Il faudra apprendre à vivre avec les inondations

par pierre Dieme

Trois facteurs militent en faveur de la pérennisation de la présence d’eaux de pluie dans nos quartiers et maisons. Le premier est d’ordre naturel, c’est l’importation ou non des pluies et les deux autres sont humains : notre mode d’habitat et notre mode de gestion des affaires de la cité.

S’agissant du premier aspect, il est évident que cela dépend largement des conditions métrologiques. Cette année, il était prévu qu’il y aurait des pluies en abondance dans la zone du sahel comme l’Anacim et le Cilss l’avaient prédit. C’était le cas en 2005 après deux décennies au moins de sécheresse et en 2009 notamment. Pendant ces périodes, les sénégalais ont vécu des situations dramatiques du fait du nombre de sinistrés et de l’ampleur des dégâts.

Donc, d’une façon cyclique, il faudra s’attendre à avoir des averses importantes selon les années. Un facteur que les humains ne maitrisent guère sauf à les prévenir.

Mais ce que l’homme peut faire, c’est contrôler son mode d’habitat au niveau individuel et au niveau collectif, c’est-à-dire de l’Etat et des Communes, veiller à mettre en place de bons plans d’aménagement urbain et de les faire respecter.

Malheureusement, c’est là où le bât blesse. Et les populations sont en général aussi responsables que les autorités, du moins jusqu’à un certain niveau.

En effet, des quartiers entiers sont bâtis dans des zones dites non aedificandi, c’est-à-dire impropres à l’habitat. Durant la longue période de ce que l’on peut qualifier de sécheresse, l’exode rural massif aidant, des quartiers entiers se sont formés autour des grandes villes, en général dans des zones naguères destinées à l’agriculture ou à des activités de ce genre.

Pis, certaines zones étaient des rivières, des lacs qui, au fils du temps se sont asséchés. L’installation anarchique de populations dans des quartiers dits flottants a causé d’énormes problèmes par la suite, quand les pluies étaient de retour c’est-à-dire à partir de 2005.

Malheureusement, ces quartiers étaient tellement nombreux et les populations y ayant établi une sorte de droit acquis à être sur place, les pouvoirs publics ont laissé faire tout en tentant, à chaque fois, des solutions provisoires comme les Plans Orsec qui sont devenus récurrents.

A cela, s’est ajoutée la responsabilité des pouvoirs publics. Elles ont certes eu tort de laisser les populations s’installer d’une façon anarchique. Mais, on peut comprendre leur propension à tolérer cela au nom justement de la théorie du droit acquis et au regard des difficultés énormes à les déplacer et des conséquences qui pourraient en découdre.

Mais, là où l’Etat et ses démembrements ont failli, c’est au niveau du manque de fiabilité des plans mis en œuvre. Certes, le Président Wade avait ses solutions même si elles étaient insuffisantes. Le Plan Jaxaay a produit des résultats palpables. Mais, en général le problème des inondations à Dakar et ailleurs n’a pas été réglé avec des solutions structurelles fonctionnelles.

L’audit de 2019

La preuve, en 2012, quand Macky est arrivé au pouvoir, il a mis en place un plan décennal qui prend fin en 2022. On nous dit que ce dernier est à 84% d’exécution. Cela veut dire qu’il va s’achever sans régler le problème dont l’acuité a été mise à nu par les précipitations de cette année.

Le fait d’injecter 750 milliards dans la résolution de ce problème a été une bonne vision. Mais, de cet argent, qu’est-ce qu’on en a fait ? Une question d’autant plus pertinente que le Chef de l’Etat lui-même ne le sait pas parce qu’il sollicite un audit.

Or, l’année dernière, à la même époque, avec des inondations moins importantes, Macky avait déjà lancé l’idée de ‘’l’audit technique de tous les ouvrages d’assainissement sous le contrôle de l’Onas et d’entreprendre l’exécution d’un plan de réhabilitation des infrastructures concernées’’.

C’était les propres termes du communiqué final du Conseil des Ministres du 12 septembre 2019.

Cette année aussi, on parle d’audit. Alors, l’impression qui se dégage, c’est que nous gérons les inondations comme tout le reste. C’est-à-dire avec des slogans sans une réelle volonté de résoudre le problème. Les audits annoncés n’auront pas lieu ou si c’est le cas, les conséquences ne sont pas tirées. Et ne nous parlons pas de Commission d’enquête parlementaire parce que ce sera pire encore.

Car, l’Assemblée peut certes procéder à des enquêtes parlementaires, mais il est peu probable que celle-ci va accabler ceux qui ont pour charge la gestion de ces projets et plans.

Si les autorités veulent contrôler l’exécution d’un plan ou d’un projet, elles ont tous les outils nécessaires à cela sans devoir recourir à l’Assemblée nationale qui n’est pas, en principe, au service du Président de la République en  vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

Donc, si l’on continue à tâtonner de cette façon, que des populations violent les lois et s’installent d’une façon anarchique, nous allons, encore, être à la merci de fortes précipitations qui ne vont pas manquer. Comme quoi, il faudra apprendre à vivre avec les inondations.

Assane Samb

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