C’est en direct sur les chaînes de télévision ivoiriennes, que Mamadou Koné, président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, a rendu publique hier, la liste définitive des candidatures retenues pour l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Ils seront finalement quatre candidats qualifiés pour s’affronter à l’élection présidentielle. Ces candidats sont Kouadio Konan Bertin, Pascal Afi Nguessan, Bédié Konan Aimé Henri et Alassane Dramane Ouattara. 40 candidatures ont été déclarées irrecevables.
Le nouveau système de parrainage par des électeurs a eu raison de la plupart des candidatures déposées. Ils sont nombreux, les prétendants au fauteuil présidentiel de Côte d’Ivoire qui n’ont pas réussi à recueillir les signatures de 1% des électeurs inscrits dans 17 régions ou districts autonomes du pays. On notera dans l’arrêt rendu par le Conseil constitutionnel, qu’il y a eu des candidatures présentant des doublons de parrainages. Dans une telle situation, l’ordre de dépôt des candidatures devant la Commission nationale électorale indépendante est pris en compte. Ainsi, les parrainages en doublons sont comptabilisés au profit des candidatures déposées en premier lieu.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins imparti un délai de 48 heures aux autres candidats ou leurs mandataires pour procéder à la régularisation ou le remplacement des parrainages annulés. Quelques grandes figures de proue de la scène politique ivoirienne se sont ainsi vu recaler pour défaut de nombre de parrainages suffisants comme Mamadou Koulibaly, Marcel Amon Tanoh et Albert Mabri Toikeuse. De nombreuses autres candidatures ont été recalées pour défaut de paiement de la caution de 50 millions de francs Cfa exigée pour toute candidature à l’élection.
Soro et Gbagbo bloqués par leur radiation des listes électorales
La candidature de Soro Guillaume Kigbafory a été refusée du fait que le nom de cet ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale a été radié des listes électorales suite à une condamnation pénale. Le même sort a frappé la candidature de l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. Il y a aussi à ajouter que le Conseil constitutionnel a excipé d’autres motifs supplémentaires pour rejeter la candidature de Laurent Gbagbo. En effet, le dossier de candidature de Laurent Gbagbo ne comporte pas une signature dûment légalisée du candidat, comme exigé par la loi électorale. La personne ayant déposé la candidature de Laurent Gbagbo n’a pas non plus pu produire une procuration que lui aurait donnée Laurent Gbagbo. Le Conseil constitutionnel a estimé que rien ne pouvait attester que la candidature déposée au nom de Laurent Gbagbo l’a dûment été au nom de l’intéressé.
Un autre motif de rejet de la candidature de Laurent Gbagbo est tiré de sa qualité de membre de droit du Conseil Constitutionnel de Côte d’Ivoire que lui confère son statut ou qualité d’ancien président de la République. La loi électorale indique que pour pouvoir se déclarer candidat à l’élection présidentielle, un membre du Conseil constitutionnel doit renoncer à cette qualité au moins six mois avant l’élection présidentielle. Laurent Gbagbo n’ayant pas renoncé à cette qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel, dans les délais impartis, ne saurait donc être candidat à l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire de cette année. Il faut dire que la candidature de Henri Konan Bédié aurait pu être menacée par cette exigence de la loi électorale. Le candidat du Pdci-Rda en était assez conscient pour parer au plus pressé. Il a en effet adressé une lettre en date du 3 juillet 2020 au Conseil constitutionnel pour déclarer renoncer à sa qualité de membre du Conseil constitutionnel.
La haute juridiction n’a pas moins estimé que cette renonciation apparaît tardive car elle devait intervenir au plus tard le 30 avril 2020. Toutefois, le Conseil constitutionnel a pu sauver la candidature de Henri Konan Bédié en se référant à une correspondance que ce dernier avait adressée au Conseil constitutionnel le 31 août 2004. Dans cette lettre qu’il a pu oublier avoir déjà adressée au Conseil constitutionnel, Henri Konan Bédié renonçait à sa qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel pour s’occuper de ses activités politiques qui lui apparaissaient incompatibles avec la qualité de membre du Conseil constitutionnel.
Pour accepter la candidature du Président Bédié, le Conseil constitutionnel a donc considéré que la lettre de renonciation en date du 3 juillet 2020 «est superfétatoire». D’ailleurs, le juge électoral a tenu à souligner que «depuis sa lettre du 31 août 2004, de renonciation à sa qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel, Henri Konan Bédié n’a participé à aucune activité du Conseil constitutionnel et ne s’est prévalu aucunement de cette qualité».
Ouattara qualifié par la nouvelle constitution
La candidature du Président sortant, Alassane Dramane Ouattara, a été contestée devant le Conseil constitutionnel par nombre de ses adversaires politiques. Mais la haute juridiction s’est appuyée sur l’adoption de la nouvelle constitution, le 8 novembre 2016, pour considérer que les deux mandats de président de la République déjà exercés par Alassane Dramane Ouattara ne sauraient être pris en compte dans le décompte de la nouvelle limitation des mandats de président de la République de Côte d’Ivoire. En effet, l’argumentaire du Conseil constitutionnel tient au fait que «la loi constitutionnelle est d’application immédiate et ne saurait être rétroactive». Il s’y ajoute que la nouvelle constitution ne comporte aucune disposition transitoire expresse qui permettrait de prendre en compte les mandats précédemment exercés.
Mieux, le Conseil constitutionnel estime que le référendum constitutionnel du 8 novembre 2016 «ne procédait pas d’une réforme de la Constitution mais consacrait plutôt une nouvelle constitution, créant une nouvelle république. La nouvelle constitution met donc fin à une république et impulse une troisième république, une nouvelle république comme cela avait été précisé dans l’exposé des motifs de la loi constitutionnelle». Le Conseil constitutionnel étaye son argumentaire en citant la création de nouvelles institutions comme entre autres, le poste de Vice-président de la République, le Sénat, consacrant le bicaméralisme, et la suppression de la Cour suprême pour la remplacer par d’autres juridictions. En effet, «tous ces éléments concourent d’application immédiate comme le consacre l’article 184, ce qui constitue un «nouveau départ » de la vie politique et institutionnelle».