L’illusion de la chloroquine

par pierre Dieme

Avec le nouveau profil de malades qui arrivent tardivement à l’hôpital, il se pose la question de savoir que vaut encore le traitement à base d’hydroxychloroquine ? Pendant que les défenseurs de la molécule promue par Didier Raoult s’emmurent dans le silence, certains estiment que ce traitement devient caduc avec la nouvelle stratégie du gouvernement axé sur le dépistage limité aux cas symptomatiques.

Le miracle n’a pas eu lieu. Après plus de cinq mois d’utilisation de la chloroquine, l’équipe de prise en charge des patients atteints de Covid-9 n’a toujours pas démontré l’efficacité de ladite molécule contre l’infection au Sars-CoV-2. La chloroquine empêche-t-elle de mourir ou bien d’évoluer vers l’aggravation ? Il est toujours impossible de répondre avec des preuves scientifiques irréfutables. Malgré son utilisation, le Sénégal reste l’un des pays africains où le coronavirus fait le plus de ravage. Hier encore, les chiffres faisaient état de 11 380 cas, dont 49 cas graves et 238 décès, soit un taux de létalité de plus de 2 %.

De plus, c’est à se demander si le médicament tant vanté n’a pas atteint ses limites. En plus de la courbe des décès qui ne cesse de croitre, certaines sources signalaient récemment à ‘’EnQuête’’ des durées d’hospitalisation relativement longues. Dernièrement, une source médicale soufflait que la durée moyenne d’hospitalisation serait de 15 jours. Nous sommes ainsi loin des 10 jours annoncés par le Pr. Seydi au mois de mai, au cœur de la controverse autour de la molécule promue par l’infectiologue français Didier Raoult. A sa décharge, ce dernier avait prévenu que son traitement était à prendre précocement.

Sauf qu’au Sénégal, les patients sont de plus en plus détectés tardivement, de l’avis même des personnels soignants. Beaucoup de malades, relèvent les autorités sanitaires, arrivent tardivement dans les structures de prise en charge. Aussi, avec la nouvelle stratégie de dépistage, il se pose la question de la pertinence même du traitement à base d’hydroxychloroquine.

‘’Les résultats ont montré que si le traitement est utilisé tardivement, ça peut ne pas être efficace. Il faut donc l’utiliser de façon précoce. Quand le malade commence à développer certains symptômes, on peut toujours le prendre, mais ce n’est pas l’idéal. C’est-à-dire, avec la stratégie actuelle du MSAS, c’est devenu caduc. Il faut revenir à la stratégie initiale qui permettait de tester même les asymptomatiques’’. Selon lui, la meilleure stratégie est de détecter très tôt les malades et de leur appliquer le traitement.

Dans tous les cas, ces derniers temps, les plus fervents défenseurs de la chloroquine se sont emmurés dans un silence de mort. Malgré les attaques qui continuent de pleuvoir de partout. A la suite de la fameuse étude du magazine ‘’The Lancet’’, plusieurs autres ont été menées à travers le monde. La plupart sont parvenues à la même conclusion : la chloroquine n’a aucune forme d’efficacité. Les durées d’hospitalisation, selon ces enquêtes, ne diminuent pas pour les patients traités à base de cette molécule.

En France, deux études publiées le 22 juillet dans ‘’Nature’’, assénaient déjà un coup fatal au traitement cher à Didier Raoult et ses affidés. ‘’Une étude in vitro montre que ni la chloroquine ni l’hydroxychloroquine n’inhibent la réplication du SARS-CoV-2. Contrairement aux résultats préliminaires qui suggéraient une inhibition dans des cellules rénales de singes Véro, les résultats des équipes françaises montrent que ces molécules n’inhibent pas le SARS-CoV-2 au sein des cellules pulmonaires humaines’’, rapporte ‘’futura-sciences’’.  

Chez les membres du Comité national de gestion de l’épidémie, on préfère plutôt faire le mort. Personne n’a souhaité apporté des clarifications aux préoccupations des populations. Dans tous les cas, souligne cet infectiologue qui ne souhaite pas en rajouter à la polémique, le débat est tranché depuis longtemps. ‘’Un traitement, soit il est efficace, soit il ne l’est pas du tout. Depuis le début, personne n’a pu démontrer par des preuves scientifiques robustes que la chloroquine a une quelconque efficacité contre la Covid-19’’.

Au tout début de la polémique, alors que le monde s’enflammait pour le médicament-miracle, le professeur Daouda Ndiaye demandait de faire attention. ‘’Il faut faire très attention à ce genre de message, car nous sommes des scientifiques et nous contrôlons toutes ces informations. Nous devons rester scientifiques à tous égards, si on veut efficacement éteindre cette épidémie’’, alertait-il, en réaction à une vidéo virale du professeur marseillais, parlant de fin de partie.

Aujourd’hui encore, la partie est loin de connaitre son épilogue. Le débat qui semble un peu rangé aux oubliettes, c’est par rapport à l’efficacité du traitement à base de chloroquine. Jusqu’à présent, le Sénégal n’a pu aller au-delà des résultats préliminaires qui ont été fournis.  

MOR AMAR

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