque en se débarrassant de ces personnalités centrales de l’attelage gouvernemental ? En tout cas leurs retrouvailles, très peu probable, pourraient faire mal.

Idy, le Poulidor de la politique sénégélaise

Quel gâchis ! Très grand orateur, maître dans l’art de la rhétorique, Idrissa Seck semble pourtant mettre un terme à son ambition politique de devenir président de la République du Sénégal. Plombé par les rencontres de midi avec Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2007, le président du Conseil départemental de Thiès vient à nouveau de se tirer une balle, en acceptant le poste du président du Conseil économique social et environnemental (CESE). Les mêmes causes de 2007 entrainant les mêmes effets en 2020, l’ancien Premier ministre qui vient de ravaler son vomi, s’est volontairement mis hors course pour 2024. Né le 9 août 1959, Idy aura 70 ans en 2029. Comme le cycliste Raymond Poulidor – (qualifié d’éternel numéro 2 sur le Tour de France) -, sa carrière risque de se limiter à la place du numéro 2.

Isolement de Sonko

Réduire l’opposition à sa plus simple expression. C’était le vœu clairement affiché par le président Macky Sall. Après le parrainage dont l’objectif principal n’était pas en réalité une consolidation de la démocratie sénégalaise, mais plutôt d’éviter l’effritement de l’électorat devant l’amener au second tour, le chef de l’Etat reste dans la même logique avec cette fois l’isolement de Ousmane Sonko. D’où la part belle faite à Idrissa Seck de Rewmi qui, en dehors du poste du président du CESE, s’est vu octroyer deux postes ministériels.

Sans occulter l’entrée dans le gouvernement de Oumar Sarr, du Parti des libéraux et démocrates/And Suqali Sopi (PLD/AS). Les deux ex-numéros 2 du PDS seront désormais les premiers boucliers du Macky surtout face à l’opposition maintenant incarnée par le leader du Pastef/Les Patriotes. Khalifa Ababacar Sall contraint de faire profil bas en attendant la loi sur l’amnistie lui permettant de retrouver ses droits civiques, tout comme Karim Wade contraint à l’exil, les alliés ayant tous ou presque renoncé ou n’ayant plus la possibilité de poursuivre leur raison d’être (la conquête du pouvoir), il ne reste plus à Macky Sall qu’à dérouler son plan de conquête du 3ème mandat. Comme Alpha Condé en Guinée et Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire. La voie est ainsi balisée. Désormais, seul le peuple pourra l’arrêter !

PAR ABDOULAYE THIAM

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