L’ancien directeur général du FMI, DSK, détaille les mesures qui devraient être adoptées pour affronter la crise liée au coronavirus, dont la suspension de la dette institutionnelle africaine et l’utilisation des Droits de tirage spéciaux par le FMI
Rare dans les médias ces dernières années, l’ancien ministre de l’Économie et ex-cadre du Parti socialiste français a multiplié les interventions pour partager son analyse de la situation et ses recommandations, alors que la pandémie du Covid-19 plonge l’économie mondiale dans une profonde crise.
Aux commandes de l’institution internationale lors de la crise de 2008-2009, celui qui a l’oreille de plusieurs chefs d’État et aussi, selon la presse française, celle de la « Macronie », a répondu aux questions de JA.
Le président français Emmanuel Macron a appelé à une annulation massive de la dette africaine. Vous aussi ?
La démarche va dans le bon sens, c’est évident, mais annuler une dette ne se fait pas en un claquement de doigts. Ce type de procédure prend du temps. On l’a vu avec l’initiative PPTE [Pays pauvres très endettés], que j’avais moi-même en partie conduite lorsque je dirigeais le FMI. Là, on est dans l’urgence. C’est pour cela que la solution du moratoire est sans doute plus adaptée à la situation actuelle, même si cela n’empêche pas de réfléchir à la question de l’annulation.
La suspension partielle du service de la dette des pays les plus pauvres, décidée le 15 avril par les ministres des Finances du G20, vous satisfait-elle ?
Cette décision est importante ne serait-ce que parce que, ce jour-là, tout le monde était d’accord, y compris les Saoudiens. À ce titre, on peut dire que l’on a fait un pas en avant. Est-ce que cela suffit ? La réponse est non. Rien n’a été décidé par exemple en matière de droits de tirage spéciaux [DTS], alors que l’on sait que c’est un levier sur lequel on peut jouer pour aider les pays en difficulté – il avait été très utilisé, et avec beaucoup de succès, pendant la crise de 2008-2009.
Le problème, c’est que les Américains, qui sont très hostiles au multilatéralisme, y sont opposés et pourraient empêcher l’émission de nouveaux DTS. Mais on pourrait imaginer que le FMI utilise les DTS dont il dispose déjà pour aider exclusivement l’Afrique. Il s’agirait d’une distribution de DTS ciblée sur les pays qui en ont le plus besoin, particulièrement en Afrique.
Concrètement, quel est l’intérêt des DTS ?
Les DTS sont un instrument monétaire : les pays qui en bénéficient peuvent les échanger contre des devises. Ainsi, un pays qui reçoit 100 DTS peut s’adresser à la BCE [Banque centrale européenne], à la FED [la Réserve fédérale américaine] ou encore à la Bank of England et demander la conversion de ces DTS en euros, en dollars ou en livres sterling. Et les banques centrales ne peuvent pas leur dire non. C’est un moyen qui a été utilisé pendant la crise des subprimes pour fournir des liquidités à l’ensemble de la planète. Mais l’Administration américaine de l’époque était plus conciliante, tandis qu’aujourd’hui il est vraisemblable que Donald Trump refusera.