Momar Ndiongue explique le traitement médiatique du statut de l’opposition par plusieurs raisons

par pierre Dieme

L’analyste politique Momar Ndiongue explique le traitement médiatique du statut de l’opposition par plusieurs raisons. Elles sont au nombre de quatre et sont relatives, entre autres, à l’absence de loi organisant la chefferie, la pluralité des pôles et au débat tournant autour de personnes.

«Ce débat s’est imposé à la presse pour au moins quatre raisons. La première raison, c’est que c’est une question qui a toujours passionné, la question du chef de l’opposition. Ce n’est pas donc inédit, cette situation. C’est une question qui avait prévalu en 2002, sous Abdoulaye Wade. Rappelez-vous, à l’époque, la question avait donné lieu à une vive polémique entre le PS et l’AFP. A l’époque, il y’a eu les élections législatives de 2002 à l’issue desquelles le parti AFP, dirigé par Moustapha Niasse, était arrivé avec 11 députés à l’Assemblée Nationale et le Parti socialiste, dirigé par Ousmane Tanor Dieng avait récolté 10 sièges au niveau du parlement. La question s’était posée à l’époque quand Wade l’avait agité : qui de l’AFP ou du Ps devait hériter du statut du chef de l’opposition ? Au niveau de l’AFP, c’était naturel que ça devait être Moustapha Niasse, pour la bonne et simple raison qu’il avait un plus grand nombre de députés. Mais Moustapha Niasse avait eu un grand nombre de député plus que le PS parce que tout simplement il avait gagné le département de Nioro qui était son fief politique et s’était retrouvé avec deux députés de plus, finalement un député de plus que le PS.

Le total de l’ensemble des voix recueillis par le PS à l’époque dépassait l’AFP. Donc, en termes de voix, ça devait être le PS, mais en termes de sièges au niveau de l’Assemblée, ça devait être l’AFP. Ça avait créé une vive polémique et finalement Wade a laissé tomber l’affaire en disant qu’il n’allait pas être plus royaliste que le roi. Donc, ce n’est pas la première fois que le sujet passionne autant. La deuxième raison pour laquelle la presse s’intéresse à cette question, c’est que nous sommes dans une société où on est très friand de débats de personnes. Or, au-delà même du statut de l’opposition, au-delà du poste, ça pose inévitablement un débat de personne. Qui des leaders ou des tenants de l’opposition avait hérité de ce statut. Comme on est dans un pays où les débats sur des personnes passionnent beaucoup, on ne peut pas reprocher à la presse de s’intéresser à cette question. La troisième raison pour laquelle ça a passionnée, c’est que c’est une question qui n’est pas tranché par une loi.

Après le référendum de 2016, il est clair qu’il est inscrit dans la Constitution qu’on doit réfléchir sur le statut de l’opposition, laquelle opposition devrait désormais avoir un chef. Mais ceci devait être prolongé par une loi où il est clairement indiqué comment ils allaient désigner ce chef de l’opposition. Est-ce qu’il fallait passer par la voie parlementaire, c’est-à-dire est-ce que le chef de l’opposition devrait ou doit être le chef du parti qui a la majorité à l’Assemblée ? Ou est-ce que ça devait passer par la voie présidentielle et c’est-à-dire le candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle ?

Comme il n’y a pas une loi qui tranche cette question, vous comprendrez que ça suscite la controverse. Et souvent la presse est très friande des sujets qui suscitent la controverse. La quatrième raison pour laquelle la presse s’est saisie de cette affaire et en a fait ses choux gras, c’est que quand on regarde la configuration de l’opposition, on se rend compte qu’en réalité il y’a trois principaux pôles. Le premier est constitué de Idrissa Seck et tous ceux qui avaient soutenu sa candidature. Ils se sont organisés récemment pour créer une nouvelle alliance qui s’appelle la Grande Alliance. Ils regroupent le Rewmi, Bokk Guis Guis, Pur, Madické Niang, Malick Gackou. C’est un nouveau pôle qui a été créé sur la base de l’alliance qui avait accompagné et soutenu la candidature de Idrissa Seck lors de la dernière présidentielle.

A côté de ce pôle, il y’a le pôle incarné par Ousmane Sonko qui a eu à réaliser un score très honorable lors de la dernière élection présidentielle et qui s’est positionné comme quelqu’un qui est incontournable sur l’échiquier politique notamment dans l’opposition. A côté de ces deux premiers pôles, il y’a un troisième pôle constitué par le PDS qui est le dernier parti à avoir été au pouvoir, avec un leader emblématique comme Abdoulaye Wade, un parti qui renoue avec l’opposition et qui compte le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale, après l’APR et Bennoo Bokk Yaakaar. Là aussi, c’est un pôle intéressant.

A partir de ce moment-là, quand on agite la question du chef de l’opposition, vous comprendrez que ça ne peut susciter que ce débat avec beaucoup de passion. C’est pour ces quatre raisons que la presse s’est intéressée à ces questions et en a fait ses choux gras».

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