Les accusations de corruption entre Yaya Amadou Dia et Ousmane Kane, qui ont poussé Me Malick Sall, à la saisine de l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj), ne font que remuer le couteau dans la plaie d’un corps d’élite malade
Tiraillements entre magistrats, gestion des grands dossiers politico-judiciaires (affaires Khalifa Sall, Karim Wade, Aïda Diongue et du verdict de l’invalidation par la Cour d’appel de Saint-Louis de l’élection d’Aïssata Tall Sall comme maire de Podor en2014), les affaires des enregistrements entre magistrats et autres avocats, voilà autant de faits qui fragilisent la magistrature sénégalaise. Ce qui laisse croire que nous avons affaire, aujourd’hui, à un grand corps malade qui a besoin de redorer son blason.
Les accusations de corruption entre le magistrat de siège Yaya Amadou Dia et le Premier président de la Cour d’appel de Kaolack, Ousmane Kane, qui ont poussé le ministre de la Justice, Me Malick Sall, à la saisine de l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj), ne font que remuer le couteau dans la plaie d’un corps d’élite malade. Depuis quelques années, la magistrature est en proie à des difficultés qui n’honorent pas la justice sénégalaise, alors que le pouvoir judiciaire devrait jouer son rôle de garant de l’application des lois de la République dans toute leur rigueur. Il est clair qu’aujourd’hui l’existence de «deux régimes de retraite» dans la magistrature en est pour beaucoup dans ce malaise qui ébranle la justice de notre pays.
Promulguée en 2017, la loi portant l’âge de la retraite du Premier président, du Procureur général et les présidents de Chambres près la Cour suprême à 68 ans, alors que tous les autres magistrats du Sénégal sont appelé à faire valoir leur droit à une pension de retraite à 65 ans, soit 3 ans de moins que les hauts magistrats, a suscité beaucoup de grincements de dents. Ce qui a fini de laisser la voie à une sorte de conflit de génération qui oppose vieux et jeunes magistrats. A ces tiraillements qui écornent l’image de la justice sénégalaise, s’ajoutent les dossiers politico-judiciaires. L’on se rappelle de l’affaire Khalifa Ababacar Sall jugé d’une célérité «extraordinaire». Ce qui laisse croire à une volonté de vouloir empêcher un candidat d’être éligible à une élection présidentielle.
A tort ou à raison ! Alors qu’il avait la possibilité de faire un rabat d’arrêt qu’on lui a refusé. Concernant l’affaire de l’ancien ministre Karim Wade, personne n’était sans savoir que la loi sur la Crei était manifestement illégale dès l’instant qu’elle ne respectait pas le double degré de juridiction et que la charge de la preuve est inversée. Ne dit-on pas qu’un acte administratif manifestement illégal n’est pas opposable ?
Parmi ces affaires qui ont éclaboussé la justice sénégalaise, ily’a également le procès d’Aida Diongue dont la sincérité du verdict rendu a fait l’objet de doutes. Le constat est donc qu’à chaque fois qu’il y a une affaire médiatico-judiciaire, la justice ne s’en est pas sortie indemne. Ce qui laisse soupçonner la prédominance et l’influence de l’Exécutif dans le fonctionnement judiciaire. Non sans rappeler l’affaire du verdit de la Cour d’appel de Saint-Louis qui avait invalidé le verdict de l’élection de Aïssata Sall à la tête de la mairie de Podor, lors des élections locales de 2014. Sur les 9 magistrats qui composaient la Cour d’appel de Saint-Louis, seuls cinq avaient siégé, les quatre choisissant de bouder l’audience pour ne pas être associés à cette décision d’invalidation de l’élection d’Aïssata Tall Sall. Cette dernière interjette appel et obtient gain de cause.
En effet, la Cour suprême a cassé le verdict de la Cour d’appel de Saint-Louis, en confirmant sa victoire. Autre dossier ayant éclaboussé le temple de Thémis, c’est l’affaire des enregistrements des magistrats et autres avocats, tout au début de la première alternance, en 2000. Aujourd’hui, n’est-il pas temps de séparer l’ivraie d’avec le bon grain pour redorer le blason de la justice sénégalaise, pan important d’une République ?