Royaume du Niani, symbole du refus de la convergence éthique

par pierre Dieme

Une simple évocation de son nom suffit pour plonger plus d’un dans les annales de l’histoire du Sénégal. Cette localité, connue pour être une zone de refus, fut également un point de convergence d’une foultitude d’ethnies venues de plusieurs régions

Royaume du Niani ! Une simple évocation de ce nom suffit pour plonger plus d’un dans les annales de l’histoire du Sénégal. Cette localité, connue pour être une zone de refus, fut également un point de convergence d’une foultitude d’ethnies venues de plusieurs régions du Sénégal et de pays limitrophes.

Chantée par des musiciens traditionnalistes sénégalais de renom avant d’être reprise par la jeune génération, l’histoire de Niani continue de défier le temps plus de deux siècles après. Niani «Royaume insoumis», Niani «Terre d’accueil». Ces attributs renseignent à suffisance sur le caractère historique de cette localité qui fait partie des rares endroits n’ayant pas connu de domination coloniale. Derrière cette victoire, se cache une autre histoire qui reste une marque de fabrique pour le Niani. Il s’agit de la convergence ethnique notée dans cette localité où beaucoup de communautés se sont implantées progressivement au fil du temps.

André Sarr est historien et géographe de formation. Il assure les fonctions de proviseur du Lycée Bouna Sémou Niang de Koumpentoum. Président de la commission scientifique du Festival Pencum Niani, M. Sarr fait partie des auteurs qui ont retracé l’histoire de Niani dans les volumes publiés dans le cadre du projet de réécriture de l’Histoire générale du Sénégal (Hgs). D’après lui, le peuplement de Niani est très ancien. En illustre l’existence de vestiges comme les mégalithes de Thiékène ou de Douba qui datent de la protohistoire.

Dans l’article qu’il a rédigé avec Abdoulaye Camara, ancien directeur général de l’Ecole nationale d’administration (Ena), André Sarr soutient que les Mandingues du Niani viennent de l’empire Mandé. En effet, les deux auteurs expliquent qu’au XIIIe siècle, le Mandé était secoué par des crises, suite à la révolution menée par Soundiata Keita qui vainquit le roi de Sosso Soumangrou Kanté, à la bataille de Kirina, en 1235. Ces crises avaient été à l’origine de vastes mouvements migratoires. Toutefois, deux sources différentes renseignent sur l’itinéraire des Mandingues du Niani. La première, explique-t-il, avance que les Mandingues seraient passés par Tambacounda, puis par Koumpentoum où il y avait eu d’autres vagues migratoires. Certaines étaient parties à Kaataba et à Kouokoto (vers le fleuve Gambie), tandis que d’autres s’établissaient à Koungheul (…).

Des Mandingues originaires de Mandé

Une deuxième source enseigne que les Mandinguess du Niani, en majorité les Camara, seraient venus de l’empire Mandé, plus précisément du village de Niani qui se situe en République de Guinée, près de la frontière avec le Mali. Leur émigration était intervenue suite à un mouvement de désobéissance. Au XIVe siècle, ils quittèrent le Mandé et s’installèrent au Gaabu. Ensuite, ils traversèrent le fleuve Gambie, s’établirent successivement à Kouo, Koumbidian et Koungheul, avant que les deux frères, Kansia et Mansaly, les ancêtres des Camara du Niani, ne se séparèrent à Koungheul. L’un des frères, Kansia, fut le fondateur de Koumpentoum. S’agissant du nom, André Sarr indique que le choix n’était pas fortuit parce que les Mandingues auraient conservé le nom de leur localité d’origine.

Outre les Mandingues, d’autres communautés ont élu domicile à Niani qui a fini par devenir un véritable lieu d’attraction. Il a enregistré l’arrivée des Peuls en provenance du Boundou. «Il y a une relation historique entre ces deux communautés, qui ont cohabité de manière fraternelle. Même si certaines sources soutiennent qu’elles sont venues ensemble. Quoi qu’il en soit, Niani était devenu un terroir d’accueil», souligne l’historien. Il relève également la présence de Peuls dans le Niani, qui sont venus du Macina. Il s’agit, précise-t-il, des compagnons de Koli Tenguéla Ba qui instaura la dynastie animiste des Dénianké au Fouta (XVIe–XVIIe siècle). A ces deux ethnies, s’ajoutèrent d’autres venues du Ndoucoumane (les familles Ndao, Kobor…de Kouthia Gaidy), du Fouta (les familles Sall, Ndome de Malème Niani) et du Jolof qui s’établissent dans le Niani Kalounkadougou. Les chercheurs du «Pencum Niani» notent aussi la présence, certes récente, des Koniaguis, des Bassaris et des Sérères dans le Niani. Les activités du train qui ont commencé dans les années 1920 ont aussi contribué au peuplement avec l’arrivée des Bambaras. Au fil du temps, Niani est devenu un creuset culturel. Aujourd’hui, on dénombre une douzaine d’ethnies : Mandingues, Peuls, Wolofs, Sérères, Bambaras, Laobés, Konianguis, Dialonkés, Peuls Fouta, Maures et Diakhankés.

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