Me Pape Sène : «Quand des faits sont imputés à une personne, force doit rester à la loi»

par pierre Dieme

«Force doit rester à la loi, aussi bien le simple citoyen que l’homme de tenue, que ça soit policier, gendarme, douanier, avocat, magistrat, huissier de justice, c’est-à-dire les acteurs judiciaires, nul n’est au-dessus des lois.» C’est le point de vue du président du Comité sénégalais des droits de l’Homme (Csdh), Me Pape Sène. Ce dernier estime que la loi doit s’appliquer à tout le monde dans un Etat de droit, parce que la loi est générale et impersonnelle, dit-il.

Quelle analyse faites-vous de tous ces dossiers de bavures policières toujours classés sans suite ?
Je voudrais d’abord préciser une position constante du Comité sénégalais des droits de l’Homme qui, naturellement, est fondée sur la nature de l’Etat de droit. C’est que nous luttons contre l’impunité d’où qu’elle vienne, donc nous sommes contre l’impunité. Elle n’est pas l’apanage d’un Etat de droit. Autrement dit, quand on parle d’impunité, on n’est pas dans un Etat de droit. Et le Sénégal est un Etat de droit, c’est la raison pour laquelle, nous, nous disons qu’il ne peut pas et qu’il ne doit pas y avoir d’impunité.
Les autorités de ce pays ont fait d’énormes efforts avec la mise en place de cadres juridiques, institutionnels pour lutter contre l’impunité. Main­tenant pour ce qui concerne les relations heurtées souvent entre les Forces de défense et de sécurité et les citoyens, cela mérite également de faire un certain nombre de précisions. Parce que vous avez parlé de dossiers classés sans suite. Que ça soit une relation heurtée entre civils, ou entre civils et forces de défense et de sécurité, le classement sans suite est une décision souveraine du procureur de la République qui reçoit une plainte. On classe un dossier sans suite, parce que tout simplement, il n’y a pas de fait délictuel, il n’y a pas de fait qui peut être qualifié de fait relatif à une infraction, donc moi, je n’ai pas de problème par rapport à un problème de classement sans suite parce qu’il s’agit d’un traitement judiciaire avec une fin. Maintenant notre problème, c’est quoi ? C’est qu’il ne faudrait pas que quand il y a des cas comme ceux que vous venez de citer qu’il n’y ait pas du tout de poursuite, c’est ça l’impunité. Mais l’impunité ne veut pas dire classement sans suite, le classement sans suite comme une poursuite qui est ordonnée, comme une instruction qui est ouverte, comme un jugement qui est ouvert, ça ce sont les finalités de toute procédure judiciaire. C’est pourquoi nous, nous disons, nous n’avons pas de problème avec un classement sans suite, parce que c’est dans l’ordre normal des choses. Parce qu’on estime que quand il n’y pas d’infraction, on classe sans suite. Mais le problème que nous nous avons c’est que quand il y a des faits qui sont portés à l’attention de l’autorité judiciaire et qui accablent des Forces de défense et de sécurité, qu’il y ait absence totale de poursuites, c’est là où on parle d’impunité.

Est-il normal dans un Etat de droit qu’il y ait des citoyens, victimes de violences policières attestées par des certificats médicaux et qu’il n’y ait jamais de poursuites ?
C’est ce que j’ai dit, dans un Etat de droit, il n’est pas normal qu’il y ait absence de poursuites quand il y a des faits tels que vous les avez relaté. Mais par contre, s’il y a des poursuites qui aboutissent à un classement sans suite, ça moi en tant que juriste, je peux le comprendre parce qu’effectivement les poursuites pénales peuvent aboutir soit à un classement sans suite, soit à une instruction, soit à un jugement. Mais c’est l’absence de poursuites qui est inadmissible dans un Etat de droit, c’est ça que je dis.
Même entre civils, vous pouvez déposer un certificat. Il est arrivé que des gens déposent le certificat médical, indexent quelqu’un de coups et blessures volontaires (Cvb), et qu’au finish, le Tribunal estime qu’il n’y a pas d’imputabilité de faits. Parce que vous savez, le droit est très subtil ; vous pouvez accuser quelqu’un avec un dossier où il y a un certificat médical mais que le Tribunal ou le Procureur de la République, qui a le dossier, ne puisse pas déceler une imputabilité des faits à X qu’il visait. Et là, soit il le classe sans suite ou si c’est le tribunal, il relaxe. Maintenant si vraiment ce sont des faits qui sont imputables à X ou à Y, et que ce sont des faits constants, là il est arrivé dans notre pays que des hommes de tenue soient condamnés. Ça aussi il ne faudrait pas qu’on dise qu’il n’y a pas d’hommes de tenue qui sont condamnés. Donc, il est arrivé par le passé et même actuellement que des gendarmes ou policiers soient condamnés pour avoir exercé des coups et blessures volontaires sur des gens ou avoir fait des bavures. Maintenant s’il y a des cas comme ça et qu’ils ne sont pas poursuivis, nous disons que cela n’est pas normal.

Qu’est-ce qu’il faut faire aujourd’hui pour mettre un terme à ces bavures ?
Mais il faut que force reste à la loi. Nul n’est au-dessus des lois, même l’Etat se soumet au droit dans un Etat de droit et quand on parle de l’Etat, on parle de tous ses démembrements. Donc moi je dis, aussi bien le simple citoyen que l’homme de tenue, que ça soit un policier, un gendarme, un douanier, un avocat, magistrat, huissier de justice, c’est-à-dire les acteurs judiciaires, nul n’est au-dessus des lois. Je crois quand il y a des faits qui sont imputés à une personne avec une certaine qualité, que ça soit un avocat, un magistrat, un officier de police judiciaire, force doit rester à la loi. Et la loi doit s’appliquer, parce que la loi est générale et impersonnelle, elle s’applique à tout le monde dans un Etat de droit.

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