Le monde est obligé de vivre avec la pandémie du Covid-19 dont les dégâts sociaux sont multiformes. Mais dans un pays comme le Sénégal, où le taux d’analphabétisme dépasse 54% de la population, la problématique de l’éducation devrait être au centre des préoccupations. La pandémie a perturbé le cursus scolaire et universitaire et ses conséquences sur le niveau des apprenants pourraient être dramatiques. La grande majorité des élèves et étudiants étaient restés, le plus clair de leur temps, sans aller en classes et cela sans aucune assistance éducative à domicile. Les cours avaient été arrêtés depuis le mois de mars 2020. Les autorités en charge de l’Education nationale ont alors tenté de lancer une chaîne de télévision thématique pour dispenser des cours à distance à des apprenants de divers niveaux. Les cours étaient essentiellement destinés aux élèves des classes d’examen. Mais les inégalités sociales avaient pu faire que tous les élèves ne pouvaient avoir accès à ces cours télévisés. Certaines écoles privées avaient aussi aménagé des cours en ligne pour leurs élèves. Une autre initiative, prise par le ministère de l’éducation nationale, avait été d’aménager des cours en «présentiel» pour les élèves des classes d’examen à partir du mois de mai 2020. Sans doute que ces élèves ont pu bénéficier d’un encadrement pédagogique plus rapproché et d’un meilleur suivi. Les résultats des examens de fin d’année semblent l’indiquer, avec un taux de réussite exceptionnel de plus de 42% au baccalauréat. Le personnel enseignant et les différents responsables du secteur éducatif ne devraient-ils pas remettre en cause leurs méthodes et approches, à défaut de se remettre en cause eux-mêmes ?
Il reste que le gros des élèves est laissé en rade. Les élèves des classes intermédiaires étaient livrés à eux-mêmes. On peut donc présumer qu’il leur sera nécessaire de bénéficier d’un encadrement particulier, plus assidu, afin de résorber ou combler les retards accusés sur l’année scolaire passée. Il convient alors de tout mettre en œuvre pour éviter toute forme de perturbation de l’année scolaire 2020-2021. Mieux, devrait-on réfléchir même à l’idée de renforcer les quantums horaires et les méthodes et approches didactiques.
L’Etat refuse l’ouverture de classes !
Des responsables éducatifs ont semblé en être conscients et certaines écoles avaient songé à démarrer les enseignements le plus tôt possible. C’est ainsi que des écoles privées avaient voulu reprendre les cours d’enseignements des programmes éducatifs sénégalais, dès le mois de septembre 2020, à l’instar d’autres écoles dispensant des programmes étrangers. Les parents se sont montrés enthousiastes à cette idée, mais c’était sans compter avec une réaction surprenante du ministère de l’Education nationale du Sénégal. Les services de Mamadou Talla ont estimé qu’il ne saurait être question de permettre à certaines écoles d’ouvrir avant les autres, pour dispenser des programmes scolaires sénégalais. La rentrée générale sera pour le mois de novembre 2020. Cette injonction tiendrait à satisfaire un souci d’égalitarisme à tous crins dans le secteur éducatif. D’aucuns ont voulu éviter que des «enfants de riches» qui seraient dans des écoles privées puissent avoir un avantage sur les enfants des autres catégories de populations dont les enfants seraient dans les écoles publiques. Une grosse erreur ! Ils sont légion, ces parents qui se privent de tout pour inscrire leurs enfants dans le privé du fait que l’école publique est de plus en plus défaillante pour assurer une éducation de qualité. Nous n’avons de cesse d’appeler dans ces colonnes à une prise en main de l’éducation publique, le meilleur outil d’égalité que les républiques ont à offrir.
Il reste que l’approche du ministère de l’Education nationale est on ne peut plus incompréhensible car des élèves sont ainsi privés d’une opportunité de refaire leurs retards d’apprentissage. C’est comme si on cherchait à niveler les choses par le bas ! Qu’est-ce qui empêcherait le ministère de l’Education nationale de travailler à organiser la rentrée des classes plus tôt, afin de donner les mêmes chances que leurs propres enfants aux autres enfants citoyens sénégalais ? En effet, pendant qu’ils empêchent à des enfants de retourner en classe, de hauts responsables envoient leurs propres enfants dans des écoles dispensant de programmes éducatifs étrangers et qui ont donc normalement repris les classes depuis le mois de septembre 2020 !
Gare à l’ostracisme contre les écoles privées catholiques
Si la logique du ministère de l’Education nationale serait d’empêcher que certains élèves puissent bénéficier de plus de quantum horaire que d’autres, vont-ils pousser cette logique jusqu’à installer un chronogramme suivi en temps réel dans toutes les écoles du pays et surtout vont-ils demander aux autres écoles privées d’arrêter les cours si d’aventure il y avait une perturbation de l’année scolaire pour faits de grèves des élèves ou enseignants du public ? Quel mal pour un élève de bénéficier de plus de quantum horaire que d’ordinaire ? Le ministre Serigne Mbaye Thiam avait autorisé des écoles privées qui dispensent des programmes français et sénégalais, de démarrer les cours à la même date, afin de leur permettre d’assurer un certain brassage culturel mais également leur permettre d’optimiser leurs ressources comme le transport, la cantine, la gestion des personnels. Curieusement, le ministre Mamadou Talla revient sur cet «acquis» accordé par son prédécesseur. Il sera difficile de ne pas se demander si cette nouvelle attitude ne résulte pas de ses relations devenues difficiles avec les écoles privées catholiques ?
C’est dire que les autorités du ministère de l’Education s’engagent depuis quelques mois dans une dérive, inintelligente, de gestion des écoles jusque dans un détail insensé. On a vu l’année dernière la querelle puérile autour de la volonté d’imposer le foulard à l’intérieur des écoles privées catholiques. Le ministère de l’Education avait poussé le bouchon jusqu’à vouloir imposer un protocole de règlement intérieur aux écoles privées. L’essentiel dans les politiques du ministère devrait être ailleurs, comme pomper les eaux de pluie des classes, réparer et réfectionner les écoles, pourvoir des fournitures scolaires de qualité, discuter avec les acteurs du secteur de l’Education pour garantir une année scolaire tranquille et fournir aux écoles les matériels et autres intrants indispensables pour la lutte contre la propagation du Covid-19. On voit des citoyens qui proposent un peu partout de rénover des salles de classe pour donner une chance à d’autres générations face à la détérioration des écoles publiques. L’initiative portée par l’enseignant Mamadou «Junior» Diakhaté pour des écoles publiques, dont le Cem de Yoff, est à saluer.
Au lieu d’une certaine forme d’ostracisme qui ne dit pas son nom, à l’endroit des écoles privées sénégalaises, l’Etat devrait songer également, dans le cadre du fonds de résilience contre le Covid-19, à trouver des ressources pour aider les écoles privées sénégalaises, durement frappées par la pandémie. En effet, de nombreux parents se sont retenus de payer des frais de scolarité, estimant que la contrepartie des enseignements au profit de leurs enfants n’aurait pas été satisfaite. Or, les écoles privées constituent une réalité incontournable du système éducatif au Sénégal.
POST-SCRIPTUM : Qui peut me faire la leçon sur
l’ethnie, la race, la religion ou la nationalité ?
Je n’ai pas l’habitude de répondre à certains contempteurs. Les lecteurs arrivent désormais à anticiper systématiquement les réactions, des mêmes personnes, quant à mes écrits. Des personnes pensent trouver dans une posture clivante avec Madiambal Diagne, la possibilité de gagner en reconnaissance, en aura ou en notoriété, au risque de prendre parfois les positions les plus stupides. Grand bien leur en fasse ! Seulement, je tiens, une fois n’est pas coutume, à relever quelques réactions relatives à ma chronique de la semaine dernière, consacrée à «l’agenda extrajudiciaire du juge Souleymane Teliko». J’ai eu à pointer dans ce texte des faits précis que nul ne saura démentir. Souleymane Teliko, président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) lui-même, tout comme nombre de contempteurs réguliers, sont bien placés pour savoir que je n’écris pas sur commande. Les faits sont sacrés pour moi et c’est un point d’honneur de ne jamais voir démentis des faits allégués dans mes textes.
Alors, cherche-t-on à susciter l’amalgame, à noyer le poisson pour occulter le vrai débat ? C’est ainsi que j’ai pu constater, dans un premier temps avec humour mais par la suite avec sidération, que j’ai pu être accusé de xénophobie, «d’ethnicisme» ou de manque de sentiment panafricain ou de je ne sais quoi encore, pour avoir commis le crime de m’être interrogé sur les motivations du juge Téliko à «s’occuper de sa nationalité guinéenne que lui confèrent ses parents» et surtout de me demander «si on pourrait avoir une double loyauté». Quand le doigt montre la lune, certains regardent le doigt ! Oui, il y a bien à s’interroger qu’un magistrat attende d’engager un combat politique ou syndical, que son statut et les règles qui régissent sa profession ne lui permettant nullement, pour chercher la nationalité d’un autre pays. Je suis persuadé que s’il était agi de la nationalité d’un autre pays, certaines réactions seraient bien différentes !
Au demeurant, ma vie personnelle et mes états de service renseignent pertinemment que ce n’est pas contre Madiambal Diagne, qu’une personne de bonne foi devrait soulever des griefs de nourrir ou attiser des sentiments d’exclusion fondés sur l’ethnie, la race, la religion ou la nationalité. Est-il besoin de rappeler qu’en décembre 2007, j’ai eu, à l’occasion d’un panel dans le cadre d’un colloque international à Abidjan, à croiser durement le fer avec la garde politique rapprochée du Président Laurent Gbagbo sur le débat sur «l’Ivoirité», un thème qu’il venait d’emprunter à Henri Konan Bédié. Ils n’étaient pas nombreux, dans ce contexte politique tendu, à oser aller à contre-courant de la ligne politique dominante aux bords de la lagune Ebrié. En février 2011, j’ai eu à évoquer à Dakar, avec Alpha Condé, nouvellement installé comme président de la République de Guinée, de la fraternité entre les peuples africains et surtout de la question de «l’ethnicité» qui constituait une grave menace pour son pays et la sous-région et envenimait ses relations avec les médias guinéens. Cette discussion avait eu lieu en présence de mes confrères Mamadou Oumar Ndiaye (Le Témoin) et Abdoulaye Bamba Diallo (Nouvel Horizon). Dans ces colonnes, plus d’une fois, j’ai pourfendu le discours haineux et d’exclusion tenu par le camp de Alpha Condé durant la campagne électorale de 2010, notamment contre des journalistes et promoteurs de médias privés qui appartiendraient pour leur majorité à une ethnie différente de celle du Président Condé. En novembre 2017, à Conakry cette fois-ci, j’ai publiquement interpellé le Président Condé sur son attitude personnelle et celle de son régime, vis-à-vis de pays voisins de la Guinée mais aussi des médias et de certaines catégories de populations en Guinée. Je soulignais notamment à l’endroit de Alpha Condé qu’il devait la vie sauve au Sénégal et à ses dirigeants qui l’avaient protégé des affres des dictatures militaires en Guinée. Je disais à Alpha Condé que «je peux me permettre de dire tout cela, car ce pays (la Guinée) est aussi le mien. Mon épouse est de Fouta Touba». Cette sortie «courageuse et franche» avait courroucé le Président Condé, mais a été saluée par toutes les organisations internationales humanitaires. Plus d’une dizaine de journalistes sénégalais avaient assisté à ces échanges. C’est donc peine perdue que de tenter de m’accabler d’accusations d’exclusion contre des citoyens guinéens.
Par ailleurs, j’ai pu découvrir, à la faveur de certaines réactions sur les réseaux sociaux, que mon «succès» à la tête de l’Union internationale de la presse francophone (Upf) dérangerait. Tant pis. L’histoire retiendra que l’Upf fête cette année ses 80 ans et que Madiambal Diagne aura été le premier Sénégalais à avoir l’insigne honneur de la diriger. Mieux, Madiambal Diagne aura été le premier président international de l’Upf à avoir rempli, avec brio, trois mandats successifs, élu par un vote à bulletins secrets. En vue de s’aménager la possibilité de garder son président international, l’Upf a changé ses Statuts, en novembre 2019 à Yaoundé, pour non seulement allonger la durée des mandats mais aussi adopter une disposition expresse pour permettre au président international de pouvoir rempiler à la fin de son mandat en cours. Le Comité international de l’Upf a adopté ces modifications à une majorité de 50 voix contre la seule voix de Madiambal Diagne. Est-il besoin de rappeler que mon credo à l’Upf a toujours été qu’aussi longtemps que je serai à sa tête de cette organisation multi-culturelle, «les nations et les peuples seront d’égale dignité en son sein». C’est comme cela que l’histoire s’écrit.
Enfin, il faut dire que le débat suscité par ma chronique du 21 septembre 2020, est ailleurs et la série de questions que j’y ai soulevées sur les motivations de l’engagement politico-syndical de Souleymane Teliko demeurent toujours sans réponse. J’en ai fini !