Comme beaucoup de travailleurs, la COVID-19 frappe de plein fouet les artistes alors que les salles de spectacles et autres lieux de diffusion ferment leurs portes jusqu’à nouvel ordre. Pape Diouf, lui, a décidé de faire du télétravail en pivotant vers un nouveau business : présenter des spectacles en live-streaming ou directement sur les réseaux sociaux. Habillé en chemise d’été, confortablement assis dans son fauteuil, le leader de la génération consciente nous berce dans le morceau intitulé ‘’First Lady’’ dans lequel il rend un vibrant hommage à sa « First Lady », Bébé Basse. Entretien !
Vous êtes absents de la scène, n’est-ce-pas trop pour quelqu’un qui fait partie des artistes les plus sollicités actuellement ?
Tout est à l’arrêt depuis 6 mois. La cause ? La pandémie de la Covid-19 a beaucoup impacté notre travail et depuis lors nous ne travaillons pas. Nous étions en train de préparer le show à Dakar Arena pour la fête de l’indépendance mais cette pandémie est venue tout chambouler. Quand la Covid est arrivée, nous avons été obligés de faire avec. Je pense qu’elle nous a aussi permis d’avoir une certaine stabilité car on a sorti un album nommé live confinement. Parce qu’il y avait beaucoup de stress dans les familles surtout pour celles qui se trouvaient dans la diaspora. C’est à partir de là que j’ai eu l’idée de faire un son. J’ai pris des sons comme ‘’Diaral ngama’’, ‘’Partira’’. Je les ai ressortis et les Sénégalais en ont profité. Après cela, Dieu a fait que un label qui s’appelle New African Production qui est dans la plate-forme dans laquelle je travaille et la maison de disque ‘’Universal’’ avec qui je travaille aussi, ont cumulé leurs efforts pour anticiper l’avenir de la musique. Parce qu’elle va vers le virtuel. Un artiste ne peut pas rester 6 mois sans jouer, c’est pour cela avec ce contexte de Covid, même s’il est vrai que nous n’avons pas fait d’activités, mais en virtuel nous avons fait beaucoup de festivals.
Comment égayez-vous vos fans pour combler le manque de concerts ?
La musique demande des réflexions et également des anticipations. Par chance aussi, nous avions anticipé bien avant la pandémie. Parce que notre événement phare du Sénégal devait être le 4 avril et l’inauguration de Dakar Arena. C’était nous qui devions être les premiers à entrer en scène. Nous devions le faire en streaming alors que l’on ne savait même pas que la covid-19 allait exister. Mais quand la Covid est arrivée, nous l’avons essayé avec une chaîne télé. Nous avions anticipé, mais lorsqu’on l’a fait, nous nous sommes dit que la participation financière qu’on avait faite par rapport à l’Etat, n’était pas suffisante. Après cela nous nous sommes dit, puisque le concert streaming que nous devions faire à Dakar Arena ne se fera plus et que les Sénégalais étaient stressés à cause du confinement, nous nous sommes proposés d’en faire un concert en ligne auquel on demandait un euro à chacun. Déjà ce concert était un test par rapport au logiciel utilisé et aussi un test par rapport à nous, vers un autre avenir du coté virtuel. Dieu a fait que cela a réussi, et nous avons pu acheter des masques et des denrées alimentaires que nous avons donnés aux habitants de la banlieue ainsi que dans les marchés. Quand nous avons fini, nous devions aussi faire un autre festival qui devait se tenir le 15 mai en Allemagne. Quand la Covid est venue, ils avaient déjà dégagé leurs budgets, ils ont dit alors que malgré la pandémie, ils vont quand même faire le concert, mais en virtuel, pas en live. C’était mon premier festival durant l’été. Après cela, il y a eu le festival de la journée africaine. Cette année, le budget et la communication, ont été concentrés sur la Covid-19. On nous avait choisis, il y avait beaucoup d’artistes de la sous-région, de l’Afrique de l’ouest, de l’Afrique de l’Est et Dieu avait fait que je sois le seul choisi ici au Sénégal pour que je chante dans le morceau de la Covid. Je l’ai fait. Je dois aussi faire un featuring avec d’autres chanteurs africains. Nous l’avons également fait avec l’Union africaine. Le 25 mai, j’avais fait un autre streaming avec une autre chaîne télé et avec Universal. Donc vous voyez, durant tout le mois de mai nous étions en train de jouer. Pendant le mois d’août, nous avions une victoire ‘’Raya’’ que l’ONG Global Smic avait organisée, j’ai été nommé comme ambassadeur de bonne volonté et j’avais animé un concert en streaming que nous avions fait avec global smic japon, mais c’était un concert virtuel. Après le concert du 9 août, le 27 aussi nous serons avec New africain production et de DreamsTage pour un autre concert. D’ailleurs avec mon équipe nous y travaillons. Nous sommes en train de le préparer pour que les sénégalais qui sont ici et ceux de la diaspora puissent me supporter, parce que je suis le seul africain qui a été choisi dans ces festivals et ces concerts. Et ce sera une large victoire pour le Sénégal, parce que là où je serai, je représenterai le drapeau sénégalais.
Vous aviez l’habitude de faire des shows au niveau de Dakar Arena. Quelle est la cause de cet arrêt ?
C’est normal qu’il n’y ait plus de show à Dakar Arena, vu le contexte tout ce qui est rassemblement est interdit. Nous ne pouvons pas nous permettre de rassembler 2000 personnes dans une salle. Depuis le mois de Février, mon équipe et moi (Génération Consciente) nous avons tout arrêté.
Vous avez récemment sorti un morceau intitulé First Lady pour rendre hommage à votre femme. Pourquoi ce choix de titre ?
« First lady » a été bien apprécié des Sénégalais, je sais que chacun pourra chanter cela pour sa femme (rire). Au Sénégal, les femmes savent comment s’occuper de leurs foyers et accordent beaucoup d’importance à leurs ménages d’où j’ai écrit cette chanson et je l’ai adressée à ma femme et à toutes les femmes du monde entier de la part de leurs époux. Rien n’est plus beau qu’un couple soudé ; une relation n’est pas facile à gérer. Il arrive des moments où c’est tellement compliqué, qu’on a du mal à gérer et des moments où tout est rose. Et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit First Lady et je l’ai dédié à ma femme pour son anniversaire.
Racontez-nous votre traversée du désert dans la musique ?
Oui bien sûr ! Chacun a son passé. Le mien était très difficile d’ailleurs mais je me suis battu dur pour en arriver là. C’est ce que l’on appelle « from zéro », partir de rien. J’ai fait du « khosslou ». Je me suis battu et Dieu a fait que les choses en soient arrivées là aujourd’hui et je Lui rends grâce à Lui et à ma famille qui m’a soutenu jusqu’à présent. Vous n’avez pas idée à quel point mes débuts étaient difficiles : j’ai dormi dans la rue, j’ai marché des centaines de kilomètres, j’ai marché sous la pluie et tout ça par amour pour la musique. Je pense avoir subi tout ce que doit subir un artiste qui réussit dans la musique voir même plus. Les sénégalais en sont témoins. Je l’ai fait savoir à plusieurs reprises. A vrai dire ce n’est pas une honte pour moi d’en parler bien au contraire, c’est une force, car cela me permet à chaque fois de me rappeler que je viens de très loin mais aussi que je suis parti de rien. En parler me fait aussi du bien, cela permettra à mes autres « frères » qui veulent faire carrière dans la musique ou qui sont derrière moi, de savoir qu’il ne faut jamais se décourager et que le chemin de la réussite est parsemé d’embûches.
« Ce geste de Mbagnick Diop qui m’a beaucoup marqué »
Vous aviez fait un son avec l’artiste congolais Fally Ipupa. Comment s’est faite la collaboration ?
Fally est comme un frère pour moi, d’ailleurs j’ai beaucoup de respect pour lui. Ce qui nous a rapprochés, c’est le disque que nous avons fait ensemble avec Universal. Mais bien avant cela, je suivais sa musique et du coup quand je lui ai fait part du projet de chanter avec lui, il a tout simplement accepté.
Au-delà de la musique, quels sont vos projets ?
Oui bien sûr ! J’ai d’autres projets mais pour l’heure, je travaille dans l’ombre. Les gens me connaissent à travers la musique et c’est grâce à cette dernière que j’ai tout ce que j’ai aujourd’hui. C’est le métier de musicien que j’ai le plus valorisé; quant aux autres, je préfère les garder et que ça ne se sache pas.
Pouvez-vous nous raconter une anecdote qui vous a le plus marqué ?
Des anecdotes j’en ai beaucoup ! Cette anecdote a un rapport avec ma préparation pour le Bercy. D’ailleurs c’est l’un des points les plus sensibles de ma carrière. Un jour je me préparais pour me rendre à Bercy (Paris) et je le faisais aveuglement, disons que j’étais plus envahit par la passion et la fougue. Mais ce que je devais faire derrière, c’est-à-dire le plus important n’était pas en place. Et Mbagnick Diop (Président du MEDS) m’a soutenu, il a pris l’avion, il s’est déplacé et est venu voir mon spectacle et ça c’est une chose que je ne suis pas prêt d’oublier. Quand je l’ai vu, j’avais vraiment besoin de lui. Ce geste m’a beaucoup marqué et à vrai dire Mbagnick Diop est une référence pour moi. Il est parti de rien comme moi.
ANNA THIAW (Stagiaire)