En sciences politiques, on définit la souveraineté comme «la compétence de la compétence», c’est-à-dire qu’il y a rien qui soit au-dessus de la souveraineté. Apparemment, le Président Macron est au-dessus de la souveraineté du Liban ou ce qu’il en reste. La plus petite des républiques bananières d’Amérique latine ou arachidières d’Afrique n’aurait pas accepté le ton que Macron emploie pour accabler les Libanais. On peut être dur et franc avec ses amis tout en y mettant les formes. Un Président étranger qui débarque dans un pays, demande à ses élites de renégocier le contrat social en refondant le «pacte national», donne des ultimatums, cela dépasse l’entendement. Ce n’est plus de l’ingérence, c’est une mise sous tutelle. «Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples», disait De Gaulle. Vers cet Orient compliqué, Macron a débarqué avec des idées simplistes fondées sur un anachronisme historique insupportable. Même si le Liban a été créé de toutes pièces par la France, qui l’a toujours soutenu et protégé, Macron semble oublier que nous ne sommes plus au temps du mandat, et encore moins à celui des «échelles du levant».
Le problème du Liban est que ce pays a toujours été un champ de bataille pour «la guerre des autres», comme dit le livre de Bernard Boulad. Chaque faction libanaise cherche un parrain extérieur et finit par devenir un pion d’un jeu d’échecs régional et international. La querelle des allégeances permanente va entraîner le Liban vers une mort lente mais certaine. Un pays où la première allégeance va souvent au parrain étranger n’est pas viable. On ne sait pas si la première allégeance du Hezbollah est le Liban ou le parrain iranien. L’Arabie Saoudite qui convoque un Premier ministre libanais et l’oblige à démissionner, suscite aussi des interrogations sur la première allégeance de Premier ministre. En plus de l’Iran et de l’Arabie Saoudite qui poursuivent leur guerre froide au Liban, la Syrie, Israël, la France parrainent aussi des factions. Si Macron n’était pas venu au Liban avec des idées simplistes, il aurait compris que la formation du gouvernement au Liban est complexe parce que chaque faction doit avoir l’aval du parrain. Ce qui fait de la souveraineté une fiction politique.
La France a toujours eu des devoirs historiques vis-à-vis du Liban et les a toujours tenus jusqu’à présent.
La seule différence entre De Gaulle, Mitterrand, Chirac et Macron est dans la forme, c’est-à-dire le manque de finesse et de tact. La France, depuis la création du Liban, a toujours veillé sur ce petit pays mais ne l’a jamais traité comme une colonie, un département ou un territoire d’outre-mer comme le fait Macron. Toutes choses étant égales par ailleurs, les Etats-Unis font la même chose pour Israël sans jamais traiter les Israéliens de la sorte, parce que Israël tient à sa souveraineté et son élite politique n’est pas engluée dans une querelle des allégeances entre Israël ou l’Etranger. La survie du Liban passe par une difficile renégociation du «pacte national» pour mettre fin au confessionnalisme d’Etat, afin que la première allégeance aille à l’Etat et non plus à des chefs de guerre, de clans ou à des parrains extérieurs qui sont vitaux parce que l’Etat, l’allégeance collective est trop faible. La naissance de cet Etat laïc à la place de l’Etat confessionnel, sera l’acte de renaissance du grand peuple phénicien qui a donné au monde l’alphabet et Fayrouz (l’autre Oum Kalsoum), à qui Macron a eu la bonne idée de décerner la légion d’honneur.
SOURCE YORO DIA