Comment une alliance Barrow-Jammeh a torpillé un projet de nouvelle constitution en Gambie

par Dakar Matin

Un front inédit de députés proches de l’ancien président Yahya Jammeh et de son successeur Adama Barrow fait barrage au projet de nouvelle Constitution, censé mettre définitivement la Gambie sur les rails de la démocratie.
En politique, les ennemis d’hier peuvent devenir les alliés d’aujourd’hui. Cela s’est encore vérifié en Gambie avec le rejet du projet de nouvelle constitution. Des proches de l’actuel président Adama Barrow et des soutiens de l’ancien président Yahya Jammeh se sont alliés pour la circonstance.
Le processus d’adoption de la nouvelle Constitution s’arrête en seconde lecture. Il fallait au moins 42 des 58 députés pour adopter le projet de Constitution en plénière.

Alliance inédite Barrow-Jammeh

Le front composé de députés proches du président Adama Barrow et de l’ancien Président Yahya Jammeh réussit à barrer la route au texte soumis au parlement.
Les proches de l’ancien président n’ont jamais voulu de la nouvelle constitution. Momodou Camara est un député de l’APRC le parti de Jammeh.
« Dans leur stratégie, les adeptes de la nouvelle constitution se sont dressés contre notre parti et cela a dérapé. Ils ont voulu me convaincre mais ils se sont trompés de personne en voulant obtenir mon soutien », dit-il.
Les partisans du Président Adama Barrow eux ne veulent pas de la limitation du nombre de mandats à deux et d’une élection à la présidence avec plus de 50 pourcent des suffrages. Sanna Jawara député du camp d’Adama Barrow ne veut rien entendre d’une nouvelle constitution.
« Les gens confondent une constitution et un dirigeant. Personne ne peut me convaincre que la constitution actuelle est mauvaise. Quand Yahya Jammeh avait refusé de quitter le pouvoir c’est pourtant cette constitution, dite mauvaise, qui a été utilisée pour le chasser », explique le partisan du président gambien.
En Gambie, c’est surtout la déception qui est à l’ordre du jour car avec le rejet du projet de nouvelle constitution, ce sont deux années de rêves et de consultations avec les partis politiques et la société civile qui sont ainsi perdues. Sait Matty J aw est Professeur de sciences politiques à l’Université de Gambie.
« Beaucoup de gens voulaient une nouvelle Gambie. Le rejet du projet rend impossible de le faire, comme la nouvelle Constitution aurait pu réformer nos institutions », se désole l’analyste politique.
Les bailleurs du projet de constitution, dont l’Union Européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne avaient publié une déclaration commune demandant aux députés gambiens de voter oui. C’est désormais peine perdu.
Marième Jack Denton, la présidente de l’Assemblée nationale de Gambie, décompte 31 voix pour et 23 contre.
« Selon la Constitution de 1997, un projet portant loi de l’Assemblée nationale, ne peut être adopté par l’Assemblée ou présenté au président pour approbation à moins que ce projet de loi ne soit appuyé par les votes d’au moins 3/4 des membres de l’Assemblée nationale », déclare Mme Denton.
Divergences

Il y a trois mois, ce texte rédigé par la Commission de révision constitutionnelle, a été adopté par le gouvernement gambien en Conseil des ministres. Il est cependant source de plusieurs divergences, notamment sur la question de la limite des mandats présidentielle
Dans le projet de la nouvelle constitution présenté aux députés, l’exercice de la fonction présidentielle est limité à deux mandats.
Un chapitre rétroactif considère que le premier mandat du président actuel prend effet avec son élection en décembre 2016. Le président Adama Barrow et son gouvernement ne sont pas d’accord. Ils ont soumis une résolution à la Commission de révision constitutionnelle demandant que le premier mandat d’Adama Barrow soit compté à partir de 2021.
« Le mandat ne peut que commencer en 2021 si la loi est respectée. Quelle que soit la perception que l’on peut se faire de quelqu’un dans une situation quelconque, il importe de respecter la loi. Autrement nous serions dans la loi du plus fort », dit l’avocat et professeur du droit constitutionnel Lamin Darboe, un lobbyiste pour Adama Barrow auprès des députés.
Lors des élections présidentielles qui l’ont amené au pouvoir, le candidat Barrow avait promis de ne faire que trois années à la tête de la Gambie. Certains estiment qu’il est revenu sur sa parole et compte s’éterniser au pouvoir.
Pour Sal Taal, le président du barreau Gambien, la limitation à deux mandats présidentiels est une demande populaire prise en compte par les rédacteurs de la nouvelle constitution.
« L’Exécutif peut exprimer et dire ce qu’il veut ou ne veut pas dans la constitution. Mais la Commission de révision constitutionnelle a produit un projet de texte en étant convaincu que c’est la meilleure chose pour la Gambie. La dernière décision revient au parlement et au peuple lors d’un référendum », déclare-t-il à la BBC.

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