La défaite cuisante de l’opposition sénégalaise à l’élection de février 2019, ou encore la pandémie de la Covid-19, ont-elles calmé les ardeurs des opposants du régime de Macky Sall ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le camp anti-Macky a bien du plomb dans l’aile depuis que le président de l’Apr et de la mouvance présidentielle a rempilé à la magistrature suprême. Et seul Ousmane Sonko, le leader de Pastef, incarne sur le terrain cette opposition mécanique face à Macky Sall. En atteste sa randonnée nationale, initiée après la tournée dite agricole de Macky Sall dans le Sine-Saloum, et où il multiple les sorties au vitriol contre la gouvernance du pouvoir en place.
Ce trop-plein d’Ousmane Sonko sur le terrain politique, en véritable leader de l’opposition, semble avoir fini par «déconfiner» cette même opposition. D’où le timide regain d’activité noté ces temps-ci, au niveau de certaines formations politiques comme le Grand parti (Gp) de Malick Gakou ou encore le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Wade qui semblent vouloir sortir de leur torpeur avec quelques initiatives.
A part les échappées timides des organisations qui se réclament de la société civile, à leur tête Guy Marius Sagna de Frapp, qui peinent à faire adhérer les populations à leur cause, seul Ousmane Sonko semble à lui tout seul incarner l’opposition sur le terrain. Ou du moins, le leader de la coalition Jotna ne cesse de multiplier les attaques et autres critiques contre la gestion du régime en place. Si ce n’est la gestion «nébuleuse» des fonds destinés à lutter contre la Covid-19, ou encore la gestion des inondations et du foncier par le régime, Ousmane Sonko ne rate aucune occasion pour s’en prendre à la gouvernance du régime du président Macky Sall. Mieux, à la suite de la tournée agricole teintée de visées politiciennes de Macky Sall, Sonko a répliqué en initiant lui aussi sa tournée dite agricole à travers tout le pays et en exerçant ses prérogatives de critique de l’action gouvernementale sur tous les plans.
En réalité, après un classement flatteur de troisième à la dernière présidentielle avec un score de 15,67% des suffrages, Ousmane Sonko avait refusé de renoncer aux feux de la rampe. Après la présidentielle, il était revenu en force avec l’affaire foncière dans laquelle il a dénoncé un détournement de fonds publics de 94 milliards de F CFA, impliquant le Directeur des Domaines, Mamour Diallo. Mais, son «jeu trouble» dans cette affaire, car tantôt accusateur, dès fois suspect et parfois même accusé, ne l’a pas laissé intact. Ce qui ne semble pas l’avoir découragé, car à la première glissade du régime en place, notamment les mesures d’assouplissement prises par le chef de l’Etat, Macky Sall, le 11 mai dernier, en pleine propagation de la pandémie de la Covid-19 dans le pays, Ousmane Sonko a voulu incarner la posture de chef de l’opposition. Pour ce faire, il s’était offert une tribune digne d’un chef d’Etat de presqu’une heure de temps, durant laquelle il s’est carrément défoulé sur les tenants au pouvoir qui, selon lui, ont abandonné le peuple au moment où le virus gagnait du terrain dans le pays. De fait, Ousmane Sonko a tenu à marquer à la culotte le régime de Macky Sall, n’hésitant pas à user de son droit d’opposant pour passer au crible de la critique la gouvernance du régime. Que ce soit dans l’affaire relative à l’attribution des marchés des denrées comme à leur transport, comme dans la question des inondations qui ont touché le Sénégal le 05 septembre. En véritable opposant faisant fi de toute comp laisance envers la gouvernance du régime en place.
IDRISSA SECK S’EMMURE TOUJOURS DANS UN SILENCE ASSOURDISSANT
Quid des autres leaders de l’opposition, plus précisément Idrissa Seck, pourtant bien classé à la dernière présidentielle ? Arrivé deuxième à la présidentielle de février 2019, Idrissa Seck s’est emmuré dans un silence assourdissant. Le patron du parti Rewmi, Idrissa Seck reste pratiquement aphone sur tous les sujets brûlants de l’heure. Cela, même si son poulain, le député Déthié Fall, monte par moment au créneau pour critiquer le régime. Par ce long silence, Idrissa Seck semble résolument opter pour la rétention délibérée et prolongée de la parole, histoire de maitriser certainement ses passions. Le silence peut en fait constituer un outil redoutable, dans la mesure où il permet à l’autre de projeter et à vous de l’observer et de comprendre ce qui l’habite. Cependant, on a coutume de dire que la nature a horreur du vide. En effet, il semble suicidaire aussi pour un acteur politique de s’abonner absent là où les autres se bousculent pour occuper le moindre espace libre, ou pour remplacer ceux qui ont eu la maladresse ou l’obligation de laisser leur place.
LE PDS ET ME WADE SE DECIDENT DE SE MOUVOIR
Idrissa Seck n’est d’ailleurs pas le seul. Il en est de même de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, qui n’a pipé mot de la gestion de la pandémie par son successeur. Cependant, soucieux d’éviter le trop plein de Sonko sur le terrain, le Pds a décidé de se mouvoir. En effet, dans une note rendue publique le lundi 12 octobre dernier, Me Wade indique avoir donné des instructions au Secrétaire national chargé des structures et des mouvements de soutien, Saliou Dieng, en sa qualité de Président de la Commission nationale de vente et renouvellement des structures de convoquer la Commission nationale pour le démarrage effectif des opérations suivant le calendrier établi à cet effet. Il est ainsi prévu une cérémonie d’installation de ladite commission, suivie du lancement des opérations de placement et de vente des cartes ce jour, vendredi 16 octobre, à la permanence nationale Oumar Lamine Badji, à partir de 17h.
MALICK GAKOU ET LE GP NE VEULENT PAS ETRE A LA TRAINE
A l’image du Pds, le Grand parti (Gp) semble lui aussi se réveiller de sa torpeur. En effet, Malick Gakou et compagnie annoncent la reprise de leur tournée politique arrêtée à cause de la pandémie. Ils promettent de se rendre à Tambacounda dans le courant de la deuxième quinzaine du mois d’octobre. Le mois de novembre sera réservé aux régions du Sud du pays, informe le parti dans un communiqué publié le lundi 12 octobre dernier. Pour sa part, le leader de Taxawu Dakar, Khalifa Sall s’était timidement illustré par sa visite aux sinistrés des inondations de Grand Yoff. Après cette sortie, il est reparti se terrer, optant pour la stratégie de l’abstinence médiatique. Un choix de l’ancien maire de Dakar certainement commandé par ses démêlés avec dame justice. Quant au Congrès de la Renaissance démocratique (Crd), ses nombreuses plaintes sans suite semblent lui avoir donné un coup de frein.
JEAN MICHEL DIATTA