Au début du 21e siècle, l’Afrique subsaharienne continuait d’être confrontée à plusieurs défis graves, la pauvreté rurale et les taux élevés de chômage urbain. Les revenus par habitant n’ont augmenté que de manière marginale depuis les années 1960, lorsque la plupart des pays africains sont devenus indépendants, et le taux de croissance du PIB risque de ralentir, ce qui laisse supposer que les revenus n’augmenteront pas de sitôt.
Dans l’ensemble, les économies africaines ont connu une croissance moyenne de 3,2 % de 1961 à 2002, juste au-dessus du taux de croissance démographique de 2,7 %. Les raisons de la lenteur de la croissance et de la pauvreté en Afrique sont à l’origine d’analyses et de débats entre économistes. Une partie du débat est centrée sur la mesure dans laquelle la croissance lente résulte de facteurs qui échappent largement au contrôle de l’Afrique, en particulier les tendances de l’économie mondiale, les réalités géographiques et les charges particulières imposées par l’histoire de l’Afrique ou des politiques adoptées par les gouvernements africains après l’indépendance. Un autre débat porte sur la mesure dans laquelle les politiques et recommandations politiques des principaux bailleurs de fonds, y compris les institutions financières internationales, pourraient aider ou entraver le développement de l’Afrique. Doit-on dans ce cas blâmer le fardeau historique, l’échec du leadership et ou la dette ?
Fardeau historique
On ne peut pas l’utiliser comme excuse, mais on ne peut pas non plus négliger la traite des esclaves qui dure depuis plus de 400 ans, comme pouvant être inscrit dans le contexte des difficultés économiques de l’Afrique. Plus de 11 millions ont traversé l’Atlantique tandis que des millions d’autres ont été acheminés vers le Moyen-Orient et ailleurs. Cette traite des esclaves a eu un impact négatif très significatif sur le développement du continent. Si les colons ont apporté les infrastructures et « l’éducation » en Afrique, il n’y a cependant aucune étude réalisée pour évaluer son impact. On peut dire avec certitude que la traite des esclaves a laissé l’Afrique avec des revenus très bas et des taux d’épargne très bas, une sorte de piège de la pauvreté, dont nous avons du mal à sortir. Nous devons aussi noter que les coloniaux avaient des budgets limités en Afrique et lorsque la gouvernance fut transférée aux Africains, ces derniers n’avaient pas trop le choix que de se soumettre à la demande des élites européennes dans le but de pouvoir jouir de l’aide au développement. Quand les coloniaux ont mis en place les infrastructures de transport, l’accent a été mis pour la facilitation de l’exportation des produits vers la mer, au lieu de promouvoir le développement économique et l’intégration des régions et sous-régions.
Echec du leadership
Le problème de l’Afrique peut être dû aussi à sa gouvernance, qui n’est ni sobre ni vertueuse. On note une perte progressive de la capacité de l’Etat et aux yeux des citoyens, il n’y a pas d’Etat, mais juste un ensemble d’institutions. La fonction publique est caractérisée par un absentéisme omniprésent, une corruption endémique, et surtout une politisation généralisée. Les postes peu qualifiés ont tendance à être surdimensionnés et le travail d’un fonctionnaire devient le travail de plusieurs fonctionnaires. Les dirigeants ne comptent pas sur les impôts perçus, mais dépendent plutôt des taxes sur les exportations de produits de base et de l’aide étrangère ; cela est la raison pour laquelle ils ne sont pas connectés à leur population et n’ont pas besoin de répondre aux besoins de cette population en matière de développement économique. Il faut aussi noter qu’il y a un échec du leadership, car la plupart de nos dirigeants n’ont fait qu’ériger des infrastructures sans retour sur investissement et aucun d’entre eux n’a su sortir son pays de la pauvreté. Ils n’ont qu’une seule obsession qui est de rester au pouvoir. Rester au pouvoir dans le but de détourner les fonds publics qu’ils vont réinvestir dans les économies européennes. Serait-il moins grave si l’argent volé était réinvesti dans leur propre pays ?
Effet boule de neige
La dette publique moyenne en Afrique subsaharienne est estimée à un peu moins de 60 % du PIB. Au Sénégal, on a remarqué que la dette a accru entre 4 % et 5 % par année alors que le taux de croissance se situait entre 6 % et 7 % prouvant que la dette était soutenable. Cependant, le service de la dette a augmenté de 24 % à 30 % entre 2014 et 2017 et absorbe la majorité de nos recettes fiscales. Cela montre que nous supportons un lourd fardeau de dette extérieure, mesurée par rapport à la capacité de remboursement.
Trente-deux des 38 pays considérés par la Banque mondiale et le FMI comme fortement endettés se trouvent dans la région subsaharienne et sont généralement confrontés à des dettes extérieures qui approchent ou même dépassent leur PIB annuel. Plusieurs efforts ont été faits pour réduire l’encours de la dette de l’Afrique au fil des ans et, en 1996, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont lancé l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) pour accroître l’allégement de la dette. L’Initiative PPTE comprend l’allégement de la dette par les créanciers bilatéraux et commerciaux, ainsi que par les organismes multilatéraux, qui utilisent un fonds fiduciaire spécial PPTE pour acheter et rembourser la dette. L’objectif est de ramener la dette à un niveau considéré comme « soutenable » par la Banque mondiale et le FMI. Une dette soutenable est principalement une dette qui représente 150 % ou moins des recettes d’exportation annuelles – à ce niveau, un pays est considéré comme capable d’effectuer ses paiements annuels du service de la dette. En mars 2004. 23 pays africains participaient à cette initiative, bien que plusieurs pays avec des dettes importantes, comme le Nigeria et la Côte d’Ivoire, ne faisaient pas partie du programme.
Seize pays d’Afrique subsaharienne sont classés comme présentant un risque élevé de surendettement ou en situation de surendettement. Les 19 autres à faible revenu et les pays en développement ont une dette faible à modérée. Pour les revenus moyens et supérieurs pays, la dette publique reste soutenable sous la ligne de base dans la plupart des cas. Cependant, les ratios d’endettement sont proches ou dépassent les seuils de risque dans quelques pays.
Il faut noter que la nécessité de rembourser les dettes avec des remboursements en devises fortes tirés des exportations a enlevé des ressources que les gouvernements africains auraient pu consacrer aux investissements sociaux dans la santé et l’éducation et au développement économique. Selon la Banque mondiale, les pays subsahariens ont payé près de 12 milliards de dollars au titre du service de la dette extérieure sur les prêts à long terme et les crédits du FMI en 2002. C’est pourquoi la crise était inévitable.
Le gouvernement français et les entreprises françaises interviennent de manière centrale dans le financement de la politique d’investissement de chaque président sénégalais. Les entreprises françaises sont engagées dans des projets en partenariat public-privé, le gouvernement français fournit directement du financement notamment à travers ses institutions propres (comme l’Agence Française de Développement) mais également à travers les institutions européennes, le gouvernement français appuie également le gouvernement sénégalais par son jeu d’influence dans la communauté internationale et les institutions financières régionales et mondiales comme le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement. Par ce, la diplomatie et les entreprises françaises cautionnent et appuient les priorités de ce gouvernement. La dette publique du Sénégal a plus que doublée depuis l’accession au pouvoir de l’actuel président et était estimée à plus de 6 000 milliards à la fin de l’exercice 2018. Cette dette est de plus de 9 000 milliards en 2020. Par comparaison, entre 2000 et 2011 la dette publique du Sénégal n’a augmenté que de 11 %. Les populations, ne risquent-elles pas de rejeter ces dettes comme des « dettes odieuses » sans bénéfices dans leur vie de tous les jours ?
Enfin Nelson Mandela disait : On m’a souvent demandé « Qui est votre héros ?» et je réponds : je ne choisis pas mon héros en fonction de la position qu’il occupe. Mes héros sont ces hommes et ces femmes qui se sont impliqués pour combattre la pauvreté où qu’elle soit dans le monde.
Mohamed Dia