Un à un, des régimes, ou plutôt leur leaders, tombent sur notre continent: Ibrahim Boubacar Keita du Mali, chassé du pouvoir le 18 août, en est le dernier. La peur s’empare des palais africains, tous ou presque en posture bancale. Comment n’y relève-t-on pas le phénomène de dominos à l’œuvre et qui est en passe d’emporter tout sur son passage? Qui n’a pas noté la fulgurance des chutes de dirigeants qui se croyaient inamovibles ? Jacob Zuma, en Afrique du Sud, Robert Mugabe, au Zimbabwe, Omar El Bechir, au Soudan, Abdel Aziz Bouteflika en Algérie, John Mutarikha du Malawi, Mohamed Abdel Aziz de la Mauritanie, Yaya Jammeh de la Gambie et même Goodluck Johnathan du Nigeria: tels des fruits pourris, ils sont tombés ! La liste promet d’être plus longue.
Paul Biya du Cameroun et Ali Bongo-Ondimba sont assis sur des branches cassées, et, malades, ils n’ont aucune chance d’échapper au vent déchaîné des changements. Comment un Alassane Ouattara peut-il s’en sortir dans une Côte d’Ivoire où il a finit par incarner une abjecte gourmandise de pouvoir en plus d’être le symbole d’un régime allogène qui marginalise les autochtones. C’est la guerre totale qui s’annoncent entre eux et la naissance d’une coalition entre Akan, Bétés, Agnis jusqu’aux Dioulas desethnicisés n’est pas pour garantir quelque chance de survie au pouvoir en place. Qui ne peut, non plus, s’inquiéter des dérives ethnicistes qui parcourent les stratégies des principaux protagonistes dans la lutte électorale à mort que le Président Guineen Alpha Conde engage avec son féroce rival, Cellou Dallein-Diallo? Le genocide inter-ethnique, entre Mandingues et Fulanis, pourrait hélas être l’horizon de ce pays. Qu’on se le dise: le Sénégal n’échappera pas à la vague en cours.
En un mot, comme en Guinée Bissau ou un nouveau pouvoir s’est établi, le régime de Macky SALL, deja illégitimé par les fraudes électorales qui l’ont conçu, n’a aucune chance de ne pas tomber. Il est cerné de toutes parts. Ce qui se passe en ce moment en Afrique, c’est le triomphe d’une théorie africaine des dominos : les uns après les autres, par contamination, les pouvoirs, parce qu’incapables de produire des résultats économiques, la santé et le bonheur, ou de se conformer aux idéaux démocratiques, n’ont plus de légitimité pour justifier la prolongation de leur présence à la tête des États. Avant qu’elle ne gagne le continent, la théorie des dominos fut portée par l’Amerique sous le leadership du General Dwight Eisenhower dans le but d’empêcher à partir des années 1950 la propagation du communisme. Il suffisait, pensait-on au sein de son administration, qu’un régime communiste s’installe pour faire boule de neige. La Chine Maoiste, à partir de 1949, puis plus tard la Corée du Nord, le Vietnam, le Laos, le Cambodge, les insurrections communistes en Indonésie et la révolution cubaine ou guévariste furent autant de signaux rouges qui alerterent les tenants d’un endiguement du communisme par l’Amérique.
L’Afrique, traversée par les fièvres pouvoiristes post-indépendances, génératrices de coups d’états militaires et de dictatures civiles, ne fut pas en reste. Surtout que jusqu’à la fin des années 1980, elle ne fut analysée que sous le prisme des contingences idéologiques alors prevalentes. L’effondrement de ses régimes nés de démocraties trahies est son nouvel horizon. C’est dans cette perspective que s’inscrit l’inéluctable voire imminente déchéance de Macky SALL, un homme arrivé en bout de course et réduit à faire le tour des champs. En solitaire. Regardez-le: son pouvoir est dans la rue, lui en ballade champêtre… Les dominos sont à ses trousses. Le Sénégal est à la veille d’un changement de régime: celui en place est à bout de souffle. Les foules n’en veulent plus.
Adama Gaye Le Caire 22 septembre 2020