Moi, président de la République, j’administre un remède de cheval à ces récalcitrants porteurs sains du virus de la désobéissance. Ceux qui ont réussi le tour de passe-passe de transformer les gestes barrières en gestes d’ouverture pour la propagation de la maladie à coronavirus.
Gare à ceux qui leur parlent de masques, lavage des mains et de distanciation physique. Ils perdent leur temps en voulant, à tout prix, leur faire le dessin de la covid-19. Ces récalcitrants viennent d’une autre une planète…Rien qu’à voir leur mine …d’enfer ! Ces vil…
Pour ces extraterrestres, le coronavirus n’est que le fruit de l’imagination du toubab ou blanc qui veut, comme toujours, vivre sur le dos du nègre. Ils ont inventé la théorie du complot pour ne plus cogiter. La réflexion les fatigue, car elle les éloigne du confort douillet de l’insouciance et de l’humaine condition. Le manque d’éducation ou de socialisation ne leur permet pas d’appréhender l’altérité en termes de construction mutuelle pour une société où le vivre-ensemble devient une réalité tangible.
Ceux qui prennent alors, un peu de leur temps précieux pour faire entendre raison à ces récalcitrants, se voient insulter, calomnier, accabler de propos déshonorants pour avoir simplement attiré leur attention sur les dangers qu’ils font courir à la société toute entière.
Ils ont pris possession des rues de Dakar et de sa banlieue. Dans les marchés, les ateliers, les plages, les transports publics, etc. ils sont à visage découvert. Certains, avec un long cure-dent, ne se gênent pas de répandre des crachats par terre. D’autres, la bouche grandement ouverte, charrient des gouttelettes de salives, que des clients ou passants – qui n’ont rien demandé – vont prendre en pleine figure, en dépit des masques qu’ils portent et qui ne les protègent pas à cent pour cent de la maladie.
Et s’il arrive à un récalcitrant de «porter» un masque, sous la contrainte, c’est-à-dire par peur de représailles d’un policier, cela voudrait dire qu’il le fait par mauvaise volonté ou mauvaise foi. Mais il trouvera toujours le moyen de se singulariser, en transformant ledit masque en cache menton, bracelet (noué autour du poignet), s’il n’est pas tout bonnement logé au fond de la poche. Si par curiosité vous demandez au récalcitrant son masque, il l’exhibera. Vous comprendrez alors que pour lui, le masque se définit par son existence ou son caractère normatif et non par sa fonctionnalité.
Aucune campagne de sensibilisation ou de communication ne pourra les faire fléchir, car ils croient dur comme fer que la covid-19 n’existe pas. Ce n’est pas en explorant le champ de la raison qu’on réussira à faire changer de planète les récalcitrants, mais en leur déclarant ouvertement la guerre. Plus qu’une guerre sanitaire, il s’agit d’une guerre conventionnelle contre ces bombes humaines.
Moi, président de la République, je mets Dakar et sa banlieue, épicentre du coronavirus, en état de siège, comme Macky Sall, qui le réussit avec brio, lorsqu’il veut casser de l’opposant ou de l’activiste pour conserver son pouvoir.
Moi, président de la République, je poste partout des policiers, gendarmes et ASP pour s’assurer que la loi est respectée dans les lieux publics. Que les contrevenants ne comptent sur l’intercession de quelqu’un pour se tirer d’affaire. Les dégâts collatéraux font partie de la guerre, fut-elle chirurgicale. Clin d’œil amusé aux défenseurs des droits de l’homme !
Moi, président de la République, pour faire face au péril national, je demande le concours de l’armée aux fins de faire régner la discipline. J’intime l’ordre au ministre des sports d’ouvrir les stades pour y faciliter le séjour des récalcitrants qui vont ainsi se familiariser avec l’ambiance des camps d’instruction militaire.
Moi, président de la République, je sollicite l’aide des volontaires dans les quartiers pour rappeler à l’ordre celles et ceux qui ont délibérément choisi de se marginaliser.
Moi, président de la République, je mets des forces de l’ordre en civil et des volontaires dans tous les bus, minibus, «cars rapides », «cars ndiaga-ndiaye», et «taxis clandos» pour vérifier si les passagers ont porté correctement leur masque.
Nous sommes en guerre ! Cette fois-ci, ce n’est pas une figure de style. A situation exceptionnelle, un président « anormal » pour sauver son peuple en créant, par des mesures fortes, les conditions de santé, de paix et de sécurité.
Bacary Domingo Mané