Le troisième mandat se dessine

par pierre Dieme

Il semble clair que la question sera soumise au Conseil constitutionnel. A ce niveau, les carottes semblent déjà cuites. Toutefois, un combat attend le président dans son propre camp. Le clair-obscur entretenu par Macky n’entamera en rien les ambitions

La sortie du président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Aymérou Gningue sur les ondes de la Rfm, soutenant que juridiquement le président Macky Sall a droit à un troisième mandat, vient jeter un pavé dans la mare politique, déjà infectée de suspicions. De toute évidence, les signes avant-coureurs d’un troisième mandat se précisent de plus de plus. Toutefois, face à ce grand boulevard ouvert par un Conseil constitutionnel qui ne dit jamais non à un président, un ancien régime rattrapé par son «wax waxet» et des leaders de l’opposition comme Karim Wade et Khalifa Sall obligés de faire profil bas, le chef de l’Etat, Macky Sall, devra résoudre l’équation des ambitions présidentielles au sein de son parti et de sa coalition, l’intransigeance de la société civile sur la question, ou encore la communauté internationale qui veille au grain.

«Je ne répondrai ni par oui ni par non», avait déclaré le chef de l’Etat, Macky Sall au palais, le 31 décembre dernier, sur une question du journaliste Babacar Fall de la Rfm, concernant le troisième mandat. Cette phrase qui a suscité une vive polémique n’a fait que renforcer le flou qui entoure cette question. Aujourd’hui, la sortie du président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (Bby), Aymérou Gningue soutenant sur les ondes de la Rfm que juridiquement, le président Macky Sall a droit à un troisième mandat, vient confirmer la possibilité d’interprétation de la Constitution, comme le craignaient Me Soulèye Macodou Fall, avocat au barreau de Paris, et le professeur de droit constitutionnel Babacar Guèye.

Ces juristes avaient soutenu mordicus que, du point de vue du droit, rien ne semble s’opposer à ce que Macky Sall se présente en 2024 pour une ultime candidature à la présidentielle et qu’il fallait ajouter des dispositions transitoires pour préciser que le mandat de 7 ans fait partie du décompte.

Pourtant, le Pr Ismaïla Madior Fall s’était inscrit en faux contre cet argument qui disait, qu’à l’absence de dispositions transitoires, rien n’interdit à l’actuel président de se porter candidat en 2024. «La Constitution du Sénégal est très claire sur la question du mandat présidentiel et ne laisse place à aucune interprétation. L’article 27 de la Constitution (de 2016) dit clairement : Le président de la République est élu pour 5 ans renouvelables une fois. Donc, nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Il n’y a pas lieu d’interprétation», avait tranché le rédacteur de cette Constitution.

LE BOULEVARD DU TROISIEME MANDAT

Mais, les actes que posent présentement le chef de l’Etat et ses proches du pouvoir semblent le contredire. Entre exclusions du parti de responsables politiques et limogeages de leaders qui soutiennent l’impossibilité pour Macky Sall de briguer un troisième mandat, les choses se précisent de plus en plus. Ainsi donc, il semble clair que la question sera soumise au Conseil constitutionnel. Sauf qu’à ce niveau, les carottes seraient déjà cuites. Me Soulèye Macodou Fall avait rappelé que dans sa décision numéro 1-C-2016 du 12 février 2016, le Conseil constitutionnel avait répondu à Macky Sall, concernant la réduction de son mandat de 7 à 5 ans, dans le paragraphe 30 des motifs : «(…) le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors portée de la loi nouvelle». Ce qui voudrait dire, selon lui, que «la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la République ne peut pas s’appliquer au mandat en cours».

Concernant les «7 Sages», on se rappelle de l’épisode Me Wade, à qui ils avaient validé la troisième candidature, contre vents et marées. Parlant même de l’ancien régime, on se rappelle que Mayoro Faye, le chargé de communication du Pds, avait refusé de se prononcer sur la question au motif que le débat n’est pas encore posé au sein du parti libéral. Mais, en réalité, c’est le «wax waxet» du président Wade qui rattrape les «Libéraux», qui se trouvent dans une mauvaise posture pour décrier une quelconque troisième mandature de Macky Sall.

A cela s’ajoute le silence forcé de Khalifa Sall de Taxawu Senegaal et Karim Wade du Pds, obligés de jouer la carte de la négociation pour espérer obtenir une amnistie de la part du régime en place. Seulement, il sera inimaginable pour le régime en place de leur permettre de retrouver leurs droits civiques et politiques, avant 2024, si toutefois le troisième mandat se précisait.

LE CHOC DES AMBITIONS AURA BEL ET BIEN LIEU DANS L’APR ET/OU LA MOUVANCE PRESIDENTIELLE

Cependant, si le boulevard est ouvert au chef de l’Etat, Macky Sall, du côté du Conseil constitutionnel et de certains opposants obligés de jouer la carte de la prudence, il n’en demeure pas moins qu’un combat attend le président dans son propre camp. Une chose reste évidente, le clair-obscur voulu et entretenu par le président Sall n’entamera en rien les ambitions des uns et des autres.

Des analystes et autres observateurs, sans oublier des responsables politiques du parti au pouvoir, prêtent au ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba, à la présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Aminata Touré, au maire ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, tout comme au ministre du Pétrole et de l’Energie, Mouhamadou Makhtar Cissé, entre autres, des ambitions présidentielles. Ce qui expliquerait les attaques et autres coups bas dont font l’objet certains leaders comme Mimi Touré et Amadou Ba de la part de responsables de leur parti.

Au-delà des ambitions des «loups aux dents longues» au sein de l’Apr, dans l’optique de la conservation du pouvoir par la «Majorité présidentielle» actuelle qui voudrait se transformer en grand parti politique, il faudrait que les partis alliés acceptent que le candidat de cette coalition en 2024, sorte à nouveau des rangs de l’Apr. Quid de la communauté internationale qui était contre la troisième mandature du président Wade en 2012 ?

A ne pas négliger la force de nuisance de la société civile, même si par ailleurs, depuis quelque temps, elle peine à mobiliser les populations dans ses combats. Sur un éventuel forcing pour un troisième mandat, les enjeux seront tout autres. Les Sénégalais n’avaient pas pardonné à Me Wade son «wax waxet». Pourquoi le feront-ils cette fois-ci, surtout quand on sait qu’à de nombreuses reprises, l’actuel chef de l’Etat a répété qu’il a réglé la question des mandats au Sénégal ?

Sud Quotidien

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