Sénégal : vague de contestations et d’inquiétudes autour du projet « Akon City »

par pierre Dieme

A peine lancé, le projet Akon City fait l’objet d’une vaque de contestations et d’inquiétudes au Sénégal. Plusieurs voix discordantes se sont levées pour demander des éclaircissements, mais aussi pour contester le caractère « nébuleux » de cette ville futuriste dont le coût est estimé à 3.300 milliards FCFA. 

Dimanche, dans une lettre rendue publique, le Forum civil a adressé au ministre du Tourisme, Alioune Sarr et au Directeur général de la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco), Alioune Sow une demande d’éclaircissements qui comporte 11 points. 

Parmi ces points soulevés par l’association dirigée par Birahim Seck, il y a le montagne financier, la propriété de l’assiette foncière sur laquelle sera bâtie la ville, les conditions de cession du foncier, les relations entre le projet et l’Etat du Sénégal, les études d’impact environnemental, social, l’ordre juridique qui sera applicable à la cité, le mode de gestion, de gouvernance et de fonctionnement de la cité, le système éducatif, etc. 

Birahim Seck et ses camarades ont estimé que dans notre pays, il n’est pas fréquent de voir un projet aussi colossal et dont la conception et la réalisation renvoient, d’après les informations dont ils disposent, à une seule personne et dont la cité et le projet portent le nom.

« Ce projet est une nébuleuse », selon l’Imam Kanté

Le premier à exprimer ses inquiétudes sur le projet est l’imam Amadou Makhtar Kanté. Par ailleurs environnementaliste, il est convaincu que le débat citoyen doit être posé pour édifier les Sénégalais. A l’en croire, lui aussi, c’est la première fois qu’on parle d’un projet immobilier de cette ampleur. 

« Déjà je ne comprends pas pourquoi personne n’en parle. Même pas vous de la presse, alors qu’il s’agit d’extirper des terres à des citoyens Sénégalais. Pour beaucoup moins que ça, tout le monde en parlait. Et ce silence des députés? », a-t-il posé. Pour lui, quand quelqu’un s’engage dans un projet aussi fabuleux alors qu’il avait précédemment promis et échoué dans ses ambitions « d’électrifier l’Afrique et de développer la riziculture au Sénégal », il y a nécessité de ne rien laisser se faire dans l’obscurité. 

des exigences de l’imam Kanté

Visiblement engagé à ne point laisser cette cité se construire dans ce contexte « nébuleux », l’Imam Kanté pose sur la table plusieurs exigences. Il a demandé que le cahier de charges soit publié. Pour lui, c’est à partir de ce cahier de charges que les populations sauront si le projet mérite que leurs terres soient données à autrui ou non. 

Mais aussi, il veut que la vérité sur l’identité des vrais investisseurs soit dite. L’Imam est d’avis que le chanteur sénégalais ne saurait se prévaloir à lui seul d’une telle fortune. « S’il y a des sociétés derrière, qu’on nous le dise et qu’on nous dise de quelles sociétés il s’agit. Nous voulons la liste de tous les investisseurs. Une telle fortune, 6 milliards de dollars (3.300 milliards FCFA) vous comprenez ce que je veux dire. » 

Par ailleurs, M. Kanté a exigé que des études environnementales et sociales soient faites afin de déterminer l’impact de ce projet sur le Sénégalais et sur son environnement ! Imam Kanté a trouvé absurde ces manquements. « Ces études doivent être faites. Au cas où elles seraient déjà faites, on doit les publier pour que les experts puissent l’apprécier. Même pour un hôtel, on est obligé de faire de telles études. »

Une ville qui risque de devenir un Etat dans l’Etat du Sénégal

Sur la question des études environnementales, l’architecte Ousseynou Faye a évoqué un océan d’inquiétudes, dans le journal « Les Echos » de ce lundi 14 septembre. De l’acquisition des terres au financement du projet, tout serait nébuleux. Ni le gouvernement encore moins le promoteur n’a fourni d’éléments probants sur les conventions qui lient les deux parties à propos de cette ville qui risque de devenir un Etat dans l’Etat du Sénégal. 

« On ne peut pas construire une ville privée dans un pays souverain », a fait remarquer d’entrée l’architecte Ousseynou Faye. Pour lui, c’est un grand bluff, avant de remettre en cause la durée des travaux 2021-2029, qui, à son avis est trop courte pour la construction d’une ville de 300.000 habitants. « C’est impossible, car construire une ville, ce n’est pas bâtir une maison », a-t-il confié à nos confrères. 

Poursuivant, l’architecte a fait savoir que pour construire une ville de cette ampleur, il faut se fonder sur un « plan directeur » pour respecter l’équilibre urbain et écologique de la zone, avant de décider de l’implantation du projet. Et ce plan directeur fait ressortir les différentes zones réservées aux parcs, aux activités industrielles, lucratives, aux habitants ect…Or, il a révélé que seule la région de Dakar dispose ce plan directeur à l’horizon 2035 d’un coût de 90 milliards FCFA. Ce qui n’est pas le cas de la région de Thiès qui abrite la ville futuriste. 

En effet, a-t-il avancé, toutes ces infrastructures réalisées en amont des bâtisses (tours et autres immeubles) représentent 45% du budget du projet. Suffisant pour contester le délai fixé par le promoteur. A l’en croire, la construction d’une ville écologique de cette nature s’étale dans le temps. Il veut pour preuve la ville de Bali en Indonésie, dont la construction a duré 30 ans. 

Ce qui fait dire à l’architecte, si le chanteur sénégalais a pour seul objectif de contribuer au développement de son pays, il doit se rapprocher des autorités pour voir dans quelle mesure intégrer le pole urbain de Diamniadio ou de Lac Rose, où les études d’opportunités et autres travaux de connexions, de voiries et de réseaux, ont déjà été effectués pour apporter sa contribution. 

Il est à noter que le projet a été lancé le 31 août dernier par la pose de la première pierre dans la commune de Mbodiène (région de Mbour, situé à 81 km à l’ouest de Dakar). Les travaux sont prévus démarrer au cours du premier trimestre de l’année 2021. Une première phase devra s’achever en 2023, et s’étendra sur 55 hectares. La deuxième phase se déroulera de 2024 à 2029, et couvrira les 500 hectares prévus pour accueillir la cité et toutes ses infrastructures

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