Dip Doundou Guiss (Vivre pour Apprendre), de son vrai nom Dominique Preira : vous pouvez l’écouter toute la journée sans même vous douter qu’il pourrait vous aider à réviser la philo en référence à ses textes avec leur abondant contenu philosophique. Dense et ambitieux, Dip excelle dans le rap « égo trip » qui apparaît pour lui comme l’affirmation du sujet pensant-rappant dans un « ego cogito trip ». Le « Président » des rappeurs qui nous reçoit chez lui aux Mamelles nous parle de sa carrière, de ses succès, bref de son audience avec le chef de l’Etat en pleine pandémie de Covid-19. Entretien cérébral en compagnie d’un rappeur vraiment pas comme les autres.
Comment vous-présenteriez-vous à nos lecteurs ?
(Il rigole) Je suis Sénégalais, Dakarois, «Ndiago» (Manjaque ou Manjak), artiste, rappeur. Je suis un jeune qui a grandi et a fait ses études ici au Sénégal. Mon ambition est d’apporter quelque chose de positif à mon pays à travers le rap. J’ai choisi le rap parce qu’il correspond plus à mon parcours. Disons que c’est le rap qui est venu à moi et ce, depuis tout petit. Je voyais les autres artistes parler de tout ce qui touchait à la société, leur façon de s’habiller, de passer des messages, tout ça m’a plu.
Pourquoi le surnom Dip Doundou Guiss ?
C’est moi qui ai trouvé ce surnom. C’est venu juste comme ça, au cours d’une discussion et j’ai sorti ce surnom Doundou Guiss. Dans Doundou Guiss il y a tout. Par Doundou on entend vivre, et par Guiss, on entend voir et le Dip, ce sont les initiales de mon nom Dominique Preira. Ce nom englobe tout ce que l’on voit, tous les thèmes que l’on aborde, tout ce qui touche à la vie et comme le dit l’adage qui vivra verra.
Comment s’est passé vos débuts dans la musique ?
Au début, c’était difficile. Le rap n’est pas comme devenir un cadre d’une société, ou être dans un bureau ; c’est très diffèrent. J’ai bossé dur et les gens se sont rendus compte que c’était du sérieux. Il y a des gens qui n’aimaient pas forcément ce que l’on faisait, mais aujourd’hui ils ont changé d’avis. Au début, exceptés mes amis, ma famille ne voulait pas que je fasse du rap, mais elle a fini par se plier à mon désir. En venant à mes concerts, en écoutant mes messages (de sensibilisation), mes proches sont devenus mes plus grands fans.
Quel est votre niveau d’études ?
Apres le Bac, je suis allé à l’Université où je m’étais inscris à la Faculté de Droit mais je n’ai pas pu finalement poursuivre les études. J’y suis resté pendant deux ans sans faire grand-chose (rire). Il y avait un tiraillement entre la musique et les études et j’ai fait un choix : le rap. Les conditions d’études à l’Université me démotivaient. J’ai choisi la musique au détriment des études.
Vous avez conçu 2 projets de mix tape et 1 album à savoir « LO NIEME NIAKK » avec plusieurs duos. Ce fut un succès énorme. Avez-vous été surpris?
A vrai dire, je m’attendais à toutes les éventualités. J’ai été surpris, mais quand tu bosses sur un album, tu te dis dans ta tête qu’il faut tout faire pour que ça réussisse. Comme dit l’adage, « on ne sème que ce que l’on récolte. »
Comment gérez-vous cette pression due à votre succès ?
Je n’ai aucune pression, et cela se voit (il est détendu). Le succès ne me monte pas la tête. J’ai toujours les pieds sur terre, car je sais qui je suis et par où je suis passé. Le plus important pour moi c’est le travail que je fournis et non la frime. Tout ça, ce sont des futilités.
Dip se pose en «Président du Rap sénégalais». Au nom de quoi ?
Je ne me réclame pas Président du rap sénégalais. Ce sont les gens qui le disent à mon égard. A part moi, il n’y a personne d’autres. Je ne le dis pas pour me vanter, mais je ne laisserai pas des plaisantins dire le contraire. Je n’accepterai pas cela car j’ai fait ce que j’avais à faire.Le rappeur est égocentrique, et il ne veut pas que l’autre le dépasse. Il n’aime pas également qu’on dise que l’autre est meilleur que lui. Le «Mbalaax » est diffèrent du Rap, il n’y a pas cet esprit de rivalité comme chez nous les rappeurs.
Que pensez-vous du Rap sénégalais ? Pensez-vous qu’il est médiocre ?
Je ne suis pas du genre à dire que telle ou telle chose est médiocre. On trouve la médiocrité partout et dans tous les domaines. Chacun a sa manière de faire la musique, de jouer son art pour le propulser. L’art est libre, donc laissons les gens avec leur liberté et que chacun se débrouille comme il peut. Encore une fois je ne peux pas juger de la médiocrité de musiciens. Que chacun fasse ce qu’il a à faire et qu’il laisse l’autre faire pareil.
Quels rapports entretenez-vous avec les autres artistes qui travaillent avec le même label tels que Samba Peuzzi et autres ?
Samba est comme un frère pour moi. C’est comme si nous étions de la même famille. Avec Samba, nous nous sommes connus avant même qu’il ne commence à faire du Rap.
Pourquoi votre maison de production ne vous défend pas quand vous êtes attaqué par les autres rappeurs ?
La question qu’il faut se poser : est-ce que ma maison de production doit me défendre ? Pourquoi ? Vous pensez que ces critiques m’atteignent ? On défend une personne vulnérable. Je suis tout sauf vulnérable ou faible. Ils ont beau parler, me critiquer, moi je bosse dur dans mon coin. Je fais mes concerts, je vends mes albums, alors que demander de plus ?
Avez-vous mal vécu la Covid-19 à l’image des autres artistes ?
J’avoue que oui. La pandémie nous a tous durement touchés. Mais on ne baisse pas les bras, nous nous contentons de trouver d’autres sources de revenus. La vie ce n’est pas seulement la musique, les concerts. Nous tentons de faire autre chose, pour s’ouvrir d’autres horizons. On y travaille !
Vous avez été reçus par Macky Sall au Palais en pleine pandémie. Qu’avez-vous dit au président ?
L’audience s’est bien passée et ce fut un plaisir pour nous d’avoir été reçus par le Président de la République. Quand un Président fait appel à toi, cela veut tout simplement dire que tu représentes quelque chose dans ce pays. Nous y sommes allés, nous avons échangé et chacun a donné son opinion sur la Covid-19. Mais je précise qu’avant qu’il ne fasse appel à nous, nous avions déjà commencé à faire notre boulot. Nous avions sorti des sons afin de sensibiliser les populations sur la maladie à coronavirus.
Qu’est ce qui a motivé vos actes de bienfaisance à l’endroit de la population de Grand Yoff ?
Toutes les populations ont très mal vécu cette pandémie. Ce qui m’a motivé, c’est que j’ai voulu donner le bon exemple. Des rumeurs ont circulé faisant croire que c’est après notre audience avec le Président que j’ai fait ce don. Je précise qu’au Palais, on nous a rien donné. Je n’ai reçu aucun kopeck et je ne prendrais jamais l’argent du Palais. Que ça soit bien clair ! Le riz que j’ai donné aux populations de Grand-Yoff n’était pas celui de l’Etat mais le mien. Et c’est du riz parfumé (rire). Je suis allé au Palais mais je n’ai rien reçu là-bas (il insiste) ; j’ai déboursé cet argent de ma poche.
Quelle a été la scène qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?
J’ai fait plusieurs scènes et nombreux sont celles qui m’ont marqué. D’ailleurs, je n’y pense même pas. Sinon il y avait une scène au Cices qui m’avait tout autant marqué parce qu’il y avait une certaine ambiance, une certaine évolution par rapport au live qui m’avait beaucoup plu et j’aimerais bien continuer dans cette lancée.
En ce moment, il n’y a plus possibilité de faire des spectacles. Comment vous débrouillez-vous pour égayer votre public ?
Je ne fais de prestations nulle part. Je ne veux pas forcer les choses. Tant qu’il y a pandémie coronavirus, pour le moment, prester ne m’enchante pas. Je ne critique pas ceux qui le font.
Votre art vous fait-il vivre ?
C’est mon art qui me fait vivre et je rends grâce. Je ne dirais pas que je suis riche. Pour moi, être riche c’est avoir la paix intérieure, la santé, avoir de bons rapports avec les autres, apporter quelque chose aux autres. Grosso modo, la vie sur terre doit servir à quelque chose, l’argent ne fais pas tout !
Des gens vous taxent de franc-maçon ?
Tout ce qui n’est pas vrai ne dure pas (il se répète) ! C’est tout ce que j’ai à dire.
Quels sont vos projets ?
Oui, j’en ai mais je préfère ne pas en parler, vous en saurez davantage le moment venu. Sinon je fais du social en venant surtout en aide aux enfants. Si quelqu’un a un projet social et que je peux lui venir en aide, je le ferai sans hésiter. J’ai déjà ça en cœur et si Dieu m’en donne les moyens….
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes rappeurs ?
Je ne conseillerais à personne d’aller faire du Rap, vu tout ce qu’il se passe dedans. Il y a beaucoup d’obstacles auxquels nous faisons face. Si je vois une personne qui veut faire du Rap, je l’accompagnerai mais je ne recommanderais à personne d’en faire.