Pendant que l’on s’interroge sur l’utilisation des 750 milliards dans le cadre du Plan décennal de lutte contre les inondations, le Président de la République a annoncé, à Keur Massar, des ressources additionnelles de 30 milliards pour lancer les projets 2 et 3 du Pdli.
Cet argent va s’ajouter aux 10 milliards déjà promis dans le cadre des mesures de secours d’urgence de lutte contre les inondations. Ce qui, en gros, reviendrait à plus de 1000 milliards d’investissement pour contrer des eaux qui, à chaque fois que la pluviométrie est bonne, cause d’énormes dégâts dans les centres urbains.
Or, comme la fin des pluies n’est pas encore à l’ordre du jour, d’autres mesures d’urgence pourraient également être nécessaires. En effet, puisque personne ne peut arrêter le ciel, même le Président de la République, rien n’indique que d’autres dégâts ne vont pas survenir, nécessitant des interventions supplémentaires en termes de milliards.
Je suis toujours étonné de voir que nos dirigeants ont une très grande facilité à parler devant des populations démunies, de milliards. Nous avons en effet le sentiment très fort qu’ils nourrissent un complexe envers ce chiffre. Le milliard, c’est-à-dire mille millions, séduit nos hommes politiques. Ils sont manifestement fascinés et usent de cet outil comme instrument de gestion des affaires publiques.
Du coup, dans tous les discours devant la nation ou devant les populations, on annonce à tout bout de champ des milliards à dépenser. Les tournées économiques et surtout les conseils des ministres décentralisés sont l’occasion en général d’avancer des chiffres faramineux en termes de milliards.
Or, on ne gère pas un pays à coup d’annonces de milliards. Le revers de la médaille, c’est que chaque citoyen pense que l’argent est disponible et qu’il ne reste qu’à en profiter ou à bénéficier de leurs retombées immédiates.
Malheureusement, pour montrer que l’on travaille, que l’on est au service des populations, il faut annoncer pompeusement des milliards.
Malheureusement, c’est un couteau à double tranchant. La pauvreté des populations ne peut se régler par des annonces de milliards. Pis, en parler devant des gens qui peinent à prendre leurs petits déjeuners a quelque chose d’impudique, de maladroit.
Un phénomène qui a commencé depuis l’avènement de Me Wade dont Macky est un produit.
Le complexe du milliard existe bel et bien chez nous et nos hommes politiques le rendent contagieux.
Il me semble qu’il est davantage indiqué de décliner les projets et les réalisations visées sans pour autant parler du budget. On peut dire que les fonds sont ou seront disponibles sans autres précisions.
Imaginons un instant qu’un père de famille se mette à calculer tout le montant de la dépense quotidienne sur un an et l’annonce à tout bout de champ à sa famille.
Il suffit alors qu’un jour qu’il y ait un petit problème pour que le plus petit membre de la famille s’insurge en se demandant là où est passé l’argent de la famille.
C’est exactement la même situation pour les finances publiques. On annonce tellement de milliards que personne ne voit que, dans chaque quartier ou village, les gens se sentent souvent délaissés pensant que l’argent a été dépensé ailleurs.
Une situation à l’origine des nombreuses récriminations des uns et des autres, des brassards rouges, du blocage des routes par les populations et surtout des grèves interminables dans les secteurs comme l’enseignement et la santé.
On annonce tellement de milliards que chacun croit devoir avoir sa part et le réclame à tout-va. Et à ce rythme, nous n’allons jamais nous passer des grèves et surtout ne plus entendre des gens dire qu’ils sont prêts à mourir pour cela.
Ce qu’il nous faut alors, c’est changer de paradigme en matière de communication politique surtout quand il s’agit de hautes autorités de l’Etat.
On peut et on doit annoncer les projets, donner même des dates de réalisation sans être obligé de parler à tout bout de champ de milliards.
Assane Samb