C’est à une intolérable, inédite, immixtion dans les affaires intérieures déréglées du Mali que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’engage en voulant imposer à la junte militaire qui y a pris le pouvoir après des mois de chienlit et révolte populaire de procéder à une transition accélérée d’une année et à la nomination d’ici moins d’une semaine de deux dirigeants civils pour la conduire.
C’est une folie. Toute la doctrine des relations internationales fondée sur la souveraineté des États est culbutée, mise sens dessus dessous.
Que ce soit le fait de dirigeants d’Etats qui ne se distinguent pas par leur propre attachement aux normes supérieures de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les pays qu’ils dirigent est en soi une insulte, le bordel, peu importe que la décision qui la porte soit sous le sceau du 57eme Sommet des Chefs d’états des 15 pays membres de la Cedeao.
Cela ne lui donne aucune légalité ni légitimité, en plus de jeter la décence au diable.
Ce qui est encore plus vicieux, c’est de voir ce regroupement anti-démocratique, composé pour l’essentiel d’individus qui maintiennent leurs genoux sur le cou de leurs nations, ne pas se contenter de menacer de leurs foudres le Mali mais entraîner dans leur dérive autocratique ce qu’ils appellent la communauté internationale.
C’est un abus de droit. Surtout qu’on sait de quelle communauté internationale ils parlent. Celle, en particulier, dirigée par Docteur Mohamed Ibn Chambas.
Son nom est connu. Vieil ami, il venait me voir naguère dans mon hôtel d’Accra au début des années 1990. Par la suite, il a pris du galon. Il a ainsi dirigé la commission de la Cedeao. Mais l’homme a mal tourné. Dans l’institution, il y a fait des exploits gravissimes, sur fond de corruption étouffée par les Nigérians et de magouilles électorales.
C’est lui qui fut au cœur du détournement des votes des Togolais, en 2005, moyennant rétributions financières, pour installer le fils de Gnassingbe après la mort de ce dernier, à la tête du pays.
Je lui ai écrit vertement pour lui dire de cesser ses micmacs, notamment son lourd silence quand les droits de l’homme sont violés sous sa gouverne. Comme ce fut le cas lors de mon illégale arrestation au Sénégal où il réside depuis son départ de la tête de la Cedeao en sa qualité d’envoyé spécial en Afrique de l’Ouest d’une corrompue et moribonde Organisation des nations unies (Onu).
Ce n’est pas surprenant qu’il n’ait trouvé mot à dire sur l’attribution d’un contrat de près de 200 milliards cfa à un cabinet immobilier naissant, Envol Immobilier, dirigé par deux pantouflards, Aminata Niane et Madina Tall, deux prototypes de la collusion entre officiels internationaux et nationaux pour vider les caisses des États africains, ici avec la bénédiction du khalife général des voleurs, Macky SALL.
Chambas n’avait pas non plus sonné l’alarme quand Binetou Djibo du Pnud, de mèche avec Souleymane Jules Diop, parrainés par le même Khalife, pillaient les milliards du programme d’urgence de développement communautaire (Pudc), aujourd’hui mort.
Dans la saga malienne, l’indolence de Chambas est d’autant plus grave qu’il se pose en garant du soutien ferme du reste de la communauté internationale aux mesures déraisonnables édictées contre un pays en État de guerre ayant besoin de souffler et de temps pour réussir une transition apaisée et maîtrisée en apprenant par ailleurs des leçons de celle de 2013 qui a produit les désordres que l’on sait…
Si on prend en compte, l’envie du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, de se faire réélire en surfant sur les malheurs de certains États, y compris en jouant les alarmistes, comme on l’a vu annoncer “nécessairement” des millions de morts en Afrique de la pandémie actuelle, on peut deviner que le Mali est devenu l’instrument du destin d’individus qui se joue loin de son sol.
N’oublions pas que les plus intéressés sont portés par des variantes internes, nationales.
Ils sont les plus cyniques. Les dirigeants Ouest africains qui poussent le Mali à une transition à la hussarde oublient sciemment ses tares.
Ils ferment les yeux sur sa fracture au Nord par une scission encouragée par la France, sur le double irrédentisme, séparatiste et religieux, qu’il subit, ou encore sur la faillite de son État, capturé par la camarilla qui le dirigeait jusqu’à sa chute.
Pour une Cedeao sans bilan, institution amortie, décrédibilisée, rejetée par les peuples, le pire est ce qu’elle vit.
Elle n’est en effet plus qu’un gadget et un terrain de jeux, espace de dérivation, pour des chefs d’états Ouest africains qui la souillent en prétextant du moindre désordre externe pour s’y poser en matamores pro-démocratiques.
Ils n’ont même pas honte d’être à une contradiction près. Dans leur propre pays, en dehors du Nigérian Buhari qui a eu l’élégance de ne pas chercher un autre mandat présidentiel, du Ghanéen Akufu-Addo et du Nigérien Mahamadou Issoufou, encadrés par des lois électorales fermes, tous ou presque les autres chefs d’états qui veulent donner des leçons au Mali sont des violeurs et voleurs de la démocratie.
Ils sont disqualifiés pour forcer le Mali a entrer dans une solution sans issue rien que pour satisfaire leurs égos et calculs.
Le droit international repose sur des États souverains. La souveraineté populaire en est une dimension fondamentale. Jusqu’à présent, la Cedeao ne bénéficie d’aucune cession de souveraineté pour imposer ses conseils et ordres malvenus.
Et le Mali qui doit certes retourner à un ordre constitutionnel normal, c’est-à-dire civil, devrait avoir le droit de le faire selon son tempo et en s’appuyant sur l’une des règles vitales de l’intégration régionale: la subsidiarité.
Les Maliens connaissent bien et mieux leur pays. Lâchez leur donc les baskets et laissez les faire en 18 ou 24 mois la transition structurée, inclusive, maîtrisée sans laquelle ils sont voués à retomber dans les mêmes dysfonctionnements à l’origine du coup de torchon du mois dernier. Sauf si vous ne cherchez qu’à le maintenir sur des braises ardentes pour vous faire une publicité à moindres frais…
Hands-off, Ecowas, laissez le Mali gérer son sort, vous n’êtes qu’une bande de tocards incapables.
Maliens, refusez d’être les dindons de cette pitoyable farce. Refusez d’être jetés dans un abattoir, refusez de vivre dans ce bordel né, hier, des délibérations d’un sommet raté, encore un, d’une organisation en désuétude.
*Adama Gaye, ancien Directeur de la Communication de la Cedeao est un diplômé de diplomatie et études internationales de l’université d’Oxford (Angleterre).
Ps: President Akufu-Addo, montre vous à la hauteur en tant que président en exercice.
Faites le au nom des pères fondateurs de la communauté dont le plus prominent est le Général Gowon, ex-President du Nigeria, avec qui, par vol special, j’ai voyagé dans le passé pour remettre le projet de traité révisé de la Cedeao à vos prédécesseurs chefs d’états. Soyez digne !
En photos avec Ibn Chambas, représentant du secrétaire général de l’ONU, ancien patron de la commission de la Cedeao, et en costume avec le président du Ghana nouveau président en exercice de la Cedeao.
Par Adama Gaye*