Cinq ans après les faits, « Le Témoin » quotidien est en mesure de vous révéler toute la vérité sur l’affaire Thione Seck. Ce, suite à la condamnation du leader du Raam-Daan devant le tribunal correctionnel de Dakar à trois ans de prison dont huit mois ferme pour détention de faux billets et tentative de mise en circulation de signes monétaires contrefaits. Contrairement aux sommes colossales avancées à l’époque — on avait parlé de 50 à 100 milliards de francs en faux billets ! —, Thione Seck ne détenait en réalité que deux faux billets de 200 euros (130.000 francs CFA). Tout le reste n’était que du toc c’est-à-dire du…papier de bureau. Connu pour sa rigueur, l’intraitable juge Ousmane Chimère Diouf ne pouvait faire autre que de le condamner sur la base des faits. Une condamnation qualifiée de « légère » par certains détracteurs qui réclamaient la « peine de mort » pour l’artiste-chanteur Thione Seck. Lequel a été plus victime qu’autre chose dans cette affaire fortement médiatisée qui lui a valu de passer huit longs mois en prison…
Courant Juin 2020, la première chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Dakar dirigée par le président Ousmane Chimére Diouf requalifie les faits de cette rocambolesque affaire de faux monnayage en tentative de mise en circulation, détention de signes monétaires contrefaits et association de malfaiteurs. Ainsi, le leader du Raam Daan, Thione Ballago Seck, est condamné à 03 ans de prison dont 08 mois ferme d’emprisonnement qu’il avait déjà purgés en détention préventive. Son co-accusé, l’imprimeur-faussaire Ablaye Djitéye, écope, lui, de 05 ans de prison ferme assortis d’un mandat d’arrêt. N’eut été la tenue de ce procès et, surtout, les décisions du juge Ousmane Chimère Diouf motivées par des faits constants, la vérité n’aurait sans doute jamais éclaté dans cette affaire !
Pourtant, le collectif des avocats de Thione Seck dirigé par Me Ousmane Seye n’avait jamais voulu aller en procès devant la Cour d’appel de Dakar. D’où les multiples batailles de procédure que la défense avait engagées, notamment la demande de sursis à statuer c’est-à-dire l’annulation du procès verbal d’enquête préliminaire de la gendarmerie dans l’attente que de nouveaux éléments se produisent. Encore, encore, les avocats de Thione Seck s’étaient surtout focalisés sur l’article 5 du règlement de l’Uemoa sur lequel le juge en première instance Magatte Diop s’était fondé pour déclarer « nulle et de nullité absolue » l’ensemble de la procédure. En conséquence de quoi, il relaxait Thione Seck et ses co-accusés. Le président Ousmane Chimère Diouf de la première chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Dakar, lui, avait juré qu’il pleuve ou qu’il « covide », Thione Seck serait jugé de manière juste et équitable.
Cette décision de tenir coûte que coûte un tel procès intervenait après plusieurs renvois demandés par les avocats de défense qui soulevaient tellement d’exceptions que le procureur général avait fini par les qualifier de « dilatoire ». Et persisté et signé que les faits reprochés à Thione Seck et consorts n’ont jamais perdu leur caractère délictueux. Par conséquent, estimait le maître des poursuites, la présence ou non d’un avocat à l’enquête préliminaire ne pouvait nullement constituer une cause d’extinction de l’action publique. « En parcourant les procès-verbaux, les enquêteurs de la Section de Recherches de la gendarmerie ont mentionné l’absence d’un conseil qui devait assister les prévenus au moment de leur interpellation » avait tenu à rappeler le président Ousmane Chimére Diouf en pleine bataille de procédures engagée par la défense.
En tout cas, compte tenu des nombreuses sorties médiatiques de Me Ousmane Sèye, l’on était tenté de croire que le très médiatique avocat ne voulait pas que son client soit jugé. En fait c’est comme s’il était convaincu que son client allait être condamné, ne serait ce que pour le délit de détention de faux billets se fût-il agi de deux fausses coupures de 100 euros chacune. Justement, lorsque cette affaire Thione Seck avait éclaté, des sommes colossales et des chiffres démesurés avaient été annoncées. Par bonne foi, par euphorie, par sensation, par mégarde ou par manipulation ? Toujours est-il que pour les uns, la saisie s’élèverait à 50 milliards voire 80 milliards Cfa de faux billets ; les autres parlaient même de 100 milliards cfa. Evidemment dans cette surenchère de milliards à vous couper le souffle, votre quotidien « Le Témoin » n’était pas en reste ! Nous battons notre coulpe et présentons nos excuses les plus plates à Thione pour nous être laissé entraîner dans cette surenchère voire ce lynchage médiatique.
Deux faux billets par la fenêtre !
Cinq ans après les faits, la vérité a fini par éclater ! Que s’était-il passé le jour des faits ? Lorsque les gendarmes ont fait irruption dans son domicile à Ouest-foire pour effectuer une perquisition surprise, Thione Seck s’est levé de son fauteuil pour aller s’asseoir sur un sac de voyage placé dans un coin du salon. Sommé avec insistance de se lever du sac, Thione Seck a fini par obtempérer. L’ouverture du sac a permis de découvrir 43 paquets emballés avec un papier transparent laissant entrevoir un billet de 100 euros. Apparemment, le vrai billet de 100 euros placé au dessus de chaque paquet n’était qu’une couverture d’appât car tout le reste n’était que du toc voir du papier…de bureau.
Des papiers blancs coupés aux mêmes dimensions que les vrais billets de banque. Donc jusque-là, aucun faux billet n’a été trouvé sur les lieux. Alors qu’ils poursuivaient leur perquisition, les gendarmes ont constaté que Thione Seck tentait de se débarrasser de deux billets qu’il avait dans sa poche en essayant de les jeter par la fenêtre. Vérification faite, ces deux billets étaient faux. Rien que pour ces deux coupures, Thione Seck était pris en flagrant délit de détention de faux billets par les gendarmes. Les faits étaient constants ! Dans la même foulée, les gendarmes ont saisi des numéraires d’un montant de 27 millions cfa et 6 millions cfa en bonnes devises étrangères. Faisant d’une pierre deux coups, les gendarmes effectuent une descente chez Alaye Djitéye précisément dans son appartement loué au quartier Front de Terre à Dakar.
Sur place, ils ont découvert un véritable laboratoire de contrefaçon de faux billets de banque. Outre la saisie de 8.400.000 cfa et 2.000 euros en devises authentiques, ils ont saisi un important lot de faux billets en euros et en dollars ainsi que des coupons de papier vert, des imprimantes, des scanners etc. Ils ont aussi mis la main sur des liquides servant à la fabrication et au lavage de faux billets. En effet, contrairement à ce qui s’était passé chez le père du chanteur Wally Seck, les gendarmes ont fait une bien meilleure pêche chez l’imprimeur-faussaire Ablaye Djité. Encore une fois, ils y ont saisi un montant de 150 millions cfa de faux billets et des papiers verts destinés à la contrefaçon. Et non chez Thione Seck comme il l’a toujours nié durant tout le long procès.
Une collusion coupable…
Et pour motiver la condamnation pour le délit d’association de malfaiteurs, le président Ousmane Chimére Diouf s’est fondé sur l’exploitation de leurs téléphones portables pour pouvoir constater que le numéro de Thione Seck est bel et bien enregistré dans le répertoire d’Ablaye Djitéye sous le code « xtbs ». Mieux aussi bien devant les enquêteurs que devant le juge d’instruction et le juge de fond, Thione et Djitéye ont reconnu qu’ils échangeaient téléphoniquement et se retrouvaient régulièrement. Malgré cette collusion physique, Thione Seck n’a jamais voulu entendre l’expression « association de malfaiteurs » en déclarant avoir rencontré fortuitement Ablaye Djitéye qui était en état d’ébriété à la station « Elton » Front de Terre et qui ne lui a jamais rien remis. Quant à Abou Shérif Sakho, il était un simple mélomane et client de sa boite de nuit « Penc-Mi » à qui il avait l’habitude de prêter de l’argent qu’il ne remboursait d’ailleurs pas.
Thione Seck a également soutenu que lorsque les gendarmes lui ont parlé de faux billets, il a aussitôt pensé au sac que lui avait remis un certain Joachim Cissé et sur lequel il est allé s’asseoir. Pour « noyer » l’encombrant sac, le leader du Raam-Daam a soutenu que Joachim Cissé lui avait proposé une série de concerts à savoir 105 prestations au total à travers l’Europe. Ce, monnayant un cachet de 120 millions euros soit 78 milliards CFA ! « Et l’argent contenu dans le sac, à savoir les 50 millions d’euros soit 32 millions CFA, n’était qu’une avance que je croyais constituée de vrais billets de banque. Ainsi, je n’aurais jamais imaginé que le sac contenait de simples papiers de bureau. Des étrangers m’ont escroqué et arnaqué, malheureusement la Justice de mon pays a préféré m’enfoncer dans cette histoire. Donc je suis victime ! » n’a cessé de clamer Thione Ballago Seck, l’auteur de « Mathiou ».
Pour montrer qu’il est triplement victime de cette bande, Thione a aussi déclaré que Joachim Cissé est revenu lui emprunter la somme de 85 millions de francs qu’il lui a remise la veille de son arrestation. « Donc si je parviens à prêter à quelqu’un une somme de 85 millions cfa sur la base d’aucune garantie, c’est parque j’étais victime de pratiques mystiques » avait soutenu le chanteur pour tenter de se tirer d’affaire.
Quelle tentative !
Il est vrai que dans cette affaire, les gendarmes ont fait un excellent travail d’investigations. Compte tenu de la façon dont ils ont mené l’opération et démantelé cette bande de faussaires, tout laisse croire qu’ils avaient un très bon réseau de renseignements sur les moindres faits et gestes entre Thione Seck et ses « clients » de Penc-Mi. Le seul hic, c’est qu’ils ont anticipé l’opération pour avoir donné l’assaut au moment où Ablaye Djitéye et ses ouvriers s’apprêtaient à laver l’importante quantité des billets verts.
Selon certains enquêteurs, sans doute jaloux du succès de leurs rivaux en bleu, si les gendarmes avaient patienté quelques heures ou jours, ils auraient pu saisir un « conteneur » de faux billets compte tenu de lamasse incroyable de billets verts, papiers blancs et noirs découverts aussi bien chez Thione Seck que chez Djitéye. Faute d’avoir prix les faux monnayeurs sur le fait, seule le « tentative » de fabrication et de mise en circulation de faux billets pouvait leur être reprochée. Car il y avait eu incontestablement un commencement d’exécution finalement suspendu par la descente des gendarmes à Ouest-Foire.
Comme quoi, des circonstances extérieures indépendantes de la volonté des auteurs ont pu gripper les machines ou imprimeries devant fabriquer l’importante quantité de faux billets. C’est pour cela que la Cour d’Appel a requalifié les faits en tentative de mise en circulation, détention de signes monétaires contrefaits et association de malfaiteurs. Donc Thione Seck a été condamné sur la base des faits. Ce, comme la plupart des Sénégalais lambda traduits tous les jours devant les juridictions nationales pour les délits ci-dessus. Souvent, ils sont condamnés entre 01 mois et 06 mois de prison en général. Thione Seck et ses deux « petits » faux billets qu’il avait dans sa poche était justement dans ce cas. Tout le reste qui a été saisi chez lui, c’est du papier bureau qui n’avait aucune valeur monétaire.
La « tentative », bien qu’elle soit un délit punissable, lui a fait bénéficier de circonstances atténuantes. D’où les 3 ans de prison dont 8 mois ferme d’emprisonnement déjà purgés en détention préventive. Malheureusement, la plupart des « clasheurs » qualifient de « légère » cette condamnation puisqu’ils auraient souhaité voir Thione Seck dans les couloirs de la mort pour…assassinat économique. Ce que les faits dans leur simplicité n’établissaient pas, hélas pour les nombreux ennemis du leader du « Raam Daan ».
Le Témoin