Le choix fait par l’hémicycle de privilégier l’article 49 sur la gestion des inondations en lieu et place de celui 48 du règlement intérieur qui parle de commissions d’enquête parlementaire, fait débat
L’Assemblée nationale a mis en place une Mission d’information sur la gestion du Plan décennal de lutte contre les inondations (Pdli), évalué à 767 milliards, afin de permettre aux députés de mener à bien les missions qui leur sont dévolues. Toutefois, le choix fait par l’hémicycle de choisir l’article 49 en lieu et place de celui 48 du Règlement intérieur, qui parle de commissions d’enquête parlementaire, a suscité un débat sur la pertinence d’une telle démarche. Cependant, un rappel historique de toutes ces voies de contrôle de l’action publique, utilisées par la 12ème et la 13ème législature, laisse croire que le parlementaire vole chaque fois au secours de l’Exécutif.
Dans le but d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement, notamment sur la gestion du Plan décennal de lutte contre les inondations (Pdli), évalué à 767 milliards de nos francs, le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé, le 15 septembre dernier, de mettre en place une Mission d’information représentative, composée de représentants de la majorité, de l’opposition et des non-inscrits, au nombre de 15 députés. Cette commission qui aura pour mission de permettre aux députés de se faire une idée sur la gestion des inondations disposera d’un délai de 6 semaines, à compter de son installation, pour produire un rapport à déposer sur la table du chef de l’Etat, Macky Sall, avant le 31 octobre.
UNE MISSION D’INFORMATION A LA PLACE D’UNE ENQUETE PARLEMENTAIRE
Le choix de l’article L.49, à savoir la Mission d’information, à la place de L.48 destiné à la mise sur pied d’une enquête parlementaire, s’expliquerait par des situations exceptionnelles, comme celle qui prévaut aujourd’hui, avec les inondations dans plusieurs parties du Sénégal. Alors qu’avec l’article L.48, la commission d’enquête aurait pu bénéficier de pouvoirs particuliers, notamment d’obliger les ministres ou toutes les personnes impliquées dans la gestion des inondations à répondre à leurs convocations, de les auditer sous serment. Et même mieux, de disposer des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs. Toutefois, la démarche adoptée par le Bureau de l’Assemblée n’a pas rencontré l’assentiment du groupe parlementaire de l’opposition «Liberté et démocratie».
En effet, même s’il a pris acte de ladite décision, ledit groupe s’est offusqué que le Bureau ait rejeté sa demande d’audition des ministres et responsables concernés par les inondations et le Pdli. Mieux, le groupe d’opposition parlementaire a estimé que «le bureau de l’Assemblée Nationale ne souhaite ni le contrôle de l’action du gouvernement ni la transparence dans la gestion des finances publiques». Cette assertion remet au goût du jour les questionnements sur la pertinence des voies et moyens utilisés par l’hémicycle pour procéder à sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, mais aussi celui de l’image que renvoie cette Assemblée nationale auprès des populations. Un petit rappel de certains actes posés par la 12ème et 13ème législature ne milite pas à une perception positive du travail de contrôle qu’exercent les parlementaires vis-à-vis de l’Exécutif. C’est plutôt l’image d’une Assemblée qui, dans le but d’obtenir une amnésie collective, procède à la récupération d’un scandale qui va dans tous les sens, l’étudie à sa manière, puis le laisse à l’épreuve du temps. L’autre démarche très souvent adoptée, c’est le silence radio malgré les vociférations et autres invites lancées par l’opposition et/ou la société civile pour l’ouverture d’une enquête parlementaire. Les exemples d’un parlement à la rescousse de l’exécutif font légion.
DES ENQUETES PARLEMENTAIRES POUR LIQUIDER DES ADVERSAIRES POLITIQUES
En effet, l’Assemblée nationale s’est tristement distinguée dans plusieurs affaires impliquant des proches du «Macky» en véritable tribune de défense des tenants du pouvoir. L’on se rappelle ainsi de la fameuse affaire des 94 milliards ou le Tf 1451/R. Accusé par le leader de Pastef, Ousmane Sonko, d’avoir détourné 94 milliards ou le Tf 1451/R appartenant aux héritiers de feu Djily Mbaye, l’ancien Directeur général des Domaines, Mamour Diallo, non moins responsable apériste à Louga, a été «blanchi» par une Commission d’enquête parlementaire. Alors que, de l’avis du député Sonko, l’Ofnac aurait saisi le parquet de Dakar pour une enquête sur de «possibles cas de détournement de deniers publics» contre Mamour Diallo. Le moins que l’on puisse dire, c’est le statu quo noté aujourd’hui sur cette affaire. Que dire de la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, emprisonné en mars 2017 et élu député en juillet de la même année ? En effet, à l’issue d’une séance plénière chahutée, le 25 novembre 2017, 125 députés contre 27 ont voté le rapport d’une commission parlementaire préconisant cette levée. Cela, alors que “Khaf“ n’a pas été entendu par ladite commission parlementaire chargée de statuer sur sa levée d’immunité.
L’HEMICYCLE FAIT LE MORT POUR CERTAINS DOSSIERS
Outre ces scandales, il y a eu également, et de triste mémoire, le dossier des contrats pétroliers et gaziers où le frère du président de la République, Aliou Sall, maire apériste de Guédiawaye, a été cité par une enquête de la chaine Britannique Bbc dans un «Scandale à 10 milliards». Malgré le tollé qu’a suscité cette affaire du fait de l’utilisation présumée d’un faux rapport de présentation dans l’attribution des blocs pétroliers et gaziers à l’homme d’affaires Frank Timis pour lequel travaillait Aliou Sall, mais aussi pour l’importante somme avancée sur ce problème, l’Assemblée nationale et restée aphone et statique. Cela, malgré les nombreuses interpellations de la part d’opposants et d’acteurs de la société civile. Il en est de même de l’indifférence de la 2ème institution du pays sur certains dossiers tels que l’affaire du Prodac et Arcelor Mittal. Que dire du financement de la rénovation du building administratif, celle de l’hôpital de Touba et la supposée nébuleuse gestion du port de Dakar et du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) ? Des affaires, parmi tant d’autres, sur lesquels l’hémicycle a fait le mort pour laisser jouer le temps. Ce qui semble bien la servir, d’autant plus que certains grands scandales ou sujets à polémique ont bénéficié d’une amnésie collective, le temps étant passé par là.