Qui disait que les voyages présidentiels étaient indispensables…

par pierre Dieme

Nos chefs d’Etat et autres officiels ont longtemps fait croire que leurs nombreux voyages sont indispensables pour le pays. Mais, le dernier semestre de 2020 a démontré le contraire.

Véritable globetrotter, son prédécesseur au pouvoir était surnommé «Télé-Tuki-Touba». Mais, une fois à la tête du pays, Macky Sall n’a pas fait moins que lui. Chaque année, il sillonne des dizaines de capitales du globe pour prendre part à des forums, sommets, cérémonies d’investiture, effectuer des voyages officiels, des voyages d’Etat, présenter des condoléances etc. Mais, depuis février 2020, la covid-19 avait décidé de l’arrêt de toutes ces pérégrinations présidentielles.

Officiellement, le chef de l’Etat et l’avion du commandement n’ont pas quitté le pays du 18 février 2020 au 14 juillet 2020. Soit, durant 5 longs mois. Un fait inédit. Car, rien que l’année dernière, qui fut pourtant celle de la présidentielle, le chef de l’Etat avait quand même voyagé à l’étranger 19 fois (Déplacements ayant fait l’objet de communiqué officiel). Aujourd’hui, lui et la «Pointe de Sarène» ne sont sortis du territoire national que deux fois durant les 5 derniers mois.

«Les vols présidentiels ont un cout»

Un bol d’air pour les ressources publiques. Expert en aviation, et ancien cadre d’Air Afrique, Al Hassan Hann explique que le cout opérationnel d’un appareil est toujours déterminé par le type de mission à effectuer: «Les vols présidentiels ont un cout. La destination de l’appareil, l’effectif embarqué, le type de fret embarqué, et la durée du séjour de l’appareil, tout est pris en compte et calculé. Sans compter le carburant, les taxes aéroportuaires et autre. C’est en fonction de cela que le budget alloué à cet effet, à la présidence de la République, est calculé. C’est ce qui se passe en France et partout.»

A cela, il faut ajouter  les frais de mission des membres de la délégation, leur prise en charge complète. Car, selon le décret n° 2004-730 du 16 juin 2004 portant réglementation des déplacements à l’étranger des agents de l’Etat, en son article 3, «les missions effectuées dans le cadre d’une délégation officielle accompagnant le Chef de l’Etat ou le Premier Ministre, donnent toujours droit à une indemnité au taux plein.» C’est donc, de bien précieuses ressources qui sont économisées.

Le traitement de l’avion de commandement

Mais, l’avion présidentielle a besoin, dans ce cas, d’un traitement particulier durant une si longue période d’inactivité. En effet, elle doit subir un traitement spécial pour qu’il ne soit pas dégradé par les éléments. Et ce procédé est appelé «stockage».

Il s’agit d’une «procédure visant à minimiser au maximum les risques de corrosion et autres», explique M. Hann. L’appareil devra subir des inspections périodiques. S’il est immobilisé à Dakar, par exemple, il sera plus ou moins agressé par l’environnement marin. «Il devra donc être soumis à un certain nombre de rinçage pour éliminer tout ce qui est sel marin et autres», explique-t-il.

«Ensuite, devront avoir lieu les opérations d’entretien courants dans la mise en marche des moteurs, et de façon dynamique avec la sollicitation de l’ensemble de la carlingue et des groupes de propulsion, c’est-à-dire. De petits vols d’entrainement et de control pour essayer de maintenir la ligne de navigabilité de l’appareil», explique le spécialiste.

Tout ceci «a un petit cout». Mais, les finances publiques souffrent moins quand l’appareil reste à quai. Surtout que l’avion présidentiel dispose de son local à l’aéroport. «Il est logé dans son hangar, il n’est pas stationné sur le tarmac, donc les couts sont bien moindres», indique M. Hann.

L’opacité des dépenses

Mais aujourd’hui, plus qu’auparavant, le problème des voyages présidentiels, c’est aussi l’opacité qui drape les dépenses. Ce qui est loin d’être le cas dans bien des  pays. En France, il suffit d’aller sur le site de la Cour des comptes pour en avoir les détails. Aux Usa, pareil: Le Government Accountability Office (Gao) rend public les dépenses en voyages de l’homme le plus «puissant» du monde.

En la matière, le Sénégal est à des années lumières de pays africains tels que le Kenya où la «Office control of The Budget» dissèque les dépenses en voyage du chef de l’Etat. En 2015, par exemple, la contrôleuse Agnes Odhiambo avait alerté ses concitoyens que les dépenses pour les voyages du président Kenyatta et des membres du gouvernement avaient cru de 6 milliards de Shillings, soit 30 milliards de Cfa.

Aujourd’hui, la covid-19 a montré que nos chefs d’Etat peuvent bel et bien rester aux côtés de leurs peuples et réduire leurs pérégrinations. La preuve, tous les sommets de la Cedeao, de l’Uemoa ou encore de l’Union africaine ont été tenus et bien assurés par visio conférence.

Même la crise Malienne a été gérée via cette technologie. Pourvu que les autorités tirent les leçons utiles de cette situation pour faire de précieuses économies. Surtout au moment où, dans le pays, des élèves étudient dans des abris provisoires, des enfants font leurs examens les pieds dans les eaux putrides des inondations, faute de plan sérieux d’assainissement etc….

Youssouf SANE 

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