Selon un témoignage exclusif obtenu par Amnesty International, à Abidjan, des policiers ont apparemment permis à des groupes d’hommes, qui étaient pour certains armés de machettes et de gros bâtons, d’attaquer des manifestant·e·s qui protestaient contre la décision du président Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat.
Dans un entretien exceptionnel, un policier qui était de service le 13 août dans le quartier de Yopougon, à Abidjan, a déclaré à Amnesty International avoir entendu avec inquiétude ses collègues raconter que la semaine dernière des hommes armés avaient « aidé » la police à disperser des protestataires. Deux minibus (gbakas) transportant des dizaines de jeunes hommes, dont certains étaient armés, sont arrivés à deux endroits du mouvement de protestation où le policier se trouvait. À l’un de ces endroits, deux hommes montés sur une moto escortant les gbakas se sont approchés du policier dirigeant les opérations et après une brève conversation, le groupe de jeunes hommes s’est mis, sans être inquiété, à chasser et à disperser les protestataires dans le quartier.
La source policière a indiqué que peu après l’arrivée du groupe d’hommes dans le quartier, un manifestant est apparu avec des blessures par arme blanche et a dit qu’il avait été attaqué par des hommes à moto.
Le policier a déclaré : « On nous a envoyés dans un secteur du quartier de Yopougon où nous avons trouvé des barricades et quelques jeunes gens qui scandaient des slogans contre le troisième mandat. Ils n’étaient pas armés. Nous ne sommes pas intervenus parce qu’il n’y avait pas assez de policiers. Alors que nous tentions de dégager les routes, deux gbakas, un vert et un jaune, remplis de jeunes hommes, et une moto sont arrivés. Des dizaines d’hommes, dont certains étaient armés de machettes et de gros bâtons, sont sortis des véhicules. Ils étaient plus nombreux que les manifestants. Les deux hommes sur la moto se sont approchés de notre chef et ensuite le groupe d’hommes est entré dans le quartier et a commencé à chasser les manifestants. »
Dans plusieurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux on peut voir des hommes armés sortir d’un gbaka vert, et se mettre à chasser les manifestants sous les yeux des policiers qui ont regardé passivement, sans intervenir.
Le policier a dit à Amnesty International avoir entendu d’autres policiers dire que des hommes armés avaient « aidé » la police à disperser des manifestants dans d’autres quartiers d’Abidjan. « Nous avons été choqués quand nous avons compris que leur présence n’était pas fortuite. Quelqu’un les a apparemment informés des secteurs où les forces de sécurité intervenaient. C’est une initiative très dangereuse et je suis vraiment inquiet. Cela me rappelle deux crises qui ont eu lieu dans le passé, pendant lesquelles des milices ont semé la terreur au sein de la population », a-t-il déclaré.