Afp, Ps, Ld/Mpt, Pit et autres… Le président Macky Sall a fini de traduire en une courtoise «servilité» le compagnonnage avec tous ces partis qui faisaient pourtant de la conquête du pouvoir leur raison d’être
Afp, Ps, Ld/Mpt, Pit ou autre : des partis politiques au long cours, incontournables dans l’échiquier politique sénégalais pour avoir été soit détenteur du pouvoir, soit faiseurs de rois pendant plus d’une quarantaine d’années de vie politique au Sénégal. A l’aune du quinquennat de Macky Sall, ces partis tous de gauche peinent aujourd’hui à imposer leur vision politique, minés qu’ils sont par des querelles intestines et des scissions, des contestations de l’hégémonie du chef ou plus par l’hyper-domination de l’Apr et de son leader, le président Macky Sall, qui a fini de traduire en une courtoise «servilité» le compagnonnage avec ces partis qui faisaient pourtant de la conquête du pouvoir leur raison d’être.
L’exercice du pouvoir par l’Alliance pour la République de 2012 à nos jours a ceci de particulier qu’il est un véritable patchwork de partis aux obédiences politiques clairsemées. Entre options libérales, socialisantes, populistes, de gauche ou autre, la coalition Bennoo Bokk Yaakaar qui porte le président Macky Sall depuis le deuxième tour de la présidentielle de 2012 condense les visions politiques de partis et de leaders politiques qui étaient bien loin, au faîte de leur renommée, d’imaginer qu’ils en seraient aujourd’hui à servir d’appendice au maître du jeu. Parmi ceux-ci, on note les partis de gauche dont en premier l’Afp de Moustapha Niasse et autre Parti socialiste de feu Ousmane Tanor Dieng, pour ne pas dire Abdou Diouf et Léopold Sédar Senghor. Des partis qui, à l’épreuve du compagnonnage avec l’Apr de Macky Sall, en sont arrivés à jouer les seconds rôles s’ils ne sont pas réduits à leur plus simple expression.
AFP, LES REPERES PERDUS
Issue d’une scission d’avec le Parti socialiste, alors au pouvoir, suite au Congrès sans débat de 1996, l’Afp de Moustapha Niasse qui a reçu sa reconnaissance légale, le 13 août 1999, avait pourtant réussi la prouesse d’arbitrer la présidentielle de 2000 et le duel Me Abdoulaye Wade-Abdou Diouf, président sortant. Quelques mois à peine après sa création des flancs du Ps, le parti de Niasse recueillait 16,8 % des voix lors de l’élection présidentielle de 2000 et par un report massif de ses suffrages, permettait à l’opposant irréductible du Ps pendant plus d’un quart de siècle, Me Wade, d’accéder à la magistrature suprême. L’âge d’or de l’Afp coïncida alors avec la nomination en grande pompe de son patron à la Primature, après une brève première en 1983. Qui plus est, aux élections législatives de 2001, l’Afp remportait 303 150 voix, soit 16,1 % des suffrages, et obtenait 11 sièges sur les 120 que comptait alors l’Assemblée nationale du Sénégal.
La voie semblait tracée pour qu’enfin Moustapha Niasse puisse accéder un jour au Palais présidentiel, tant la promesse des fleurs était significative pour son parti naissant. De fil en aiguille cependant, l’Afp allait rentrer dans le rang avec la perte de la Primature, les coups de boutoir du Pape du Sopi et le retour aux dures réalités de l’opposition. Le boycott des élections législatives de 2007 allait compresser davantage le champ de vision des « Progressistes » qui durent attendre les Locales de 2009 pour redresser quelque peu la tête avec Benno Siggil Senegaal. La présidentielle de 2012 consacra la revanche de Moustapha Niasse et de son parti sur le régime libéral de Me Wade puisqu’avec 357 000 voix, soit 13, 20% des suffrages au premier tour, ils permettaient au candidat Macky Sall de doubler son mentor avec 66% des voix et de devenir le quatrième président du Sénégal.
Depuis lors, l’Alliance des forces de progrès semble avoir dissolu son option de conquête du pouvoir dans la vision politique du maître du jeu, en l’occurrence Macky Sall. En contrepartie, son patron Moustapha Niasse siège depuis 2012 au perchoir, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête à chaque nouvelle législature. Et pour ferrer davantage l’Afp dans un compagnonnage où il est gagnant à tous les coups, Macky Sall lui assure ses deux postes de ministres, voire quelques directions de sociétés nationales. Des cadres du parti refusant toutefois de voir l’Afp s’incruster dans sa position d’appendice de l’Apr, via la coalition Benno Bokk Yaakaar, une contestation en interne de l’hégémonie du chef sera amorcée et elle coïncidera en définitive avec le départ du parti de Malick Gakou et de quelques uns de ses compagnons comme Mamadou Goumbala. Exclus du parti en mars 2015, Gakou et ses compagnons créent le Grand Parti, fragilisant par certains côtés l’AFP qui pouvait contester son leadership et émietter sa mainmise sur le pays.
PS, L’OMBRE DE LUI-MEME DEPUIS 2000
A l’épreuve du compagnonnage avec l’Apr de Macky Sall, le Parti socialiste ne semble pas mieux loti. Après 40 années de pouvoir, 12 années de traversée du désert, le parti de feu Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, le seul à pouvoir longtemps s’enorgueillir de disposer d’une véritable machine électorale dans le pays, n’est aujourd’hui que l’ombre de lui-même. Ses activités politiques étant presque toutes limitées à quelques rares réunions d’instance au niveau de son siège à Colobane, Covid-19 mise à part. Il faut dire que de la perte du pouvoir en 2000, avec le retrait politique d’Abdou Diouf, au frémissement de la présidentielle de février 2012, le Parti socialiste a perdu progressivement ses bastions électoraux et ses privilèges de pouvoir pour naviguer dans les méandres d’une opposition débilitante. 12 années de marasme qui ont poussé beaucoup d’anciens responsables socialistes à larguer les amarres et à voler de leurs propres ailes, à l’instar de l’ancien ministre d’Etat Robert Sagna à titre d’exemple. Il aura fallu le sursaut des Locales de 2009, l’émergence de leaders comme Khalifa Sall à Dakar, et l’embellie de 2012 pour permettre au parti de se relever, tant soit peu, de ses cendres. Avec près de 306 000 voix, soit 11, 30% des suffrages, le Ps de feu Ousmane Tanor Dieng contribuait à sa manière à la destitution de Me Abdoulaye Wade au profit de Macky Sall.
Les étrennes du nouveau locataire de l’Avenue Roume permirent d’une certaine manière au premier parti au pouvoir au Sénégal post-indépendance de redonner son blason avec deux ministères dans l’attelage gouvernemental, moult postes de directions et un juteux poste de patron au… Hcct. Mais, comme l’Afp de Moustapha Niasse, le Ps d’Ousmane Tanor Dieng se retrouvait enfermé dans la quadrature de son compagnonnage avec l’Apr de Macky Sall.
La coalition Bennoo Bokk Yaakaar permettait là aussi au maître du jeu d’annihiler toutes les prétentions classiques de conquête du pouvoir au niveau du Ps, réduit à jouer les appendices du parti au pouvoir, allant jusqu’à renier toute candidature à la présidentielle de 2019. La contestation de cette posture du parti des « Verts de Colobane », en déphasage avec l’option politique originelle, allait là aussi coïncider avec des scissions internes fragilisant le parti. Khalifa Sall, maître incontesté de Dakar depuis 2009, exclu du parti, allait en faire les frais avec des démêlés judiciaires qui vont invalider sa candidature à la magistrature suprême. S’ils ne le confinent pas en prison pendant deux ans et demi.
Entretemps, Me Aissata Tall Sall, mairesse de Podor, égérie du parti, pliait aussi ses bagages pour « Osez l’avenir » et devenir par suite un soutien de Macky Sall. C’est dire à quel point le compagnonnage du Ps avec l’Apr de Macky Sall, via Bennoo Bokk Yaakaar, a été rédhibitoire par certains côtés pour l’ancien parti au pouvoir de 1960 à 2000. Aujourd’hui, avec la disparition d’Ousmane Tanor Dieng, le Ps semble chercher ses repères, en attente d’un hypothétique congrès devant consacrer la dévolution des rênes du parti à un leader capable de le sublimer. Si tant est que ce leader charismatique existe réellement au sein des « Verts de Colobane, à l’exclusion de…Khalifa Sall.
LD/MPT, PIT, AND-JEF: FAISEURS DE ROISSANS SINECURE
Que dire des autres partis de gauche s’étant enferrés dans le compagnonnage avec Macky Sall ? De la Ld/Mpt qui a perdu son seul poste de ministre avec le départ de Khoudia Mbaye du gouvernement, sa coupure en deux avec la survenue de Ld/Debout, en passant par le Pit de feu Amath Dansokho, aujourd’hui de Samba Sy, qui peut se gargariser de son poste de ministre du Travail, ou autre And-Jef de Landing Savané (à distinguer de And-Jef Mamadou Diop Decroix), force est de reconnaître que l’accompagnement de Macky Sall dans l’exercice du pouvoir est loin d’être une sinécure. Le maître du jeu est passé par là, en réalisant cette prouesse d’en avoir fait tous des prolongements de son parti, des défenseurs de ses causes ou plus, des avocats de sa vision politique. A défaut de les phagocyter.